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L'autrefois et l'ailleurs

Poétique de la rupture dans l'oeuvre littéraire de Colum McCann

de Cécile Maudet (Auteur)
©2018 Monographies VI, 376 Pages

Résumé

C’est la qualité transculturelle, atemporelle et transgénérique des textes de Colum McCann qui intéresse cet ouvrage. L’auteur n’ancre complètement son oeuvre dans aucune tradition, aucun courant ou mode défini, et propose des textes récalcitrants à toute tentative de classification. En invitant régulièrement le symbole dans un univers vraisemblable, McCann ébranle parfois le réalisme de ses textes. De plus, en logeant dans son oeuvre celles et ceux qui ne trouvent pas leur place au centre du tourbillon de l’ère qui est la nôtre, il prend le contrepied du discours historiographique dominant. Ainsi, la notion de rupture apparaît comme une clé de lecture, et son étude permet de comprendre qu’au plan métatextuel, elle inclut plus aisément les lecteurs au sein même des textes, lesquels représentent des espaces d’accueil, de véritables forces centripètes qui les ramènent au coeur de l’expérience littéraire. Cet ouvrage ne s’intéresse donc pas seulement à la création et à la constitution des textes, mais également à leur réception. Ils pourraient être perçus comme autant de synapses assurant la transmission de l’expérience, qui constituent des outils permettant aux lecteurs de repenser leur être-au-monde, notamment à travers l’expérience de l’empathie.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Abréviations et références
  • Introduction
  • Première partie – La mutation au cœur du texte
  • Chapitre 1 Figures d’une société altérée
  • Chapitre 2 Modalités de l’absence
  • Chapitre 3 La communion dans le profane
  • Deuxième partie – Tentatives de gestion des maux par les mots
  • Chapitre 4 Dans les affres de la mémoire
  • Chapitre 5 Retranscriptions de la crise
  • Chapitre 6 L’éloquence du silence
  • Troisième partie – L’écho des voix oubliées
  • Chapitre 7 L’écriture de l’Histoire, ou la rupture avec le discours dominant
  • Chapitre 8 Fonctions et effets du réalisme
  • Chapitre 9 Vocation universelle de la prose
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Index des textes de McCann cités
  • Index thématique
  • Index des noms propres
  • Titres de la collection

L’autrefois et l’ailleurs:
Poétique de la rupture dans l’œuvre littéraire de Colum McCann

Cécile Maudet

image
PETER LANG

Oxford ∙ Bern ∙ Berlin ∙ Bruxelles ∙ Frankfurt am Main ∙ New York ∙ Wien

À propos de l’auteur

Cécile Maudet est spécialiste de littérature contemporaine irlandaise. Elle a publié une série d’entretiens avec l’auteur dans la revue française Transatlantica (2014) ainsi que dans le recueil d’entretiens intitulé Conversations with Colum McCann dirigé par Earl G. Ingersoll (2017). Elle est en poste à l’Université de Rennes 2 (France) où elle dispense des cours de littérature contemporaine, de grammaire anglaise et de version à des étudiants pour la plupart spécialistes d’autres disciplines que l’anglais.

À propos livre

C’est la qualité transculturelle, atemporelle et transgénérique des textes de Colum McCann qui intéresse cet ouvrage. L’auteur n’ancre complètement son œuvre dans aucune tradition, aucun courant ou mode défini, et propose des textes récalcitrants à toute tentative de classification. En invitant régulièrement le symbole dans un univers vraisemblable, McCann ébranle parfois le réalisme de ses textes. De plus, en logeant dans son œuvre celles et ceux qui ne trouvent pas leur place au centre du tourbillon de l’ère qui est la nôtre, il prend le contrepied du discours historiographique dominant. Ainsi, la notion de rupture apparaît comme une clé de lecture, et son étude permet de comprendre qu’au plan métatextuel, elle inclut plus aisément les lecteurs au sein même des textes, lesquels représentent des espaces d’accueil, de véritables forces centripètes qui les ramènent au cœur de l’expérience littéraire. Cet ouvrage ne s’intéresse donc pas seulement à la création et à la constitution des textes, mais également à leur réception. Ils pourraient être perçus comme autant de synapses assurant la transmission de l’expérience, qui constituent des outils permettant aux lecteurs de repenser leur être-au-monde, notamment à travers l’expérience de l’empathie.

