Une révolutionnaire irlandaise en France
Maud Gonne et l’internationale nationaliste, 1887-1914
Résumé
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos de l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Liste des illustrations
- Introduction
- Première partie
- Chapitre I : Maud Gonne : anglaise et boulangiste
- Chapitre II : Maud Gonne : journaliste militante
- Chapitre III : Maud Gonne : une histoire des droites en Irlande
- Deuxième partie
- Chapitre IV : La fille d’Irlande
- Chapitre V : La fusion avec la terre : Maud Gonne incarnation de l’Irlande
- Chapitre VI : Une rebelle au service de l’Irlande
- Conclusion
- Bibliographie
- Titres de la collection
De la femme rebelle
Cet ouvrage évoque une femme au statut de rebelle, un statut qui, dans la longue histoire de notre civilisation occidentale, pose problème dès lors qu’il s’agit d’une femme. Maud Gonne, révolutionnaire irlandaise, particulièrement active à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, a été longtemps connue avant tout comme muse du poète W.B. Yeats, un rôle en conformité avec une certaine idée classique de la femme. Il est plus convenable en effet de se présenter comme un être passif qui inspire les hommes que comme une activiste politique, adepte des manifestations de rue. La femme rebelle dérange car en prenant une place qui n’est pas traditionnellement la sienne elle bouleverse l’ordre établi et en vient à incarner un danger pour la société entière.
De tout temps, des femmes ont été actives, se sont défendues par des armes, ont provoqué des émeutes1 mais c’est le révolutionnaire XVIIIe siècle qui les voit véritablement entrer dans l’arène publique. Aux États-Unis, en 1765, des femmes rassemblées sous le nom de Filles de la liberté, boycottent les produits anglais et décident de s’habiller à l’américaine.2 Une action qui sera reprise par Maud Gonne et ses compagnes qui décideront de faire la promotion du tweed irlandais. En Angleterre, Mary Wollstonecraft écrit the Vindications of the Rights of Women et clame haut et fort que les femmes doivent être traitées de la même façon que les hommes. La Révolution française, moment de rupture institutionnelle, leur permet de s’exprimer ←1 | 2→pleinement. Emeutières, tricoteuses, penseuses, écrivaines, elles trouvent leur force dans leurs rassemblements et forment des clubs où elles débattent, décident des actions à tenir. Une des plus célèbres d’entre elles, Olympe de Gouges, rédige et publie la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Mais que deviennent ces femmes une fois la Révolution terminée ? Certaines n’en voient pas la fin et les autres reprennent le chemin de la maison ou de leur travail mais des graines étaient semées qui allaient éclore.
La place des femmes dans la cité est donc depuis toujours liée au contexte politique, social et culturel dans lequel elles vivent. Les moments de remise en cause de l’ordre traditionnel leur permettent de sortir de leur rôle habituel et d’assumer de nouvelles fonctions. Mais ils entraînent aussi la projection de nouvelles visions des femmes, des visions dont l’imaginaire, qui puise abondamment dans la mythologie et la culture n’est pas absent dès qu’il est question de femmes.
De la femme rebelle en Irlande
Maud Gonne s’inscrit dans une relation longue, conflictuelle et complexe des femmes avec le nationalisme. Une relation longue tout d’abord car au XVIIe siècle, déjà, des Irlandaises, auxquelles les anciennes lois gaéliques donnent du pouvoir, se rebellent contre l’occupation anglaise, espionnent, servent d’intermédiaires, de négociatrices et prennent les armes. Plus tard, lors des insurrections de 1798 et de 1848, elles sont présentes également, s’occupant de propagande, de support matériel, d’organisation de réunions secrètes. Inspirée par les révolutionnaires françaises, elles combattent aussi, discutent de politique, écrivent, à la manière de Speranza par exemple, la mère d’Oscar Wilde, et affirment qu’il n’est pas contraire à la féminité de prendre un sabre ou un fusil si besoin en est.3 Au début du XXe siècle, Maud Gonne sait s’entourer de nombreuses femmes aussi actives et déterminées qu’elle-même et qui prennent une part non ←2 | 3→négligeable dans les combats pour l’indépendance. Dans les années 1970, l’IRA compte parmi ses membres des femmes et celles-ci, au même titre que les hommes, doivent être capables de poser des bombes.4 Cependant, ces femmes ne sont jamais admises aux plus hauts postes de décision, leur pouvoir politique reste nul.
La relation de ces femmes avec le nationalisme est complexe car elle est considérablement alourdie par les multiples images, fantasmes, associations accolées à la femme en relation avec la nation. A la fois symbole fantasmée de la nation (vierge, déesse, guerrière) mais également garante des traditions nationales dans son rôle de mère, cette double image de la femme est liée pour reprendre l’analyse de Ryan et Ward à la complexité de ce que définit le nationalisme, de ce que l’on entend par le nationalisme qui est avant tout une construction de l’esprit, quelque chose qui est « inventé, mis en scène et consumé ».5 La tradition, la mythologie, la littérature, viennent brouiller l’engagement des femmes, leur façon d’agir, de penser et aussi la façon dont elles sont perçues. Exclues des hautes instances de décision, elles ont tendance à compenser6, à trouver des stratégies pour se faire accepter.
Tout cela est particulièrement vrai dans le cas de Maud Gonne, ce qui en fait un objet d’étude si passionnant. Très jeune baignée dans la pensée mythique du nationalisme français et irlandais, adulée par un poète de génie qui fit de sa personne une des composantes majeures de son œuvre, exclue des clubs nationalistes, mêlant à un goût résolu pour l’action, un goût non moins affirmé pour l’art et la représentation, elle se trouve au croisement de la politique et de l’imaginaire. Il est saisissant que, en 1938, à l’âge de soixante-douze ans, elle choisit dans son autobiographie de se représenter sous une image empreinte du mythe, une glorieuse révolutionnaire prête à mourir pour sa patrie, occultant une grande partie du travail remarquable qu’elle accomplit en tant que journaliste, oratrice, socialiste, militante pour les droits des prisonniers politiques ainsi que sa riche relation avec Yeats. Malgré toutes ces actions concrètes et reconnues qui font avancer la cause du nationalisme irlandais, elle ne peut échapper au pouvoir que possède ←3 | 4→l’imagination lorsqu’elle se mêle à la politique et devient instituée. C’est ce que Sidonie Smith et Julia Watson soulignent dans leur ouvrage sur les autobiographies féminines, le rôle, lors de certains « moments historiques particuliers » des « modèles identitaires préconstruits »7 et la difficulté pour les femmes d’échapper à ces modèles.
Une femme rebelle comme objet d’histoire
Résumé des informations
- Pages
- X, 176
- Année de publication
- 2020
- ISBN (PDF)
- 9781788741729
- ISBN (ePUB)
- 9781788741736
- ISBN (MOBI)
- 9781788741743
- ISBN (Broché)
- 9781788741712
- DOI
- 10.3726/b13094
- Langue
- français
- Date de parution
- 2020 (Novembre)
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Wien, 2020. X, 176 p., 5 ill. n/b.