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Reconstruire l’Europe avec Jean-Marc Ferry

Perspectives d’un État cosmopolitique

de Emery- Pamphile MBADU MBADU (Auteur)
©2020 Thèses postdoctorales 322 Pages

Résumé

Face aux nouveaux et nombreux défis de la mondialisation, Jean-Marc Ferry actualise l’ancienne idée philosophique du cosmopolitisme dont les principes sont considérés comme une alternative adaptée à notre monde multipolaire. Le présent ouvrage propose d’en retracer l’architecture : ses aspects essentiels et ses défis. Il montre qu’à partir de sa philosophie de la communication, Ferry analyse d’abord la manière dont fonctionnent les sociétés contemporaines en faisant de l’identité reconstructive sa catégorie organisatrice.
Préoccupé depuis les années 2000 par « l’histoire de l’humanité européenne », il applique ensuite cette identité contemporaine à « l’identité européenne reconstructive ». Son cosmopolitisme processuel tente de concrétiser l’idée philosophique du cosmopolitisme kantien dont la structure juridique de base s’adapte à l’échelle de l’Union Européenne. Il s’agit de construire une « unité de survie » transnationale puisque l’« unité de survie » nationale, bien que nécessaire, n’est plus suffisante. Il serait donc possible de prolonger l’idée cosmopolitique interprétée dans l’histoire européenne vers d’autres entités politiques d’envergure continentale. A condition, toutefois, que les pays concernés parviennent d’abord et avant tout à former une « unité de survie » nationale indispensable à toute « unité de survie » transnationale.

Table des matières

  • Cover
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-propos
  • Préface
  • Chapitre introductif. L’intégration européenne vue de la perspective cosmopolitique
  • 1. Contexte conceptuel et historique
  • 2. Structure du livre
  • Première Partie : L’identité reconstructive
  • Chapitre I. Regards croisés sur le cosmopolitisme kantien
  • 1. La conception kantienne du cosmopolitisme
  • 2. La lecture habermassienne du projet kantien
  • 3. La lecture ferryenne du projet kantien
  • Chapitre II. L’identité reconstructive
  • 1. Les différentes identités
  • 1.1. L’identité narrative
  • 1.2. L’identité interprétative
  • 1.3. L’identité argumentative
  • 1.4. L’identité reconstructive
  • 2. Les milieux et les ordres de la reconnaissance
  • 2.1. Le concept de la reconnaissance
  • 2.2. Les milieux de la reconnaissance
  • 2.3. Les ordres de la reconnaissance
  • Conclusion
  • Deuxième Partie : L’intégration politique transnationale
  • Chapitre III. Les voies d’intégration transnationale
  • 1. Le malaise européen
  • 1.1. Entre l’Union européenne et l’Europe historique
  • 1.2. Entre l’adaptation économique et le rattrapage politique
  • 1.3. Entre la souveraineté populaire et la souveraineté nationale
  • 2. Les voies horizontales d’intégration transnationale
  • 2.1. Le concept d’intégration
  • 2.2. La voie supranationale
  • 2.3. La voie fédérative
  • 2.4. La voie cosmopolitique
  • Chapitre IV. La constitution de l’État européen
  • 1. Le corpus de la Constitution européenne
  • 1.1. Le droit communautaire autonome
  • 1.2. L’harmonisation des systèmes juridiques nationaux
  • 2. La substance éthique de l’Union européenne
  • 2.1. Pour une culture politique partagée
  • 2.2. La mémoire historique commune
  • Conclusion
  • Troisième Partie : Pour un socle social européen
  • Chapitre V. Le contrat social de l’État européen
  • 1.   La structuration de l’espace public : la Charte de l’Audiovisuel
  • 2. Le droit inconditionnel à l’allocation universelle
  • 2.1. Que signifie Allocation universelle ?
  • 2.2. Les objections concernant l’Allocation universelle
  • 2.3. Les conditions de faisabilité
  • 2.4. L’Allocation universelle et le droit au travail
  • 3. La proposition d’un « secteur quaternaire »
  • Chapitre VI. La nécessaire discussion théologico-politique
  • 1. La première modernité : acquis et limites
  • 2. La modernité seconde : lever l’excommunication du religieux
  • Conclusion
  • Quatrième Partie : Vers une reconstruction du cosmopolitisme
  • Chapitre VII. Les défis du cosmopolitisme ferryen
  • 1. Le Brexit et la réversibilité de la construction de l’Union européenne
  • 2. La tension structurante entre cosmopolitisme et impérialisme
  • Chapitre VIII. La perspective résolutive de l’éthique reconstructive
  • 1. La justice reconstructive comme justice historique
  • 2. La justice reconstructive comme justice cosmopolitique
  • Chapitre IX. Le dialogue interculturel
  • 1. Quel lien entre le cosmopolitique, l’interculturel et le reconstructif ?
  • 2. Des causes des conflits entre les cultures
  • 3. Les conditions préalables du dialogue interculturel
  • 4. Pour une traduction interculturelle des droits
  • 4.1. Pourquoi une traduction interculturelle ?
  • 4.2. La traduction des droits culturels
  • Conclusion
  • Conclusion générale
  • Bibliographie
  • Index thématique
  • Index des noms
  • Titres de la collection

