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Cote à côte : Berry-au-Bac dans la Première Guerre mondiale

Perspectives franco-allemandes sur les fronts de l’Aisne

de Fabien Théofilakis (Éditeur de volume) Annette Becker (Préface) Wencke Meteling (Épilogue)
©2017 Collections 402 Pages

Résumé

La Première Guerre mondiale réserve encore des surprises pour qui veut arpenter les anciens lieux de bataille ou fréquenter les archives exhumées un siècle plus tard. La cote 108, monticule entre l’Aisne et la Marne, verrou oriental du Chemin des Dames, fut un haut lieu de la Première Guerre mondiale, parce que sa valeur stratégique en fit un secteur âprement disputé entre Français et Allemands de septembre 1914 à novembre 1918, parce que la stabilisation du front de l’Aisne poussa à la multiplication des formes d’offensive, parce que les expériences combattantes se chevauchèrent avec les expériences d’occupation des populations civiles des arrière-fronts, et parce que le paysage, encore aujourd’hui, porte les stigmates de cette tragédie quasi oubliée. Voir la cote 108 permet de comprendre comment le conflit fut vécu des deux côtés du front, par les Français et les Allemands, et pourquoi 14–18 est devenu la Grande Guerre, matrice du XXe siècle.
Dix-neuf contributions, chacune écrite par un tandem franco-allemand de sept jeunes historiens, proposent une histoire croisée de la Première Guerre mondiale, à partir d’un lieu qui devient champ de bataille. Ces articles abordent les types de rapport à l’ennemi, comme combattant ou occupant, mais aussi les façons de percevoir la guerre et de la dire. Enfin, cinq archivistes reviennent sur la place des archives dans le renouvellement de la recherche, impulsée par le centenaire de la Première Guerre mondiale. Ils font ainsi comprendre combien sa commémoration varie selon les politiques mémorielles de chaque pays.
L’ouvrage, richement illustré, paraît simultanément en allemand et en français, avec une préface d'Annette Becker et une postface de Wencke Meteling.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Préface (Annette Becker)
  • Vorwort (Annette Becker)
  • Introduction (Fabien Théofilakis)
  • Einleitung (Fabien Théofilakis)
  • 1. Comment naissent les histoires sur les bords de l’Aisne : des sources aux récits (Pierre Le Dauphin / Julia Knechtle)
  • I. Berry-au-Bac, de l’Aisne au front
  • 2. Pourquoi la butte au sud-ouest de Berry-au-Bac devint-elle la cote 108 ? (Amaury Bernard / Stefan Schubert)
  • 3. Quelles unités ont combattu à Berry-au-Bac ? (Pierre Le Dauphin / Pedro Barroso Pereira / Stefan Schubert)
  • II. Combattre à Berry-au-Bac
  • 4. La guerre de tranchées à Berry-au-Bac : une « période de stationnement » de près de quatre ans (Camille Laurent / Julia Knechtle)
  • 5. Combattre sous terre : la guerre des mines, une guerre dans la Grande Guerre (Pierre Le Dauphin / Stefan Schubert)
  • 6. De la cote 108 à la plaine de Berry-au-Bac : la bataille des chars du 16 avril 1917 ou comment retrouver l’offensive en plaine ? (Amaury Bernard / Stefan Schubert)
  • 7. En mission au-dessus du front de l’Aisne : la guerre dans les airs (Camille Laurent / David Pfeffer)
