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EU affairs

Sociologie des lobbyistes européens

de Willy Beauvallet (Éditeur de volume) Cécile Robert (Éditeur de volume) Elise Roullaud (Éditeur de volume)
©2022 Collections 314 Pages
Série: La Fabrique du politique, Volume 4

Résumé

Qui sont et que font les acteurs de la représentation d’intérêts travaillant à Bruxelles ? Avec environ 12 000 organisations inscrites au registre européen de transparence et des budgets croissants, le lobbying constitue une réalité concrète et tangible du fonctionnement de l’Union européenne. On sait pourtant très peu de choses sur celles et ceux qui exercent cette activité.
Cet ouvrage collectif entend combler ce manque et éclairer les transformations récentes du paysage européen de la représentation des intérêts. En examinant les pratiques et les trajectoires sociales des lobbyistes évoluant à Bruxelles, les recherches empiriques rassemblées ici lèvent le voile sur un univers souvent fantasmé. Croisant données qualitatives et quantitatives, elles explorent des structures et des secteurs d’activité variés : très grandes entreprises, fédérations européennes, cabinets d’affaires publiques, ONG, syndicats, intervenant sur la régulation financière, les secteur portuaire et pharmaceutique, les politiques sociales, du marché commun ou encore de concurrence. À travers le portrait sociologique des lobbyistes, cet ouvrage met en lumière leurs relations d’interdépendance avec les acteurs politiques et institutionnels et leur rôle dans la fabrique de l’action publique européenne.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos des directeurs de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Liste des contributeurs
  • Les conditions sociales de « l’influence ». Les enseignements d’une sociologie des représentants d’intérêts à l’échelle européenne (Cécile Robert)
  • Le lobbying dans l’espace des métiers de l’Europe. Une analyse relationnelle des auxiliaires de l’Europe politique (Sébastien Michon)
  • Circulation et internationalisation des « lobbyistes ». À la recherche des frontières de l’espace des professionnels de l’Europe (Guillaume Courty)
  • L’Autorité européenne des marchés financiers et l’interprétation des relations entre régulateurs et régulés (Yiorgos Vassalos)
  • Les carrières des représentants des intérêts de l’industrie pharmaceutique à Bruxelles : porosité des frontières et constitution d’un « groupe » (Eric Cheynis)
  • Entre défense juridique et influence politique : les cabinets d’avocats au cœur du réseau des politiques de concurrence européennes (Lola Avril)
  • Les représentants d’intérêts du secteur portuaire, un groupe en voie d’européanisation (Carole Kerduel)
  • Une entreprise politique : la défense des intérêts socio-économiques des Outre-mer auprès de l’Union européenne (Willy Beauvallet)
  • Brussels, the place to lobby. Construire l’Europe comme échelle de lobbying au sein d’une firme multinationale (Armèle Cloteau)
  • Que font les groupes d’intérêt au niveau européen ? L’activité de SMEunited comme « anti-lobbying » (Marc Milet)
  • L’Europe et les syndicats bulgares : « de la survie » aux « signes de distinction » ? (Slavina Spasova)
  • Bibliographie générale
  • Titres de la collection

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Liste des contributeurs

Cécile Robert

Sciences Po Lyon, Triangle

Sébastien Michon

CNRS, SAGE

Guillaume Courty

Université de Lille, CERAPS

Yiorgos Vassalos

Université de Strasbourg, SAGE

Éric Cheynis

Université de Haute Alsace, SAGE

Lola Avril

Institut universitaire européen de Florence

Carole Kerduel

Sciences Po Lyon, Triangle

Willy Beauvallet

Université Lumière Lyon 2, Triangle

Armèle Cloteau

UVSQ – Paris Saclay, Printemps

Marc Milet

Université Paris II Panthéon Assas, CERSA

Slavina Spasova

Observatoire social européen, CEVIPOL

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Les conditions sociales de « l’influence ». Les enseignements d’une sociologie des représentants d’intérêts à l’échelle européenne.