Pour référencer cet eBook

Afin de permettre le référencement du contenu de cet eBook, le début et la fin des pages correspondant à la version imprimée sont clairement marqués dans le fichier. Ces indications de changement de page sont placées à l’endroit exact où il y a un saut de page dans le livre ; un mot peut donc éventuellement être coupé.

Abréviations et références

Quand on citera des extraits des romans et nouvelles, on utilisera les abréviations suivantes suivies du numéro de la page :

Nouvelles :

FSBR pour Fishing the Sloe-Black River (1994), Londres, Phoenix Paperback, 2003.

ETCM pour Everything in This Country Must (2000), Londres, Phoenix Paperback, 2001.

TWL pour Thirteen Ways of Looking, Londres, Bloomsbury, 2015.

Romans :

S pour Songdogs (1995), Londres, Phoenix Paperback, 1998.

TSB pour This Side of Brightness, Londres, Phoenix Paperback, 1998.

D pour Dancer, Londres, Phoenix Paperback, 2003.

Z pour Zoli, Londres, Phoenix Paperback, 2007.

LGWS pour Let the Great World Spin, Londres, Bloomsbury, 2009.

T pour TransAtlantic, Londres, Bloomsbury, 2013.

Par ailleurs, on ne donnera la référence complète des ouvrages, articles ou entretiens cités que dans la première occurrence. Quand on y reviendra, on n’en indiquera que le titre (suivi des abréviations op. cit., art. cité et ibid.).←1 | 2→ ←2 | 3→

Introduction

Part of the beauty of writing is

that the writer creates a world that

has not existed before. We step into

the new and the un-tried […] We

get new bodies and minds and homes

to dwell in for a while. We are re-made.

– Colum McCann, « Introduction to The Fish Anthology 2009:
Ten Pint Ted and Other Stories and Poems
, 2009 »

L’objet de cette étude est d’envisager l’œuvre littéraire de Colum McCann à l’aune de la notion de rupture et de ses déclinaisons conceptuelles que sont le lien et la continuité. Cet angle permettra d’aborder la littérature en évolution de l’auteur, cette œuvre sur le fil, qui pose la question de l’immédiateté et celle – antithétique mais aussi corollaire – de la distance. La notion de rupture qui irriguera cette réflexion apparaît comme une clé de lecture pour comprendre comment McCann choisit de représenter le monde de son vivant, car il est bien un acteur de la vie qu’il dépeint. Il n’ancre son œuvre dans aucun courant, mode, genre ou style défini et offre donc à lire une œuvre récalcitrante à toute tentative de classification. À la fois réaliste au point de ressembler à des archives, elle vise aussi à faire ressortir l’instabilité du sens. L’auteur transgresse les codes littéraires, notamment par le jeu de l’intertextualité : il interrompt les textes étrangers qu’il convoque pour mieux les disloquer1. L’écriture de McCann semble←3 | 4→ trahir une volonté de l’auteur de se désensoucher. Elle est non seulement ouverte au-delà de l’Irlande ; au-delà, même, de son pays d’adoption, les États-Unis ; mais elle s’émancipe aussi des carcans littéraires. En invitant dans un univers vraisemblable le symbole, à qui l’étymologie confère la fonction de liant et de médiation, McCann atténue le réalisme de sa prose et n’y laisse pas seulement la place au singulier. Au contraire, il en révèle toute la dimension universelle, faisant de ses textes des lieux de retrouvailles et de partage pour les lecteurs. À travers la notion de rupture, il s’agira bien d’évaluer en quoi l’œuvre de McCann vise à toucher un lecteur universel et à susciter son empathie, puis de voir comment, dans sa démarche artistique, elle ne retient que la visée originelle et le versant utopique du phénomène de mondialisation, qui est de connecter les sociétés les unes aux autres. En effet, l’auteur ne manque pas d’inclure ceux qui ne trouvent pas leur place au centre du tourbillon de l’ère qui est la nôtre et qui le captive tant. En contemplant la vie à travers la lentille grand-angle qu’est sa prose, l’auteur rend visibles celles et ceux qui ne laissent aucune empreinte significative dans le sillon de l’Histoire2. La place faite à l’Histoire dans les textes sert précisément ce dessein, car celle que l’auteur relate à l’échelle individuelle prend le contrepied du discours historiographique dominant, lequel fait moins de place à l’insignifiant. Il semble que, pour McCann, le texte littéraire s’établisse dans les plis du texte historique, s’il n’est pas tout bonnement le texte historique.