  • 8. L’autorité à l’épreuve de la Grande Guerre à Berry-au-Bac : le rôle de l’officier dans une guerre nouvelle ? (Pedro Pereira Barroso / David Pfeffer)
  • 9. Retrouver le front dans l’Aisne en 1915 (Camille Laurent / Stefan Schubert)
  • III. Vivre la guerre, dire la guerre, raconter la guerre
  • 10. Boches et Franzmann : affrontements linguistiques de la cote 108 aux fronts domestiques (Amaury Bernard / Julia Knechtle)
  • 11. Guerre et correspondance : ces mots venus du front… (Camille Laurent / David Pfeffer)
  • 12. Sur le front du renseignement dans l’Aisne : prisonniers, déserteurs, espions aux sources de l’information (Amaury Bernard / Julia Knechtle)
  • 13. La Grande Guerre de Dorgelès sur le front de l’Aisne : du soldat à l’auteur des Croix de bois (Camille Laurent)
  • IV. Occupation et coexistence à Berry-au-Bac
  • 14. L’Aisne à Berry-au-Bac, 1914 – 1918 : quand un fleuve entre en guerre (Pedro Pereira Barroso / David Pfeffer)
  • 15. Envahir, occuper, coexister : des expériences croisées de guerre dans l’Aisne (Camille Laurent / Julia Knechtle)
  • 16. La Gazette des Ardennes sous occupation, une tentative de démobilisation culturelle par la presse (Pedro Pereira Barroso / Stefan Schubert)
  • 17. Le ravitaillement du front de l’Aisne aux fronts domestiques (Amaury Bernard / Julia Knechtle)
  • V. Retours d’expérience
  • 18. Retrouver le « mont Calvaire » ou comment on devient historien : le projet franco-allemand sur la cote 108 et le village de Berry-au-Bac dans la Grande Guerre (Pierre Le Dauphin)
  • 19. À la recherche du vent de l’histoire… (Stefan Schubert)
  • VI. La Grande Guerre cent ans plus tard : paroles d’archivistes
  • 20. Interview de Michèle Conchon et Roseline Salmon, Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine, réalisée le 27 janvier 2014 par Pierre Le Dauphin
  • 21. Interview de Sylvie Le Ray-Burimi, musée de l’Armée, Hôtel national des Invalides, réalisée le 14 avril 2015 par Amaury Bernard
  • 22. Interview de Wolfgang Mährle, archiviste en chef aux archives régionales du Bade-Wurtemberg, section des archives publiques centrales, Stuttgart, réalisée par David Pfeffer le 7 novembre 2014
  • 23. Interview réalisée avec Christian Westerhoff, directeur de la Bibliothek für Zeitgeschichte dans la bibliothèque régionale du Wurtemberg, par Stefan Schubert le 7 novembre 2014
  • 24. Interview de Mélanie Morin-Pelletier, Musée canadien de la guerre, Ottawa, réalisée par Camille Laurent le 24 avril 2014
  • 25. Histoire – Passion – Transmission par l’association « Correspondance.Côte108 » (Caroline Guerner)
  • Le Centenaire, cent ans de Première Guerre mondiale en Allemagne et en France. Une postface (Wencke Meteling)
  • Das Centenaire – hundert Jahre Erster Weltkrieg in Deutschland und Frankreich. Ein Nachwort (Wencke Meteling)
  • Remerciements et soutiens institutionnels
  • Index des lieux
  • Index des personnes et des institutions
  • Table des documents
  • Crédits photographiques
  • Bibliographie indicative
  • Présentation des auteurs
  • Titres de la collection