Cécile Robert

Avec environ 12 500 organisations inscrites au registre européen de transparence1 dont plus de 400 indiquant disposer de locaux à Bruxelles, des budgets croissants (2500 déclarent des dépenses annuelles en lobbying supérieures à 100 000 euros dont près de 200 dépassent le million d’euros)2, les groupes d’intérêt actifs auprès des institutions européennes constituent une réalité concrète et tangible du fonctionnement de l’Union européenne (UE). Ces structures – cabinets prestataires de services en lobbying, très grandes entreprises, fédérations commerciales et industrielles, eurogroupes sectoriels, organisations professionnelles européennes et nationales, ONG, think tanks, ou encore représentations d’intérêts « territoriaux » – ont en commun de se reconnaître comme travaillant à « influer, directement ou indirectement, sur l’élaboration des politiques, leur mise en œuvre et le processus décisionnel au sein des institutions de l’UE3 ». Elles y disposent en effet d’une audience institutionnelle que les quelques 375 groupes d’experts4 de la Commission européenne auxquels elles participent, ou encore leurs nombreuses ←11 | 12→réunions avec les directeurs généraux et commissaires ou avec des députés (respectivement 4000 et 10 000 depuis 20195), permettent, bien que très imparfaitement, d’appréhender. En dépit de leur incomplétude et de leur imprécision, les données de transparence collectées depuis une quinzaine d’années à l’échelle européenne et les différents types d’exploitation – notamment militantes et médiatiques – qui en sont faites, ont ainsi donné une certaine visibilité à ces organisations (Robert, 2018a). La situation demeure bien différente en ce qui concerne les acteurs sociaux qui y évoluent : on peut évoquer les près de 8000 lobbyistes accrédités au Parlement européen6 mais tous les représentants ne sollicitent pas d’accès aux bâtiments du Parlement, et c’est en général une partie seulement de l’effectif des organisations actives à Bruxelles qui le fréquente. Plus généralement, le nombre même de professionnels engagés dans des activités de représentation d’intérêt à l’échelle européenne semble toujours difficile à estimer7, sans parler de leurs propriétés et trajectoires sociales.

Sous cet aspect, les dispositifs de transparence reproduisent, voire accentuent, ce qui a longtemps constitué un angle mort de la littérature académique sur le lobbying. Les groupes d’intérêts sont en effet considérés, dès les premiers travaux sur l’UE, comme des acteurs centraux, soit qu’on leur attribue une part active dans le processus d’intégration (Haas, 1958), soit qu’on souligne, au contraire, le maintien de relations ←12 | 13→étroites avec les espaces et gouvernements nationaux, expliquant ainsi le poids de ces derniers dans les décisions prises à l’échelle européenne (Moravcsik, 1998). En revanche, qu’il s’agisse de démontrer l’influence de ces organisations sur les institutions européennes (Baumgartner et Mahoney, 2008) ou, au contraire, leur instrumentalisation par ces dernières (Woll, 2008), leurs professionnels ne sont jamais saisis comme des variables explicatives susceptibles d’éclairer leur rôle dans les processus décisionnels de l’UE. Au cours de la dernière décennie, l’hypothèse d’une transformation des groupes d’intérêt au contact des acteurs européens a certes conduit à mesurer leur « professionnalisation »8 (Maloney et Van Deth, 2011 ; Klüver et Saurruger, 2013), ou à explorer les effets de leurs ajustements aux « attentes institutionnelles » (Beyers, 2008). Ces effets sont toutefois principalement recherchés sur le terrain de leurs fonctionnement interne et modes d’action privilégiés (Eising, 2007).