Avant-propos

Le présent ouvrage est la version réduite de mon travail de doctorat conjoint soutenu à l’Institut Catholique de Paris et à l’Université publique de Poitiers en 2018. Réduit, il l’est du fait des contraintes éditoriales et du peaufinage de la matière inévitablement brute d’un travail académique. Il prend par ailleurs en compte non seulement les nouvelles publications de et sur Jean-Marc Ferry1 mais aussi l’actualité du sujet qui se réfère aux débats et à la situation politique de l’Union européenne. La partie supprimée n’affecte pas l’orientation générale de la réflexion sur le cosmopolitisme chez Jean-Marc Ferry. Le résultat des élections européennes (mai 2019), les tergiversations sur le Brexit (avant le 31 janvier 2020) et le manque de coordination dans la solidarité européenne face à la Covid-19, pour ne citer que ces points, viennent consolider les réflexions précédemment soutenues. Je suis cependant conscient que le présent ouvrage souffrira de limites. Pour les combler, je renvoie le lecteur aussi bien aux ouvrages cités qu’à la version intégrale de mon travail de doctorat.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont soutenu dans la rédaction de cet ouvrage et m’ont aidé à sa publication. Je suis très reconnaissant au Professeur Jean-François PETIT de l’Institut Catholique de Paris pour son accompagnement scientifique. Son rythme de travail, sa rigueur scientifique, son ouverture humaine et ses encouragements ont évidemment été d’une grande utilité dans la rédaction de cet ouvrage dont il assure aussi la préface. Je remercie également le Professeur Gilles MARMASSE qui a accepté et encouragé, pour le compte de l’Université de Poitiers, l’orientation de mes recherches. Je remercie enfin les autorités diocésaines de Boma et de Versailles, les paroissiens, les amis et connaissances, tous les proches pour leurs encouragements. Sur le plan financier, je remercie les institutions, les familles et les particuliers qui ont participé, chacun selon ses possibilités, aux frais de l’éditeur et à l’achat de quelques exemplaires. Cet ouvrage vient soutenir et confirmer ce qui me tient à cœur depuis longtemps : l’expérience cosmopolitique est une réalité possible, quelle que soit la diversité ethnique, culturelle, sociale, religieuse, raciale. L’exemple de l’Union européenne, malgré ses nombreux défis, mérite d’être relayé mutatis mutandis sous d’autres cieux.

Préface

L’Europe est désormais dans une « identité malheureuse » : les flots de la crise migratoire, le Brexit appelleraient à plus de solidarité, là où les égoïsmes nationaux et l’impuissance des institutions européennes ont mis à mal son projet d’unité né du traumatisme fondateur de la Seconde Guerre mondiale. L’appel à agir s’est trouvé aussi mis à mal. Le réalisme commanderait plutôt l’établissement d’un droit commun de l’humanité, qui pourrait aussi sanctionner les manquements à la fraternité et à la solidarité. Certes, on ne commande pas la charité comme on impose la justice. Mais le droit représente bien, comme l’a dit le pape François, « un chemin d’accomplissement de l’idéal de fraternité humaine et un moyen pour sa plus grande réalisation » (Discours à l’ONU du 25 septembre 2015)2.

