Chargement...

Le philosophe noir des Lumières Anton Wilhelm Amo à travers la fiction littéraire

Un medium d’une voix africaine, diasporique et postcoloniale

de Constant Kpao Sarè (Auteur)
©2018 Monographies 154 Pages
Série: Convergences, Volume 94

Résumé

Anton Wilhelm Amo (environ 1703-1758), philosophe des Lumières connu pour sa peau noire, doit être également vu aujourd’hui comme un personnage de la Weltliteratur chère à Goethe. À ce titre, il soulève des problèmes liés aux représentations contenues dans les discours diasporique, postcolonial et africaniste, notamment celles des voix interdites, inaudibles ou dominées. Cet ouvrage s’attache à l’analyse de ces représentations dans les fictions littéraires autour du personnage d’Anton Amo que nous offrent la Japonaise Yoko Tawada, l’Allemand Johannes Glötzner et le Ghanéen Jojo Cobbinah. En tirant profit des théories et concepts développés dans les études postcoloniales (Said, Bhabha, Spivak, Achebe, etc.), il s’intéresse aux différents discours tenus au nom des diasporas postcoloniales et des préoccupations interculturelles.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Préface
  • Avant-Propos
  • Introduction
  • 1. L’homme et son œuvre, la question mémorielle et l’état de recherche
  • 2. Une voix interdite prend la parole
  • I. Approche théorique et méthodologique
  • A. Postcolonialité - subalternité - voix/représentation
  • B. La voix de l’Afrique noire : « parler avec une voix proprement sienne »
  • C. La voix de l’Afrique noire : prise de parole avec « une voix de mondialité »
  • D. L’« esthétique de l’empathie », un outil d’analyse de la voix du subalterne
  • II. Le discours diasporique en Allemagne
  • A. Le discours d’une diaspora postcoloniale
  • B. La symbolique d’Anton Amo pour la diaspora africaine en Allemagne
  • C. Johannes Glötzner : un engagement diasporique
  • D. Le roman Der Mohr
  • E. Amo, une voix de la diaspora africaine
  • 1. Un récit-cadre dédié à un idéaltype diasporique
  • 2. Une voix contrapuntique dans le récit enchâssant
  • 3. L’esthétique de l’empathie
  • III. Le discours postcolonial
  • A. La vie d’Anton Amo, une histoire de la mondialité postcoloniale
  • B. Yoko Tawada : diaspora et subalternité
  • C. Le récit The Shadow Man
  • D. Amo, une voix subalterne prend la parole
  • 1. La difficile prise de parole entre assignation identitaire et jalousie
  • 2. La prise de parole par le subalterne
  • 3. La polyphonie au service de la voix subalterne
  • IV. La voix de l’Afrique noire
  • A. Anton Amo comme symbole de la voix de l’Afrique
  • B. Jojo Cobbinah : postcolonialité et interculturalité
  • C. Le roman Dr. Amo’s Lonely Planet
  • D. Amo, une voix africaine
  • 1. La subversion de la voix de l’Europe comme « writing back »
  • 2. L’Africain perd sa voix
  • 3. L’Africain acquiert la voix de l’Europe
  • 4. L’Africain retrouve sa voix
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • 1. Textes littéraires centrés sur Amo
  • 2. Autres textes littéraires cités
  • 3. Études portant sur Anton Wilhelm Amo
  • 4. Autres études
  • 5. Webographie
  • Index Des Noms Propres
  • Titres de la collection

← 10 | 11 →

Préface

Figure historique dont la postérité dépasse largement la trace directe qu’il a pu laisser, Anton Wilhelm Amo (environ 1703-1758), du fait de son destin exemplaire, s’est imposé au fil des générations comme un exemple emblématique de toutes les potentialités qui se sont révélées chez un individu à la suite d’un contact non recherché à l’origine entre le monde africain et l’Allemagne des Lumières.

Comme bien des jeunes Africains de son temps, le jeune Amo fut ravi à l’affection des siens à l’âge de trois ans par des négriers de la Compagnie des Indes occidentales et emmené par ceux-ci en terre allemande pour être offert à un aristocrate comme « nègre de cour ». Le sort voulu que la cour à laquelle Amo était destiné fût celle d’Anton Ulrich, duc de Brünswick-Wolfenbüttel (1633-1714), l’un des lettrés les plus connus de son époque. La rencontre non recherchée par Amo et ceux qu’il était destiné à servir fut le début d’un parcours hors normes qui vit le jeune garçon puis l’adolescent gravir les échelons du savoir et du cursus universitaire.