Tout se passe comme si l’auteur appliquait à son processus de création cette corrélation bien connue entre vision panoramique et prise de distance, en ce sens que c’est par l’éloignement que l’on saisit l’objet contemplé dans sa globalité. McCann est comme animé par la volonté de prendre du recul géographiquement et temporellement par rapport aux sujets dont il traite, comme pour tenter de mieux les circonscrire. Il se trouve en effet qu’il écrit souvent sur des endroits du monde, sur des cultures et des périodes qui lui sont initialement méconnus. Ces ruptures qui génèrent l’écriture transparaissent sans surprise dans la diégèse, sur le plan thématique d’abord, car la société qu’il dépeint est mue par le besoin des personnages de s’ajuster←4 | 5→ aux bouleversements socio-économiques ; sur le plan structurel ensuite, où la rupture se manifeste par l’alternance du silence et de la parole logorrhéique, et les voix et les points de vue sont si variés que le texte polyphonique en paraît parfois décousu. La récurrence du thème de la rupture s’assortit du choix formel de l’auteur de cultiver une esthétique du fragment, soit en ayant recours à la polyphonie, soit en optant pour le collage de bribes de textes.

Il semble d’autant plus pertinent de corréler littérature et rupture que l’auteur a fait ses armes au moment où le système dans lequel il puisait son inspiration était en train de subir parmi les transformations socio-économiques les plus radicales de son Histoire. Le contexte dans lequel McCann a débuté sa carrière doit être pris en compte afin d’interpréter ce qui ressemble parfois plus à une obsession de la rupture qu’à une simple récurrence thématique. La génération d’écrivains à laquelle appartient McCann, qui a commencé à publier dans les années 1990-2000, semble avoir payé le prix de son héritage. Elle aurait quelque peu pâti de succéder aux grands noms que sont James Joyce ou Samuel Beckett notamment, car elle a dû redoubler d’efforts pour se distinguer de ses prédécesseurs illustres. McCann est parvenu à se démarquer rapidement en faisant de la mutation et de la transition le matériau même de son inspiration.

À partir de la fin des années 1980, l’Irlande vit rugir le Tigre celtique, qui bouleversa irréversiblement les paradigmes sociaux et économiques du pays. De l’adhésion du pays à l’Union Européenne en 1973 jusqu’à la crise mondiale de 2008, les transformations fulgurantes, alliées à un boom économique constant, poussèrent les Irlandais à devoir s’adapter à un mode de vie qui tranchait avec celui qu’ils avaient connu jusqu’alors. Né en 1965, McCann a été le témoin privilégié des prémices de ces changements socio-économiques, et dès les années 1990, il a bénéficié de l’assouplissement des mœurs et de l’ouverture de l’Irlande sur le monde pour rompre avec la tendance littéraire de son pays à n’écrire que sur la société irlandaise. Longtemps encore, pourtant, l’Irlande est restée la source d’inspiration principale de nombre des contemporains de McCann, pour qui les bouleversements socio-économiques du pays ont été propices à un retour souvent amer sur la rigidité de la société irlandaise, ce que rappelle Sylvie Mikowski : « Lorsque la situation économique et politique de l’Irlande a rejoint celle de la plupart←5 | 6→ des nations occidentales […], les romanciers ne sont plus contraints de participer d’une manière ou d’une autre à la définition d’une identité nationale3. » Parmi les romans marquants de ces écrivains qui ont critiqué de manière acerbe le carcan identitaire du conservatisme et la torpeur qui a caractérisé le pays, il y a ceux de Dermot Bolger, Patrick McCabe, Kathleen Ferguson, Edna O’Brien ou John McGahern4. Alors que Dermot Bolger a écrit The Journey Home (1990) pour dresser un portrait sombre de Dublin dans les années 1980, Patrick McCabe a eu recours à l’humour caustique pour faire un état des lieux incisif et provocant de la violence des années 1960 dans The Butcher Boy (1992). Quant aux romans The Maid’s Tale (1994) de Kathleen Ferguson, Down by the River (1996) d’Edna O’Brien et, dans une moindre mesure, Amongst Women (1990) de John McGahern, ils s’attardent sur les aspects les plus dérangeants et sordides du quotidien dans l’Irlande rurale pendant la seconde moitié du xxe siècle, soulignant les dérives d’une société éminemment patriarcale. Ces écrivains ont donc balayé d’un revers de main le nationalisme uniformisant du gouvernement de Valera qui, des décennies durant, censura ceux qui osaient défier une prétendue bienséance sociale et morale5. La liberté d’expression qui a refait surface dans la littérature irlandaise de cette période s’expliquerait en partie par le sursaut déclenché par l’élection de Mary Robinson en 1990 :