Si je me permets de citer un peu longuement Jean-Marc Ferry, dont il va être abondamment question ici, c’est pour montrer que jamais ouvrage de philosophie n’est arrivé aussi à point. Face à l’image, tenace chez certains, d’une pensée préférant « le point de vue de Sirius », Emery-Pamphile Mbadu n’hésite pas à descendre dans l’arène des débats contemporains sur l’Europe avec son auteur de prédilection. De la philosophie, il en garde la teneur, ne reculant pas devant les méandres de la complexité de la pensée de Jean-Marc Ferry, et du contextuel, il en épouse le mouvement, cherchant sans cesse, à l’image de Descartes entre la France et la Hollande, un pied ici et un pied dans son continent d’origine, l’Afrique, à former une dissonance cognitive pour mieux disséquer son objet : la construction européenne. Et si cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat conjoint de l’université de Poitiers et de l’Institut catholique de Paris propose un pari, celui-ci est réussi : donner à comprendre, au-delà des actualisations des débats de et par Jean-Marc Ferry, l’architecture d’une des plus importantes pensées contemporaines.

Pour cela, Emery-Pamphile Mbadu a été obligé à traverser beaucoup de champs du savoir et croiser de nombreuses thématiques actuellement en débat. Parmi d’autres, on peut retenir celle de la possibilité d’une conciliation entre un cadre politique supranational et la pluralité des identités culturelles. Assurément, le présent ouvrage donnera des pistes de réflexion pour la constitution d’un système politique intégré visant à la sécurité des populations, des conditions juridiques garanties, la recherche d’un bien-être général.

Disons-le clairement : la lecture de cet ouvrage sera une école de patience, au sens noble du terme, car Emery-Pamphile Mbadu a choisi de dépolémiser les questions les plus brûlantes et de traiter à froid (et non à chaud) les dossiers, en particulier celui de l’avenir de l’Europe. Jean-Marc Ferry nous avait mis en garde, lors de son intervention au séminaire de doctorat Emmanuel Mounier de la faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Paris en 2016 : vouloir réenchanter (magiquement) l’Europe serait le plus sûr moyen de la faire mourir – à moins que le diagnostic clinique que cet ouvrage affronte – en l’occurrence à propos du Brexit – est que l’encéphalogramme de l’Europe est en fait déjà plat, même si celle-ci n’est pas déjà tout à fait morte dans sa conception traditionnelle.

Sommes-nous aujourd’hui au chevet d’une Europe agonisante ? Devons-nous nous comporter de la sorte ? Chacun de nous pourra se faire une opinion en lisant cet ouvrage. Pour ma part, ayant organisé en octobre 2018 un colloque sur la fraternité, la solidarité et le personnalisme en Europe à Gdansk en Pologne, je serais assez porté à considérer, comme Jean-Marc Ferry, qu’il faut saisir les causes du populisme et accentuer les réparations, notamment dans le cas italien, de politiques migratoires injustes qui nourrissent un climat malsain. Mais cela ne peut se faire sans les ressources de la philosophie : encore étudiant, j’avais été sensibilisé à la puissance de la pensée de Jean-Marc Ferry, nourrie des philosophies de Kant, Hegel, Ricœur, Habermas, Honneth, pour ne citer qu’elles. Cet ouvrage en fait effectivement la démonstration, en montrant l’originalité de sa problématique reconstructive.

En fait, peut-être que ce livre participe même à l’essai de déterminations d’une introuvable identité européenne. Certes, pour ne prendre que cet exemple, le concept de citoyenneté européenne, est complexe. Le présent ouvrage, en repassant par les traités de Maastricht, Amsterdam, Lisbonne, montre qu’il vaudrait peut-être mieux d’en réfléchir la signification et la portée sur le terrain postnational, puisque les droits qui lui sont attachés concernent avant tout les rapports entre citoyens d’un État vis-à-vis d’un autre État ou de l’Union européenne dans son ensemble.

Certes, il resterait à évaluer les alternatives si l’Union européenne opte pour un État fédéral, dérive vers de l’intergouvernemental, ou conserve les fragiles équilibres actuels. « Souveraineté nationale ou postnationale ? » pour reprendre la question d’Étienne Balibar. Tout cela n’est-il pas en train d’être bousculé par les événements actuels ? Comment alors procéder pour approfondir les droits en Europe, concernant la dignité, la liberté, la solidarité, la justice ? Cela passe-t-il, dilemme bien connu, « par le bas », en développant les formes de participation, au risque des populismes, ou « par le haut », dans la réforme des institutions, au risque là d’accentuer encore un peu plus la grogne actuelle ?

Ici, se mettre philosophiquement au chevet de l’Europe, ne revient pas à faire fi des acquis communautaires, comme le souligne avec raison Jérôme Vignon, l’ancien conseiller de Jacques Delors. C’est plutôt montrer ce que nous voulons transmettre, réformer, notamment cette « Europe sociale de marché » ou cette « fédération d’États-nations » devenue problématique.