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Préface

Annette Becker

« Dormez en paix, camarades défunts, qu’ils y viennent.

« Les Saxons sont là qui les attendent, coude contre coude.

« Seraient-ils dix contre un, veillez,

« Et nous la conserverons la COTE 108 »1

Département de l’Aisne, rivière Aisne, commune de Berry-au-Bac, Pionere, cote 108, Mont Calvaire.

Données géographiques, administratives, militaires, littéraires, photographiques, tel ce poème « cote 108 », retrouvé sur le carnet de route d’un combattant allemand qui y avait trouvé la mort, conservé (aux nombreux sens du mot) par les Français jusqu’à aujourd’hui. Les auteurs de cet ouvrage plus que remarquable, exemplaire, issus d’universités allemandes et françaises, ont bien retenu les leçons de Marc Bloch, combattant de la Grande Guerre dans des secteurs proches : « Les autres sciences peuvent expérimenter ; les sciences sociales n’ont pas de laboratoire ; elles n’ont à leur disposition d’autres expériences que celles que leur offre naturellement le passé. C’est ce qu’ont compris depuis longtemps ces hommes en quelque sorte professionnellement pratiques que sont les militaires. (…) Le cas des professionnels de l’art militaire est un cas très intéressant pour l’historien ; et l’on peut dire que leur exemple, pour nous autres gens ← 15 | 16 → de métier et de cabinet, a quelque chose de particulièrement flatteur. Car ils sont peut-être les seuls hommes d’action qui jusqu’ici aient sciemment tenté d’employer nos recherches à des fins pratiques. (…) S’il est une expérience que, pour des motifs, évidents, il est impossible de réaliser à son gré, c’est une grande bataille. (…) Je sais bien qu’il y a de grandes manœuvres. Mais une guerre sans meurtre et sans danger, chacun se rend compte que cela n’a avec la guerre véritable beaucoup plus de rapport qu’avec la conduite d’une locomotive l’amusement d’un enfant occupé à pousser sur le plancher un jouet de quarante sous »2. On reconnaît le style, l’humour retenu et le sérieux du médiéviste qui se plaisait aussi à dire : « Derrière les traits sensibles du paysage, les outils ou les machines, derrière les écrits en apparence les plus glacés et les institutions en apparence les plus complètement détachées de ceux qui les ont établies, ce sont les hommes que l’histoire veut saisir. Qui n’y parvient pas, ne sera jamais, au mieux, qu’un manœuvre de l’érudition. Le bon historien, lui, ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier »3. Maître d’œuvre et étudiants ont chaussé leurs bottes de sept lieux et exercé leurs talents de chasseurs de traces dans cette mise en abyme recommandée il y a un siècle par Marc Bloch. Ils nous offrent une leçon d’histoire totale, politique, militaire, sociale, culturelle, en un jeu d’échelles du macro au micro, en deux langues, souvent à quatre mains et de multiples approches, des deux côtés des fronts. Fabien Théofilakis n’est pas un officier d’état-major caché derrière ses cartes et consignes distillées depuis l’arrière. En officier de première ligne il a « négocié » et a mené son groupe de pionniers, femmes et hommes, à la redécouverte de ce nœud de communication rural et fluvial en 1914. Berry-au-Bac dans l’Aisne, sur l’Aisne ; prononcer haine en ces temps, mais pas seulement.

Leçon de méthode : tout part de l’archive et y revient, le dernier mot étant laissé aux archivistes professionnels dont les interviews forment la fin du volume. Des archives à chaque moment interrogées en situation indiciaire, quelle que soit leur forme : écrites, photographiques, cinématographiques, éléments du paysage, sources orales, objets, dessins, plans, cartes. ← 16 | 17 →

Guerre franco-allemande en territoire français, guerre mondiale en territoire européen, dans toute leur extension géographique, dans toute leur matérialité. Toute connaissance acquise en un siècle sur la Grande Guerre est mobilisée, dans toutes les historiographies, même les plus lointaines. Puis tout est concentré sur ce territoire où civils en uniforme et militaires professionnels s’affrontent, non sans une présence constante des civils, ceux des deux arrières, et la logistique qui leur permet de nourrir la guerre, aux sens alimentaires, industriel et affectif. On est en permanence entre fronts militaires allemand et français et fronts domestiques, celui de la maison, Heimat. Les civils sont évidemment aussi ceux de la région, évacués fort loin ou devenus mercanti côté français, et côté allemand, occupés, « partenaires » exemplaires et involontaires de la guerre totale, quels que soient leur âge ou leur sexe.