En 1707, Amo, qui était âgé alors de quatre ans, fut baptisé dans la religion luthérienne, puis reçut une formation qui le conduisit à obtenir le grade de docteur en lettres et philosophie. On sait qu’il fit des études à l’université de Helmstedt (1721-1727) puis à celle de Wittenberg, où il soutint en 1734 une thèse intitulée De humanae mentis apathiea. De 1736 à 1738, il fut Privatdozent à Halle et Wittenberg. En 1739, il donna des enseignements à l’université d’Iéna. Les indications dont on dispose sur la suite de sa vie en Europe, pour être assez éparses, attestent que malgré son talent, le parcours universitaire d’Amo ne fut pas facile. Pour des raisons au niveau desquelles se combinaient des facteurs académiques et des revers personnels, il tourna le dos à l’Europe en 1747 et rentra en Afrique où il vécut jusqu’à sa mort dans les années 1750.

L’itinéraire d’Amo est au cœur de l’essai écrit par Constant Kpao Sarè et que nous accueillons ici. L’originalité de cet essai est de proposer une vision du cas Amo conçue à partir d’un prisme africain, celui de l’aire ← 11 | 12 → culturelle dont était originaire le futur philosophe. C’est en fonction de cet éclairage que l’auteur incite le lecteur à une réflexion sur les débats qui actuellement ont lieu sur les problèmes interculturels. Le parcours d’Amo met en lumière tous les aspects – positifs mais aussi négatifs – liés aux contacts entre les cultures : le philosophe noir des Lumières fut en effet à la fois un « gagnant » et un « perdant » au niveau de l’expérience exceptionnelle qu’il connut en raison des circonstances qui s’imposèrent à lui.

Le choix de Constant Kpao Sarè de faire revivre Amo non pas en recherchant des détails de sa biographie, mais en s’intéressant à la fortune littéraire posthume qui est la sienne est original et stimulant. Grâce à la spécificité du corpus de textes dont il dispose, l’auteur entraîne le lecteur dans une réflexion sur l’interculturalité située à plusieurs niveaux. La première vision du « cas Amo » analysée est relativement classique : c’est celle d’un écrivain de langue allemande qui se saisit de son personnage pour envisager sous l’angle d’un regard qui se veut en phase avec la diaspora africaine le parcours du philosophe noir. La seconde a pris forme à travers le prisme proposé par une écrivaine japonaise vivant en Allemagne et écrivant dans la langue de Goethe, qui s’est intéressée à Amo en raison des similitudes entre sa propre expérience d’Asiatique en Europe et celle que connut le jeune Africain il y a près de trois siècles. La troisième vision évoquée ici est celle que propose un écrivain africain de langue anglaise qui renverse les perceptions traditionnelles, subvertit le discours habituel sur la « subalternité » des cultures « dominées » et choisit à travers le cas d’Amo de donner à percevoir toutes les potentialités de la voix de l’Afrique en tant que telle.

La réflexion sur l’interculturalité à laquelle nous convie Constant Kpao Sarè dépasse le cas d’espèce envisagé. Un fait essentiel à relever ici est que les situations de contacts entre cultures ne naissent pas nécessairement de relations souhaitées de part et d’autre. Cela ne signifie pas que des configurations asymétriques entre « dominants » et « dominés » aient des conséquences qui seraient toutes négatives. Dans le cas d’Amo tout au moins, on a assisté à la formation d’un jeune esprit qui a su montrer que son talent le situait au niveau des meilleurs dans la discipline réputée « reine » au sein du milieu universitaire des Lumières. Il n’en reste pas moins que la carrière allemande d’Amo a reposé sur une relation à sens unique : pendant son séjour en Europe, le jeune Africain n’a pas eu d’autre choix que de s’adapter, alors que la société dominante lui réserva ← 12 | 13 → un accueil qui, en fin de compte, contribua à renforcer sa résolution de retourner au pays.

La lecture postcoloniale que propose Constant Kpao Sarè du cas Amo pose dans le cadre du débat sur l’interculturalité des questions importantes. Elle montre au fil des textes évoqués que l’idée d’un rapprochement entre les cultures en vue de leur intégration dans un vaste ensemble qui, idéalement, serait homogène, ne fait pas sens. Amo a gravi pendant une partie de sa vie les échelons d’une carrière d’Européen, et il put sembler que son identité d’origine aurait pu faire place à celle d’un cosmopolite. Son parcours, en fin de compte, invite à relativiser les positions idéologiques héritées de la vision de l’universalisme héritée des Lumières. Si l’universalisme au niveau des valeurs en tant que reconnaissance de la légitimité de toutes les cultures doit être l’un des objectifs majeurs des relations entre celles-ci, celui-ci pour s’établir et devenir productif dépend d’une condition : la reconnaissance et le respect de l’Autre qui vont de pair avec le refus des discours assimilationnistes.