Since the mid-1980s, the rapid transformation of the Republic of Ireland’s domestic and international profile has been accompanied by a heightened political engagement in Irish fiction. With a confidence bolstered by the 1990 election to the Irish presidency of a female reformist lawyer, Mary Robinson, the Irish began to face up to their position as modern Europeans […], the Irish novel repeatedly highlighted the institutional and ideological failings of the country, tracing the halting progress←6 | 7→ of Ireland’s cultural, sexual and economic evolution, and foregrounding its voices of dissent6.

La nouvelle Présidente entendait alors ouvrir la société irlandaise sur le monde, et faire de celle-ci un espace moins contraint/contraignant moralement et intellectuellement.

La mutation de la société irlandaise a contribué à donner plus de visibilité aux figures de la marge, sises dans ses recoins les plus inaccessibles. Si McCann s’est accordé sur un point avec ses homologues irlandais dans les années 1990, c’est la revendication de l’hétérogénéité de l’identité irlandaise. Même les œuvres irlandaises qui sont moins cosmopolites que les siennes témoignent d’une certaine fascination pour les voix minoritaires. Ce choix relève d’une prise de position politique, car il participe d’une remise en question de la toute-puissance de la nation irlandaise longtemps incontestée en interne. McCann ne se contente pas seulement d’inviter des acteurs de l’Histoire tels qu’Alcock, Brown, Douglass ou Mitchell au cœur de ses textes ; il s’en sert pour mettre sur le devant de la scène celles et ceux que le récit historique traditionnel éclipse. En insérant ainsi les éléments biographiques de certaines figures historiques dans sa prose, il interroge la légitimité de l’antinomie entre récit littéraire et récit historique. L’hybridité de ses textes participe d’une entreprise de désofficialisation de l’Histoire : en prétendant offrir un point de vue différent sur l’Histoire, et en privilégiant l’Histoire telle qu’elle est vécue localement, par rapport à la macro-Histoire des récits historiques officiels, McCann remet en question le schéma narratif totalisant du récit historique. Ainsi, l’auteur, qui ne souscrit pas à l’intégralité de la doxa postmoderniste, on le verra, valide tout de même sa remise en question du métarécit historique, rappelée ici par Terry Eagleton :←7 | 8→

[Postmodernism] is the death of […] ‘metanarratives’ whose […] function was to ground and legitimate the illusion of a universal human history. [It emphasizes a] heterogeneous range of lifestyles and language[s] which has renounced the nostalgic urge to totalize and legitimate itself 7.

Résumé des informations

Pages
VI, 376
Année de publication
2018
ISBN (PDF)
9781788744904
ISBN (ePUB)
9781788744911
ISBN (MOBI)
9781788744928
ISBN (Broché)
9781788744898
DOI
10.3726/b14144
Langue
français
Date de parution
2018 (Décembre)
Mots clés
Histoire et littérature Littérature et engagement Littérature irlandaise contemporaine
Published
Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Wien, 2018. VI, 376 p., 2 tabl.

Notes biographiques

Cécile Maudet (Auteur)

Cécile Maudet est spécialiste de littérature contemporaine irlandaise. Elle a publié une série d’entretiens avec l’auteur dans la revue française Transatlantica (2014) ainsi que dans le recueil d’entretiens intitulé Conversations with Colum McCann dirigé par Earl G. Ingersoll (2017). Elle est en poste à l’Université de Rennes 2 (France) où elle dispense des cours de littérature contemporaine, de grammaire anglaise et de version à des étudiants pour la plupart spécialistes d’autres disciplines que l’anglais.

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Titre: L'autrefois et l'ailleurs