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Origine et histoire du vocabulaire des arts de la table

Analyse lexicale et exploitation de corpus textuels

de Silvia Domenica Zollo (Auteur)
©2020 Monographies 242 Pages
Série: Linguistic Insights, Volume 271

Résumé

Suivant les méthodes de la lexicologie sociohistorique et les dernières avancées en matière d’exploitation de corpus textuel, ce volume étudie les origines et l’histoire du vocabulaire des arts de la table, à travers la constitution d’un corpus représentatif qui s’étend du XVIe au XVIIIe siècle.
L’observation des dynamiques lexicales se concentre sur deux aspects : l’étude des procédés de formation lexicale et l’analyse des causes linguistiques et extralinguistiques qui se cachent derrière l’évolution formelle et sémantique des mots.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Préface
  • Remerciements
  • Table des matières
  • 1. Introduction
  • 1.1 Le vocabulaire des arts de la table : motifs et méthodes
  • 2. Prémisses théorico-méthodologiques pour l’étude historique du vocabulaire
  • 2.1 L’histoire du vocabulaire : état des lieux et nouvelles orientations
  • 2.2 Proposition d’un modèle pluriel pour l’étude historique du vocabulaire des arts de la table
  • 2.2.1 Le modèle sociolexical et historico-philologique
  • 2.3 Le facteur temps : périodisation historique et chronologique des phénomènes lexicaux
  • 3. Le travail en corpus et la production des données lexicales : entre sources et documentation dynamiques
  • 3.1 Les textes comme seul accès au vocabulaire des arts de la table
  • 3.2 Les ressources lexicographiques et dictionnairiques
  • 3.3 Constitution et représentativité du corpus : contraintes techniques et spécificités discursives
  • 3.3.1 Le corpus nécessaire à la représentation des changements lexicaux : les textes historiques et littéraires
  • 3.3.2 Le dépouillement des inventaires et des comptes : un patrimoine linguistique et culturel inépuisable
  • 4. L’univers lexical et symbolique des arts de la table
  • 4.1 Le réseau lexical de service : entre significations symboliques et dénominations multiples
  • 4.1.1 Nouvelles désignations de service et relations synonymiques
  • 4.2 Du vase à la vaisselle : histoire et filiation lexico-sémantiques
  • 4.2.1 L’ancienne dénomination de vase : le mot vaisseau
  • 4.2.2 Le dérivé vaisselle et son évolution sémantique
  • 4.3 La compénétration de mots étrangers et la présence de noms propres dans le vocabulaire du service à boisson
  • 4.3.1 Le réseau lexiculturel du mot tasse
  • 4.3.2 La naissance des noms de vases liés aux boissons exotiques
  • 4.4 Cartographie historico-lexicale des noms de plats
  • 4.4.1 Les extensions de sens du mot plat dans le domaine de la toilette
  • 4.4.2 Les dérivés nominaux plateau et platelet
  • 4.4.3 L’apparition tardive du mot soupière
  • 4.4.4 L’introduction du mot assiette dans le vocabulaire de la table
  • 4.4.5 Les synonymes de surtout
  • 4.5 L’histoire du mot couvert et ses méronymes
  • 4.5.1 Le réseau lexical de couteau : de la table à la toilette
  • 4.5.2 La créativité lexicale autour du mot couteau : de la production à la commercialisation
  • 4.5.3 La lexicalisation tardive du mot fourchette
  • 4.5.4 Les variantes orthographiques et lexicales du mot cuiller
  • 5. Vers une cartographie des dynamiques lexicales du vocabulaire des arts de la table
  • 5.1 Phénomènes d’apparition et de disparition lexicales dans le vocabulaire du service de table
  • 5.1.1 De la buire au pot à eau
  • 5.1.2 De la coupe au gobelet
  • 5.1.3 Du vinaigrier à l’huilier
  • 5.1.4 Du vaisselet à manger œufs au coquetier
  • 5.1.5 Du seau à rafraîchir au rafraîchissoir
  • 5.2 Quelques cas de migration lexicale : les termes des embarcations maritimes dans la nomenclature des vases
  • 5.3 Variation dénominative autour du mot chandelier : entre invention et usage
  • 5.3.1 Les dénominations des chandeliers suspendus : entre substituts épisodiques et changements lexicaux
  • 5.3.2 Nouvelles acceptions du mot chandelier : de l’applique à la branche
  • 5.4 La variante candélabre : entre coexistence et confusion lexicale
  • 5.4.1 Les variantes lexicales girandole et flambeau
  • 5.4.2 La torchère et le guéridon : deux mots aux multiples facettes
  • 6. Conclusion
  • 6.1 La constitution du vocabulaire des arts de la table
  • 6.1.1 Instabilité sémantique et variation lexicale
  • 6.1.2 Innovation et vitalité lexicales
  • 6.1.3 Résonances entre langue générale et la langue de spécialité
  • Références bibliographiques
  • Index des noms
  • Titres de la collection