On pourrait se consoler en se disant que la situation aurait été pire, si certains mécanismes institutionnels n’avaient pas été mis en place. Mais le défi est bien de penser à neuf à ce que Jérôme Vignon appelle la vision « gréco-dualiste » de l’Europe, ou sa dérive « nationalo-morphiste » ou son malentendu « hyper-eurtropiste ». Faut-il désormais plaider pour un décloisonnement des pratiques délibératives au niveau mondial ? Quelle part accorder au dialogue interculturel, interreligieux, interconvictionnel, tel qu’il a été prévu par le Traité de Lisbonne ? Sur toutes ces questions, ce livre, qu’on pourrait présenter aussi comme une introduction à la philosophie de Jean-Marc Ferry, permettra de prendre position.

Jean-François PETIT

Directeur du Réseau philosophique de l’interculturel

Faculté de philosophie, Institut Catholique de Paris, EA 74 03


2 Id., La raison et la foi. Une philosophie de la religion, Paris, Pocket, 2016, p. 9, 13, 15.

Chapitre introductif. L’intégration européenne vue de la perspective cosmopolitique

Contrairement aux habitudes, notre ouvrage s’ouvre par un chapitre, à la demande de l’éditeur qui y voit une partie « trop riche en contenu pour une simple introduction générale ». En réalité, nous voudrions tout simplement montrer dans ce chapitre introductif comment le projet de l’intégration européenne est vu à partir de la perspective cosmopolitique. Deux sections vont ici distinguer le contenu de la structure du livre.

1. Contexte conceptuel et historique

Jean-Marc Ferry est l’un des philosophes français contemporains qui s’intéressent au projet de l’intégration européenne et, sans doute, fait de lui l’un de plus commentés3. Son œuvre, en cours de construction, croise des perspectives en partie héritées d’Emmanuel Kant, de Jürgen Habermas ou de Paul Ricœur4. Avec une profonde originalité, il interprète l’idée cosmopolitique par le prisme de la brûlante question de l’intégration politique au sein de l’Union européenne5. Cette étude porte prioritairement sur sa valeur philosophique. Celle-ci s’inscrit dans la continuité avec les philosophies qui ont contribué et contribuent encore à la construction européenne. Parmi celles-ci, le personnalisme d’Emmanuel Mounier a joué un rôle de premier plan6. Quand bien même Jean-Marc Ferry ne se réclame pas explicitement de ce courant de pensée, nous constatons que son projet politique peut s’enraciner dans le chantier ouvert par le personnalisme, entre les Deux Guerres Mondiales, sur l’identité européenne à construire7.

Alliant « profondeur et modestie »8, comme lui-même le reconnaît à Kant, Jean-Marc Ferry est l’un de rares philosophes (Jürgen Habermas, Francis Cheneval, Étienne Tassin) qui réfléchissent sur l’intégration européenne. Titulaire de la Chaire de la philosophie de l’Union européenne à l’Université de Nantes, depuis 2011, le philosophe français prend à bras-le-corps le projet politique de l’Europe. Il consacre autant d’efforts à ce projet, par son impressionnante publication et son esprit critique sur ce thème. Certes, son œuvre n’est pas achevée, mais elle est stimulante et s’enracine dans le long processus de la construction de l’Union européenne. Sa notoriété scientifique dépasse de loin le monde francophone et les frontières européennes9.

Résumé des informations

Pages
322
Année de publication
2020
ISBN (PDF)
9782807615489
ISBN (ePUB)
9782807615496
ISBN (MOBI)
9782807615502
ISBN (Broché)
9782807615472
DOI
10.3726/b16875
Langue
français
Date de parution
2020 (Juillet)
Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. 322 p., 1 ill. n/b, 5 tabl.

Notes biographiques

Emery- Pamphile MBADU MBADU (Auteur)

Prêtre originaire du diocèse de Boma en République Démocratique du Congo, Emery-Pamphile MBADU MBADU a exercé son ministère pastoral dans l’enseignement aux séminaires diocésains (Mbata-Kiela et Ngidi) et interdiocésain (Mayidi) d’où il partira pour son séjour d’études en France. Il en sortira avec un doctorat en philosophie (Paris-Poitiers) et un master en sciences de l’éducation (Paris-Sorbonne). Ses domaines de recherche sont la: Philosophie politique (projet d’intégration nationale et postnationale dialogue interculturel, Relation théologico-politique) et la Philosophie de l’éducation (formation des formateurs, éducation à la citoyenneté, sociologie de l’école).

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