Les topoi de la Grande Guerre sont revisités, on lit de façon neuve, les tranchées, les poux, les rats, la boue, les morts, les blessés, les « mutins », dans cette porte d’entrée vers le Chemin des Dames, parce que tous les sens sont scrutés : la vision des êtres déchiquetés, l’odeur des cadavres ou du soufre, le bruit des mines qui explosent, et, avant, l’écoute de l’ennemi. Les oubliés ne sont pas oubliés, ni les prisonniers, ni les troupes coloniales du côté français, ni les civils, partis se réfugier, otages, mis au travail forcé, déportés, ni les toponymes, qui disent la violence, parfois « cannibale » ; et aussi : une rivière est faite pour se laver, et même, l’été, pour se baigner.

Les opérations sont décrites avec un sens acéré de la chronologie, 1914 n’est ni 1915 ni 1918 et encore moins 2017 ; guerre de plus en plus technique et industrielle, artillerie, gaz, mines, combats d’as, reconnaissance aérienne et photographies qui déjouent les camouflages, chars enfin au lieu de cette première attaque française. On se professionnalise – ainsi le génie – pour cette transformation militaro-technique, qui est aussi celle des êtres humains. Roland Dorgelès qui avait fait de la Cote 108 le « mont Calvaire » des Croix de Bois sert souvent de fil directeur aux auteurs, redevenant le combattant Roland Lecavelé et celui de la mémoire des lieux, non sans que sa joute avec Norton Cru, le justicier de la mémoire des années 1930, soit revisitée ou que les artistes et auteurs allemands, tel Jünger, apportent leur récit parallèle.

On est loin des « Saint-Thomas » fustigés par Dorgelès : toute l’équipe a décrypté les temps et les lieux de la guerre dans cet espace à la fois réduit et permettant de régler les focales de tous leurs « Vest ← 17 | 18 → Pockets Kodaks » au plus proche4. Ainsi cet autobus parisien de 1914 échoué entre les deux lignes, vestige dérisoire de la vie d’avant, et de la vie d’après, « si j’en reviens ». Allant du « je » au « nous » d’alors, au « je » au « nous » d’aujourd’hui, l’équipe d’auteurs montre que les corps, les âmes, les paysages sont vulnérables, au sens étymologique ; y compris eux, découvrant dans leur recherche ce qui est bien plus souvent innommable (au double sens du terme) qu’ils le croyaient. Mais ils savent désormais comment les blessures et les dévastations extraordinaires dues à la Guerre et ses prolongements ont été vécues, perçues et représentées ; « distillées » plutôt dans ces deux nations ennemies, comme l’écrivait le géographe écrivain et ancien combattant de 1940 Julien Gracq, lui qui a inventé les belles notions « d’esprit de l’histoire » et de « paysage-histoire ». Ces apprentis au sens noble donnent une belle leçon à toute notre profession.

Annette Becker

Université Paris Nanterre

Marraine du livre, reconnaissante sur tous les fronts


1 Service historique de la Défense (SHD), Vincennes, fonds du général Bro, 1 K 579. Le poème est retranscrit, p. 199.

2 Bloch, Marc, « Une nouvelle histoire universelle : H.G. Wells historien », p. 187 et « Que demander à l’histoire ? », Centre polytechnicien d’études économiques, Bulletin, janvier 1937, p. 278, dans Bloch, Marc, L’Histoire, la Guerre, la Résistance, (dir. Becker, Annette ; Bloch, Etienne), Paris, Quarto Gallimard, 2006.

3 Ibidem, p. 866.

4 Dorgelès, Roland, « Monsieur Cru ou la critique selon St-Thomas », Nouvelles Littéraires, 11 janvier 1930, p. 1. Pour les Vest Pocket et la photographie de guerre, Becker, Annette, Voir la Grande Guerre, un autre récit, Armand Colin, 2014 ; Guillot, Hélène (dir.), Images interdites de la Grande Guerre, Presses universitaires de Rennes, 2014, et un roman extraordinaire : Gestern, Hélène, L’odeur de la forêt, Paris, Arléa, 2016.