1. Introduction

1.1 Le vocabulaire des arts de la table : motifs et méthodes

L’étude historique de la langue des arts met en lumière l’existence d’un vaste trésor lexical utilisé, au cours des siècles, par les spécialistes d’autrefois et les petits collectionneurs d’œuvres d’art. Les termes les plus généraux de ce vocabulaire – qui désignent aussi bien les objets et les produits d’art que les activités les plus fréquentes pour leur fabrication – semblent constituer le fonds principal d’une langue qui se situe à la charnière entre langue générale et langue de spécialité (Kocourek 1982 ; Cabré 1999 ; Humbley 2018a). Si les relations mouvantes entre langue générale et langue de spécialité représentent la cause prédominante des interférences linguistiques (Schmitt 1974, 2016) dans la langue des arts, il existe aussi des domaines neutres qui servent de lieu de rencontre linguistique et culturelle à des locuteurs venant de classes sociales différentes et qui, attirés par intérêt ou par plaisir, forment des ‘inter-communautés’ linguistiques orientées vers des activités sociales et culturelles d’ordre collectif. Ces ‘inter-communautés’ – et nous pensons plus particulièrement à celle qui s’est constituée au fil des siècles autour des arts de la table – emploient un vocabulaire composé en grande partie de mots techniques en lien avec une activité sociale commune.

L’expression “arts de la table” renvoie à l’environnement artistique et socioculturel dans lequel les repas ont lieu, ainsi que la manière dont ils sont servis et pris. Cela comprend aussi bien le service de table que le personnel, les lieux réservés aux repas, le mobilier, les décors et les coutumes qui changent selon les révolutions alimentaires, les habitudes sociétales et les traditions familiales transmises de génération en génération. Placé à mi-chemin entre langue générale et langue de spécialité, le vocabulaire de ce domaine fonctionne non seulement comme centre de productivité lexicale, mais il est à la fois lieu de diffusion des mots techniques dans la langue générale et lieu d’échanges entre les différents vocabulaires techniques et la langue générale elle-même.

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Considéré comme un ensemble de moyens d’expression sociale qui se constitue autour d’une activité artistique, culturelle et commerciale, le vocabulaire des arts de la table offre, nous semble-t-il, un champ linguistique très intéressant pour l’observation et la description lexicales. Son étude peut se révéler passionnante sous de nombreux points de vue, entre autres, celui de l’histoire des mots. Les objets et les formes décoratives compris dans ce domaine sont soumis, plus qu’aucun autre élément des realia, à des changements constants qui provoquent à leur tour des fluctuations correspondant dans les mots qui désignent les choses. L’observation minutieuse de ces changements que permet la lecture des archives historiques, des inventaires, des comptes et des œuvres littéraires, semble a priori constituer une occasion précieuse d’analyse du renouveau intérieur du langage, saisi dans sa spontanéité et marqué dans les phases successives de son évolution. Par ailleurs, si la recherche de l’expression langagière dont a longuement parlé Wartburg (1946), représente l’une des causes principales des changements lexicaux, le vocabulaire des arts de la table reflète la tendance qui induit la langue à rechercher des mots nouveaux d’une plus grande valeur expressive et d’une puissance évocatrice qui, en anéantissant les barrières des vocabulaires ‘secrets’, ouvrent le chemin aux ‘correspondances’ des mots, germes de la création métaphorique et métonymique.