Michel GRUNEWALD

Professeur à l’Université de Lorraine / Metz ← 13 | 14 →

← 14 | 15 →

Avant-Propos

Le présent ouvrage est dédié à un personnage qui a vécu au XVIIIe siècle et dont la postérité est avérée. C’est Kwame Nkrumah, le premier Président du Ghana, qui a redécouvert le « héros » de notre étude fortuitement pendant un séjour en Amérique. D’autres sont entrés en contact avec cet esprit hors du commun au détour d’un voyage touristique en Afrique, qui les a amenés à Chama au Ghana où se trouve sa pierre tombale. D’autres l’ont découvert pendant un séjour en Europe, quand ils se sont trouvés face à un monument portant l’inscription suivante : « En souvenir d’Anton Wilhelm Amo, originaire d’Axim au Ghana, premier étudiant et professeur africain de l’Université Halle-Wittenberg et Iéna 1727-1747 ».1 D’autres encore ont côtoyé intellectuellement Amo n’importe où dans le monde, à la faveur d’un enseignement de philosophie, d’histoire mondiale, d’études africaines, etc. En ce qui me concerne, j’ai fait la rencontre d’Amo quand j’étais élève en classe Terminale, découvrant dans mon manuel d’Allemand Ihr und Wir,2 l’histoire de ce philosophe noir du siècle des Lumières en Allemagne dont mon professeur de philosophie ne parlait jamais. Depuis, cette image n’est restée que réminiscence, mes notions rudimentaires de philosophie ne m’ayant pas encouragé à poursuivre la recherche. Mon intérêt grandit quand je découvris qu’Amo était également un personnage de la Weltliteratur chère à Goethe. C’est ce qui m’a conduit à entreprendre la présente étude centrée sur le personnage d’Amo tel que nous le présente la fiction littéraire.

Le lecteur sera sans doute étonné d’apprendre que le titre Kage Otoko qui fait partie de la littérature japonaise depuis 1998 renvoie au docteur Amo, philosophe noir du siècle des Lumières en Allemagne. Ce qui ← 15 | 16 → constitue, si besoin en est encore, la preuve de l’universalité de l’homme qui est au centre de notre intérêt. Le présent ouvrage montre qu’il existe dans les textes analysés une pluralité de voix, voix interdites, inaudibles ou dominées. Cette pluralité de voix s’exprime grâce à l’engagement et à l’activité de membres de la diaspora africaine en Allemagne et des promoteurs des études postcoloniales et « subalternes ». On découvre donc à travers Amo devenu un personnage littéraire la représentation qui est faite de la voix des « subalternes », dans le cas d’espèce celle des Africains, de la diaspora africaine dont l’expression a été rendue inaudible par l’action de la voix dominante de l’Europe.

Je remercie le Professeur Michel GRUNEWALD, mon promoteur de toujours, pour les orientations constructives que je lui dois, pour son accompagnement dans le processus d’édition et pour avoir accepté de préfacer ce livre. Je remercie les Docteurs Charlemagne HOUNTON et Séverin AKEREKORO pour la lecture du manuscrit. Merci à Françoise et à Mirabelle. Merci à mes lecteurs.

Résumé des informations

Pages
154
Année de publication
2018
ISBN (PDF)
9782807609457
ISBN (ePUB)
9782807609464
ISBN (MOBI)
9782807609471
ISBN (Broché)
9782807609440
DOI
10.3726/b14687
Langue
français
Date de parution
2018 (Septembre)
Publié
Bruxelles, Bern, Berlin, New York, Oxford, Wien, 2018, 154 p.
Sécurité des produits
Peter Lang Group AG

Notes biographiques

Constant Kpao Sarè (Auteur)

Constant KPAO SARÈ, Maître de Conférences en Études germaniques à l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin), s’intéresse aux souvenirs postcoloniaux, aux migrations et à la représentation de la voix de l’Afrique et des Africains dans la littérature de langue allemande.

Précédent

Titre: Le philosophe noir des Lumières Anton Wilhelm Amo à travers la fiction littéraire