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Vorwort

Annette Becker1

“Ruht in Frieden, gefallene Kameraden, mögen sie hierher kommen.
Die Sachsen sind da, die sie erwarten, Seite an Seite.
Seien es zehn gegen einen, wachet,
Und wir halten die HÖHE 108“2

Departement Aisne, Fluss Aisne, Gemeinde Berry-au-Bac, Pioniere, Höhe 108, Kalvarienhügel.

Geographische, administrative, militärische, literarische, fotogra­fische Quellen, wie dieses Gedicht „Höhe 108“, das im Notizbuch eines deutschen Soldaten wiedergefunden wurde, der an dieser Höhe seinen Tod fand und das von den Franzosen bis heute konserviert (im mehreren Wortsinne) worden ist. Die Verfasser dieses mehr als bemerkenswerten und beispielhaften Buches kommen von deutschen und französischen Universitäten und haben sich die Lektionen von Marc Bloch zu Herzen genommen, der während des Großen Krieges selber in nahegelegenen Sektoren gekämpft hatte: „Die anderen Wissenschaften können experimentieren, die sozialen Wissenschaften haben kein Laboratorium ; sie haben einzig und allein die Erfahrungen zu ihrer Verfügung, die ihnen die Vergangenheit bietet. Das ist es, was diese Menschen seit langer Zeit verstanden haben, ← 19 | 20 → die in gewisser Hinsicht beruflich praktisch sind, wie Militärs. […] Der Fall des Experten der Kriegskunst ist für den Historiker ein sehr interessanter; und man kann sagen, dass ihr Beispiel, für uns andere Leute des Metiers und des Kabinetts, etwas Schmeichelhaftes an sich hat. Denn sie sind vielleicht die einzigen Menschen der Tat, die bis heute versucht haben, wissentlich unsere Forschungen mit praktischen Absichten einzusetzen. […] Wenn es eine Erfahrung gibt, die man aus offensichtlichen Gründen nicht nach seiner Wahl verwirklichen kann, dann ist es die einer großen Schlacht. […] Ich weiß sehr wohl, dass es große Manöver gibt. Aber ein Krieg ohne Todschläge und ohne Gefahr – jeder ist sich bewusst, dass diese Art des Krieges genauso viel mit einem richtigen Krieg gemeinsam hat, wie eine Lokomotive mit einem Kinderspielzeug für 40 Sous, dass von einem entzückten Kind über den Boden gefahren wird.“3 Man erkennt den Stil, den zurückgehaltenen Humor und den Ernst des Mediävisten, dem es auch Freude bereitete zu sagen : „Hinter den feinen Landschaftsformen, den Werkzeugen oder Maschinen, hinter den am kältesten erscheinenden Schriftstücken und den Institutionen, die am komplettesten losgelöst von denjenigen erscheinen, die sie hervorgebracht hatten, sind es die Menschen, die die Geschichte fassen möchte. Wer das nicht erreicht, wird niemals mehr sein, als höchstens ein Hilfsarbeiter der Gelehrsamkeit. Der gute Historiker ähnelt dem menschenfressenden Monster der Legenden: Dort, wo er Menschenfleisch wittert, weiß er, wo sein Beute ist.“4 Der Dirigent des Buches und die Studenten haben ihre Siebenmeilenstiefel geschnürt und ihr Talent zur Spurensuche in diesem Mise en abyme bewiesen, wie es Marc Bloch vor einem Jahrhundert empfahl. Sie bieten uns eine umfassende Lektion über die Geschichte: politisch, militärisch, sozial, kulturell, mit unterschiedlichen Maßstabsebenen von der Makro- zur Mikroebene, in zwei Sprachen, häufig von vier Händen und mit vielfältigen Herangehensweisen, von beiden Seiten der Front. Fabien Théofilakis ist kein Generalstabsoffizier, der sich hinter seinen Karten und gefilterten Informationen verschanzt. Als Offizier in vorderster Front hat er „verhandelt“ und seine Gruppe von Pionieren, Frauen und Männern, zur Wiederentdeckung dieses ← 20 | 21 → Land- und Flusskommunikationsknotenpunktes von 1914 geführt. Berry-au-Bac im Departement Aisne, auf der Aisne; zu dieser Zeit wie „haine“ (Hass) ausgesprochen, aber nicht nur.