Inspirée du paradigme sociohistorique axé sur la vie des mots (Darmesteter 1877, 1887) qui a dominé les travaux lexicologiques au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cette étude conçoit le vocabulaire des arts de la table comme un ensemble de mots qui naissent, constituent des réseaux lexicaux et parfois meurent. L’apport inestimable de ce paradigme aux études linguistiques contemporaines est celui de dégager des mécanismes qui considèrent les changements d’usage que subissent les lexèmes. Ces mécanismes embrassent plusieurs disciplines – linguistique historique, sémantique, histoire des mœurs, histoire des idées, lexicographie et lexicologie – et rejoignent, sous plusieurs aspects, les points cardinaux de trois orientations françaises en sémantique linguistique : l’esprit humain (Bréal 1897), la perspective sociologique (Meillet 1905–1906) et le mot en tant qu’organisme vivant dont la vie peut se comparer à celle des organismes du règne végétal ou du règne animal (Darmesteter 1887). Étudier les caractères de cette vie que l’esprit humain prête aux mots, signifie analyser les procédés logiques et les causes psychologiques et ←20 | 21→linguistiques qui se cachent derrière l’évolution des sens, déterminer leurs origines, en retracer le développement et, dans la mesure du possible, retrouver derrière leur histoire, celle des civilisations.

Or, comment jeter les bases d’une analyse lexicale des ensembles discursifs et linguistiques d’une société, au sein d’une sémiologie d’expressions sociales non verbales comme l’art ? De nombreux philologues et linguistes se sont appliqués à approfondir leur réflexion épistémologique et à élaborer une théorie linguistique globale explicite pour la description de l’histoire des sociétés par le biais du vocabulaire, en insistant sur la nécessité de saisir les mouvements de la langue et en raccordant les visées synchronique et diachronique (Delboulle 1880 ; Baldensperger 1924 ; Greimas 1948, 1949). À l’intérieur de ce cercle de linguistes, les plus renommés sont sans doute Cressot (1938), Gautier (1947), Bruneau (1948, 1953), Matoré (1951), Greimas (1952, 1955), Cahen (1970) et Fuchs (1973) qui, s’appuyant sur le principe que les écrivains exercent une influence déterminante sur l’évolution de la langue française, s’attachent à l’étude et à la classification des créations lexicales des auteurs, destinées à trouver leur place dans les dictionnaires historiques, notamment dans le projet lexicographique Le Nouveau Littré qui aboutira au Trésor de la langue française, lancé en 1957. Quelques années plus tard, ils s’écartent de l’approche consacrée et joignent leurs efforts aux chercheurs qui essayent de rénover la lexicologie en la rapprochant de la linguistique contemporaine (Quemada 1955 ; Quemada & Wexler 1959–1965). Délaissant la stylistique littéraire, les nouvelles recherches en lexicologie embrassent ainsi une partie plus importante de l’usage des mots en discours et s’acharnent à replacer la langue dans son contexte social, alliant la linguistique de pointe aux perspectives historiques et sociologiques et faisant ainsi acte d’allégeance à la tradition de Meillet (1918). Loin de s’en remettre uniquement aux dictionnaires anciens ou récents pour établir l’usage des mots, les innovateurs de cette nouvelle théorie linguistique soulignent, en outre, la nécessité d’étendre la fouille des textes du passé, afin d’obtenir de meilleurs résultats (Kenzie 1939 ; Greimas & Matoré 1947, 1948 ; Greimas 1952, 1955, 1956a, 1956b, 1958 ; Hollyman 1957 ; Wexler 1955 ; Guilbert 1965 ; Stewart Scoones 1976 ; Quemada 1978).

Suivant les traces des philologues et des pionniers de la lexicologie sociale et historique, ainsi que les dernières avancées en matière ←21 | 22→de numérisation, d’accès et d’exploitation de corpus historiques et linguistiques, le présent ouvrage se consacre à l’étude des dynamiques sociolexicales et historiques du monde des arts de la table à travers la constitution d’un corpus représentatif et l’analyse de plus de 300 unités lexicales sur une échelle temporelle qui s’étend du XVIe au XVIIIe siècle.