Si les cadres d’analyse privilégiés par les EU studies n’invitent pas à questionner les pratiques et propriétés sociales des représentants d’intérêts, il en est autrement pour les travaux qui se sont attachés, au cours de la dernière décennie, à proposer une lecture sociologique des processus d’intégration européenne9. Ces derniers mobilisent la sociologie des professions (Georgakakis, 2002 ; Michel, 2005), la sociologie des champs (Georgakakis et Rowell, 2013 ; Georgakakis, 2012a ; Vauchez, 2011), la sociologie politique (Kauppi, 2005), et notamment celles des groupes d’intérêt (Courty et Michel, 2012). Ils ont donné à voir les acteurs qui font l’Union européenne, mis en évidence les propriétés sociales qu’ils partagent, comme celles qui les opposent, et les façons de voir et de faire qui en résultent (Michel et Robert, 2010). La carte qu’ils dressent collectivement du « champ de l’eurocratie » (Georgakakis et Rowell, 2013) a fait apparaître que la majorité des représentants d’intérêts appartient, comme les fonctionnaires européens, aux « permanents » de cet espace, et partage avec ces derniers le fait de vivre par et pour l’UE. L’intérêt porté aux déplacements des acteurs dans cet espace a également mis en lumière la porosité des frontières entre « public » et « privé », et la façon ←13 | 14→dont s’y trouvent acquises et reconverties des ressources comme le droit (Avril, 2019 ; Vauchez, 2015), ou certaines formes d’expertise (Büttner et al., 2015 ; Robert, 2013 ; Schneiker et al., 2018).

Enfin, l’attention portée aux pratiques des lobbyistes et au fonctionnement concret des organisations dans lesquelles ils évoluent a permis d’éclairer les multiples dimensions de leur métier. Loin de se réduire aux seules interactions avec les acteurs politiques et administratifs, leurs efforts sont en effet tournés plus largement vers la survie de leur organisation (Lowery, 2007 ; Michel, 2013a ; Milet, 2017 ; Streeck et al., 2006). La pérennité de ces dernières et de leurs positions professionnelles implique, entre autres, de pouvoir identifier des positions de compromis susceptibles de fédérer les membres et adhérents autour du groupe (Laurens, 2013b). En soulignant ainsi l’importance et la difficulté du travail de construction des intérêts assumé par les lobbyistes qui les représentent, ces enquêtes rappellent plus généralement que la reconnaissance d’intérêts communs à l’échelle européenne, et la mise en place d’organisations pour les y porter auprès des institutions ne vont pas de soi. Elles y ont pris en outre des formes et des rythmes différents selon les secteurs et types d’intérêts concernés (Michel, 2013b ; Morival, 2019 ; Roullaud, 2014). Les enquêtes montrent, pour finir, la part active que prennent les institutions européennes à la naissance et à la pérennisation des groupes d’intérêts qui sont leurs interlocuteurs (Sanchez Salgado, 2014), insistant de ce point de vue sur l’usage intensif qu’en font depuis longtemps les acteurs institutionnels.

Dans la continuité de ces travaux, cet ouvrage se propose d’en mobiliser le cadre analytique pour éclairer les transformations récentes du paysage du lobbying européen. Au cours de la dernière décennie, en effet, dans le cadre des réflexions initiées autour du livre blanc sur la gouvernance (Commission européenne, 2001), et plus généralement des réformes néo-managériales qui ont été déployées à l’échelle européenne, la politique des institutions concernant le lobbying a connu deux développements complémentaires. Elle a, d’une part, visé à développer et consolider les relations avec les groupes d’intérêt, en multipliant les processus de consultation et en facilitant leur participation aux processus décisionnels (Michel, 2007a ; Aldrin et Hubé, 2016). Elle a, d’autre part, cherché à les encadrer et les légitimer, via des dispositifs de transparence (Robert, 2017). L’analyse de ces réformes, et des transformations dont elles sont concomitantes chez les représentants d’intérêts et les acteurs politiques et administratifs, soulève notamment deux ensembles de questions.←14 | 15→

Un premier grand type de questions a trait aux aspects des relations entre institutions et groupes d’intérêt que ces réformes éclairent et/ou encouragent. Comment dépasser l’alternative influence/instrumentalisation qui structure l’offre théorique sur ce point pour rendre compte des formes complexes d’interdépendance liant les organisations et professionnels de la représentation d’intérêts à leurs interlocuteurs administratifs et politiques ? Sur l’échange de quels types de ressources cette interdépendance repose-t-elle ? Dans quelle mesure la « mise en transparence » du lobbying bruxellois encourage-t-elle et renforce-t-elle les stratégies de légitimations croisées entre les lobbyistes et leurs interlocuteurs ? Quelle part prennent les professionnels de la représentation d’intérêts au travail politique de leurs interlocuteurs dans les institutions ?