Lektion über die Methode: Alles ging von den Archiven aus und kehrte wieder dorthin zurück. Das letzte Wort dieses Buches wurde professionellen Archivaren in Form von Interviews überlassen. Die Archive wurden in jedem Moment als Beweis befragt, wie auch immer ihre Form war: Schriftstücke, Fotografien, Filmaufnahmen, Landschaftselemente, mündliche Überlieferungen, Objekte, Zeich­nungen, Pläne, Karten.

Ein deutsch-französischer Krieg auf französischem Gebiet, ein Weltkrieg auf europäischem Gebiet, in all ihrer geographischen Ausweitung, in all ihrer Materialität. Jede Erkenntnis zum Großen Krieg, die im Laufe eines Jahrhunderts erlangt wurden, wurde mobilisiert, in allen Bereichen der Geschichtswissenschaft, selbst in den entferntesten. Dann wurde alles auf dieses Gebiet konzentriert, wo Zivilisten in Uniform und professionelle Militärs sich gegenüberstanden, und das nicht ohne die konstante Anwesenheit von Zivilisten der beiden Hinterländer und der Logistik, die es erlaubte, den Krieg zu nähren, im Sinne von Nahrungsmitteln, Industrie und Emotionen. Man ist ununterbrochen zwischen der französischen, der deutschen Militärfront und der Heimat-Front. Die Zivilsten sind natürlich auch aus der Region, Evakuierte oder Kriegsgewinnler auf französischer Seite, Besetzte oder „Partner“ auf deutscher Seite, unfreiwillige Beispiele des totalen Krieges, ungeachtet ihres Alters oder ihres Geschlechts.

Den Topoi des Großen Krieges wird ein neuer Besuch abgestattet, man liest auf neue Art von den Gräben, den Flöhen, den Ratten, dem Schlamm, den Toten, den Verletzten, den „Meuterern“ bei diesem Zugangstor zum Chemin des Dames, da jeder Aspekt untersucht wurde : der Blick auf die zerfetzten Leiber, der Gestank der Kadaver und des Schwefels, der Lärm explodierender Minen, und, davor, die Geräusche des Feindes. Die Vergessenen sind nicht vergessen, weder die Gefangenen, noch die Kolonialtruppen auf französischer Seite, noch die Zivilisten, egal ob geflohen, als Geisel genommen, zur Arbeit gezwungen oder deportiert, noch die Ortsnamen, die von der – manchmal „kannibalischen“ – Gewalt zeugen, und auch der Fluss wurde bedacht, der der Körperpflege und im Sommer sogar zum Baden diente.

Die Militäraktionen sind mit einem scharfen Sinn für die Chronologie beschrieben, 1914 ist weder 1915 noch 1918 und noch weniger 2017; ein Krieg der immer technischer und industrialisierter wurde, Artillerie, ← 21 | 22 → Gas, Minen, Kämpfe zwischen Fliegerassen, Aufklärungsflüge und Luftaufnahmen, die Tarnvorrichtungen erspähten und schließlich noch Panzer an dem Ort ihres ersten französischen Einsatzes. Man professionalisierte sich – wie die Pioniere und Sapeurs – im Laufe dieser militär-technischen Transformation, die auch eine Transformation der Menschen gewesen ist. Roland Dorgelès, der in Die Hölzernen Kreuze aus der Höhe 108 den „Kalvarienhügel“ machte, dient den Autoren häufig als Leitfaden, und dadurch wurde er zum Soldaten Roland Lecavelé sowie zum Soldaten der Erinnerung der Orte, nicht ohne dass seine Reibung mit Norton Cru, dem Rächer der Erinnerung der dreißiger Jahre, vergessen wurde, neu analysiert zu sein oder dass die Erzählungen der deutschen Künstler und Artisten wie Ernst Jünger fehlen.