Pour aborder l’analyse dudit vocabulaire dans une perspective historique, il est nécessaire de commencer par dégager les courants épistémologiques qui paraissent susceptibles de faire écho aux questions qui nous intéressent. À cet égard, le chapitre 2 est entièrement dédié à l’état des lieux et aux nouvelles orientations en matière d’histoire du vocabulaire. L’étude des perspectives théoriques associée à l’étude historique du vocabulaire, permet de dégager un modèle à plusieurs volets : sociolexical et historico-philologique. À travers la notion de variabilité qui permet de réconcilier diachronie et synchronie, ce modèle s’attache avant tout à la dimension sémantique, culturelle et historique des mots, afin de restituer le contexte esthétique, social et linguistique des époques examinées (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle) et de voir comment l’évolution de la vie matérielle collective provoque des changements considérables du lexique. Notre exploration lexicale se fait d’une part en approfondissant l’analyse historique du vocabulaire et d’autre part en insistant sur la perspective sociologique et sur le fait que le développement lexical des arts de la table ne peut se comprendre qu’à la lumière de la culture matérielle et morale. Comme l’affirme Greimas (2000) :

On a beaucoup parlé de la vie des mots, comme si ceux-ci pouvaient avoir une vie propre et n’étaient pas des épiphénomènes recouvrant, d’une manière imparfaite, la perpétuelle mobilité des choses qui, seules, sont vivantes. Les mots ne sont que des ternes images de la réalité, ils ne font que la refléter de manière incertaine, si bien qu’une concordance parfaite entre le signe et le signifié n’est jamais atteinte. (Greimas 2000 : 132–133)

Face aux démarches qui préconisent l’indépendance de la langue, Greimas adopte clairement une position sémiotique ancrée dans la fonction sociale des nouveautés lexicales qui s’oppose à l’image saussurienne du signe conçu comme une unité immanente, simple et stable. Les lexèmes sont considérés comme des “mots témoins” (Brunot 1928 : 22) ←22 | 23→qui définissent, développent et détaillent les transformations sociales. Comme les noms des machines nouvelles et/ou des inventions servent de signes marquant les progrès industriels et commerciaux (Humbley 1994, 2006, 2018b), des néologismes tels que bouilly, mazarine, parepain, pucheux signalent la place centrale qu’occupent les arts de la table dans le contexte social français à un moment historique donné.

Après avoir reconnu l’intérêt que présente la proposition d’un modèle pluriel, le chapitre 2 détaille la longue périodisation historique et chronologique sur laquelle s’étend l’étude lexicale. La lecture et la fouille de textes se focalisent notamment sur les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, trois époques qui représentent non seulement des moments importants du renouvellement de la langue, mais qui comportent aussi les germes d’une certaine stabilisation au niveau artistique ainsi que la naissance de nouvelles conceptions dans les arts de la table, surtout dans les contextes royaux et bourgeois. Quoique la fixation définitive de ce vocabulaire se place entre le XVIe et le XVIIIe siècles, l’analyse lexicale recule jusqu’au XIVe siècle et cela pour deux raisons : à savoir, la possibilité de réunir une documentation plus abondante grâce à un accès nouveau aux corpus numérisés, mais aussi parce que la période antérieure est celle où les noms des objets de table et ses accessoires prennent conscience d’eux-mêmes à travers les toutes premières dénominations.

Résumé des informations

Pages
242
Année
2020
ISBN (PDF)
9783034340588
ISBN (ePUB)
9783034340595
ISBN (MOBI)
9783034340601
ISBN (Relié)
9783034338905
DOI
10.3726/b16932
Langue
français
Date de parution
2020 (Avril)
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. 242 p.

Notes biographiques

Silvia Domenica Zollo (Auteur)

Silvia Domenica Zollo est chercheuse en langue et linguistique françaises à l’Université de Vérone. Ses recherches en lexicologie et lexicographie portent sur l’évolution et l'histoire du lexique dans une perspective synchronique et diachronique. Parallèlement, elle s’intéresse aux langues de spécialité, à la linguistique de corpus et aux mécanismes de création morpho-lexicale et sémantique de nouveaux phénomènes langagiers dans les médias numériques.

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Titre: Origine et histoire du vocabulaire des arts de la table
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