Un second ensemble d’interrogations concerne les évolutions des profils et parcours professionnels des lobbyistes qui accompagnent ces transformations. La normalisation du lobbying bruxellois, à laquelle participent les politiques de transparence, est allée de pair avec la multiplication, depuis les années 2000, des sollicitations institutionnelles adressées aux représentants d’intérêts : consultations par internet, invitations à participer à des groupes d’experts, à contribuer aux évaluations comme aux études d’impacts ex ante, etc. (Robert, 2013). Dans quelle mesure ont-elles contribué à une standardisation des pratiques professionnelles en matière de lobbying ? Ce phénomène concerne-t-il également les salariés des ONG et associations défendant des intérêts non économiques et financiers que les politiques de transparence ont en outre travaillé à « assimiler » aux autres groupes d’intérêt depuis une quinzaine d’années ? Se référant à des analyses conduites sur le développement des activités de plaidoyer, du militantisme de dossier et de l’expertise par les ONGI à l’échelle internationale (Ollion et Siméant, 2015), plusieurs travaux ont en effet défendu l’hypothèse d’un alignement des pratiques de « lobbying » des ONG européennes sur celles des acteurs industriels et commerciaux. La professionnalisation de ces groupes d’intérêt et tout particulièrement des ONG et associations, entendue comme leur recours croissant à des personnels disposant de compétences certifiées (Klüver et Saurruger, 2013), en serait notamment l’une des manifestations. Quels répertoires d’action communs, mais aussi quelles conceptions différentes de ce qu’est – et devrait être – la représentation d’intérêts à l’échelle européenne, l’observation des façons de faire et de voir des lobbyistes permet-elle de mettre en évidence ? Comment l’analyse des trajectoires et propriétés sociales de ces acteurs éclaire-t-elle les conditions de possibilité ←15 | 16→de leurs stratégies de lobbying, et explique-t-elle leurs portées contrastées ?

Résumé des informations

Pages
314
Année
2022
ISBN (PDF)
9782807619807
ISBN (ePUB)
9782807619814
ISBN (MOBI)
9782807619821
ISBN (Broché)
9782807619791
DOI
10.3726/b18678
Langue
français
Date de parution
2021 (Décembre)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 314 p., 16 ill. n/b, 7 tabl.

Notes biographiques

Willy Beauvallet (Éditeur de volume) Cécile Robert (Éditeur de volume) Elise Roullaud (Éditeur de volume)

WILLY BEAUVALLET est maître de conférences en science politique, et chercheur à l’UMR Triangle. Ses travaux portent sur les institutions et acteurs politiques et parlementaires, l’action publique européenne et les politiques publiques à destination des Outre-mer. CÉCILE ROBERT est professeure de science politique à Sciences Po Lyon et membre de l’UMR Triangle. Ses travaux portent sur linstitutions, les politiques et les professionnels de l’Union européenne. Après avoir enquêté sur l’élargissement à l’Est puis sur l’expertise, elle s’est intéressée plus récemment au lobbying et à son encadrement ainsi qu’aux rapports entre dépolitisation et démocratie. ÉLISE ROULLAUD est maîtresse de conférences en sociologie à l’UCO d’Angers et membre de l’UMR Cens. Après avoir travaillé sur les évolutions des formes et des pratiques de représentation des intérêts agricoles sous l’effet de l’intégration européenne, elle s’intéresse à présent à la construction sociale et politique des faillites d’entreprises.

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