Man ist weit entfernt von den “Saint-Thomas”, die von Dorgelès gegeißelt wurden: das ganze Team hat die Zeit und den Ort des Krieges in diesem engen Raum gleichzeitig entziffert und den Fokus ihrer „Vest Pocket Kodaks“ auf das feinste Objektiv eingestellt.5 So ist der 1914 zwischen den Linien steckengebliebene Pariser Bus ein lächerliches Relikt des Lebens davor und des Lebens danach, „wenn ich von dort wiederkomme“. Indem das Autorenteam vom „ich“ zum „wir“ von damals, zum „ich“ zum „wir“ von heute voranschreitet, zeigt es, dass der Körper, die Seele, die Landschaft verwundbar sind, im etymologischen Sinne; einschließlich die Autoren, während sie in ihren Nachforschungen das entdecken, was häufig unnennbar (im doppelten Wortsinn) bleibt, was sie dachten. Aber sie wissen dennoch, wie die Wunden und die außergewöhnliche Zerstörung, die der Krieg und seine Folgen hinterlassen hatten, erlebt, wahrgenommen und dargestellt wurden; vielmehr „destilliert“ in diesen beiden verfeindeten Nationen, wie der Geograph und Veteran Julien Gracq im Jahre 1940 schrieb, der die schönen Begriffe des „Geist der Geschichte“ und der „Geschichts-Landschaft“ erfunden hatte. Diese im noblen Sinne jungen Lehrlinge geben ein gutes Vorbild für unseren Beruf.

Annette Becker

Université Paris Nanterre

Patin des Buches, dankbar an allen Fronten


1 Die Übersetzung dieses Textes Stefan Schubert übernommen.

2 Service historique de la Défense (SHD), Vincennes, fonds du général Bro, 1 K 579. Das Gedicht ist S. 199. abgeschrieben.

3 Bloch, Marc, „Une nouvelle histoire universelle : H.G. Wells historien“, S. 187 und „Que demander à l’histoire ?“, Centre polytechnicien d’études économiques, Bulletin, Januar 1937, S. 278, in : Marc Bloch, L’Histoire, la Guerre, la Résistance, (Hg. von Becker, Annette und Bloch, Etienne), Paris, Quarto Gallimard, 2006.

4 Ebd, S. 866.

5 Dorgelès, Roland, „Monsieur Cru ou la critique selon St-Thomas“, Nouvelles Littéraires, 11. Januar 1930, S. 1. Zur Vest Pocket und der Kriegsfotografie : Becker, Annette, Voir la Grande Guerre, un autre récit, Armand Colin, 2014 ; Guillot, Hélène (Hg.), Images interdites de la Grande Guerre, Presses universitaires de Rennes, 2014, und einen außergewöhnlichen Roman : Gestern, Hélène, L’odeur de la forêt, Paris, Arléa, 2016.

Résumé des informations

Pages
402
Année de publication
2017
ISBN (PDF)
9782807603516
ISBN (ePUB)
9782807603523
ISBN (MOBI)
9782807603530
ISBN (Broché)
9782807603509
DOI
10.3726/b12345
Langue
français
Date de parution
2017 (Novembre)
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2017. 402 p., 41 ill. n/b, 4 tabl.

Notes biographiques

Fabien Théofilakis (Éditeur de volume) Annette Becker (Préface) Wencke Meteling (Épilogue)

Agrégé d’histoire, Fabien Théofilakis est maître de conférences à l’université de Paris 1 Panthéon Sorbonne. Spécialiste des rapports franco-allemands, il a été, entre 2014 et 2016, le concepteur et le directeur scientifique du projet « La cote 108 à Berry-au-Bac : fronts militaires et fronts domestiques entre histoires nationales et mémoire européenne », dont est issu le présent ouvrage.

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Titre: Cote à côte : Berry-au-Bac dans la Première Guerre mondiale