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Théories politiques de la diversité

Libéralisme, républicanisme, multiculturalisme

de Karel Leyva (Auteur)
©2022 Monographies X, 240 Pages

Résumé

Les théories normatives qui justifient les politiques multiculturelles sont souvent dénoncées comme étant relativistes, conservatrices et anti-libérales. De telles politiques menaceraient en effet la cohésion sociale et promouvraient la fragmentation sociale et l’inégalité juridique en plaçant les cultures au-dessus de la politique et les groupes au-dessus des individus. Elles se fonderaient sur un respect inconditionnel du droit à la différence, en mettant l’accent sur les droits des minorités ethniques au détriment de la majorité et en s’attaquant à l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Dans ce cadre, le multiculturalisme est souvent présenté comme incompatible aussi bien avec le libéralisme qu’avec le républicanisme. Se voulant une introduction à six théories politiques de la diversité, cet ouvrage présente la relation entre le libéralisme, le républicanisme et le multiculturalisme sous un éclairage différent. Au moyen d’une reconstruction et d’une clarification des théories politiques retenues il montre, d’une part, que le libéralisme et le républicanisme sont tous deux compatibles avec la prise en compte gouvernementale de la diversité culturelle et religieuse, notamment en raison de l’adaptation de leurs principes fondamentaux à la réalité pluriculturelle contemporaine. D’autre part, il montre que les théories politiques examinées sont difficilement concevables à la lumière de certaines critiques formulées par les détracteurs des politiques multiculturelles.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Remerciements
  • Introduction
  • Première partie Le culturalisme libéral
  • 1 La théorie libérale du droit des minorités
  • 2 Le perfectionnisme libéral
  • 3 Neutralité de traitement : une égale reconnaissance
  • Deuxième partie Le républicanisme néo-romain
  • 4 La théorie néo-républicaine de la délibération
  • 5 Républicanisme critique, multiculturalisme et religion
  • 6 Le patriotisme républicain
  • Conclusion
  • Indice

←viii | ix→

Remerciements

Cet ouvrage est issu d’une thèse de doctorat soutenue conjointement à l’Université de Montréal et à l’Université Paris Sciences & Lettres (EPHE). J’exprime toute ma reconnaissance à mes deux directeurs de recherche, Solange Lefebvre et Philippe Portier, de même qu’aux membres du jury de ma thèse, qui m’ont prodigué d’excellents conseils pour la publication de ce livre : Roberto Merrill, Jean-Marie Donegani, Marc-Antoine Dilhac, Patrick Savidan et Alain Gignac. Je tiens également à remercier l’équipe de la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne qui m’a fourni un espace de travail privilégié lors de mon séjour à Paris en 2014–2015. Je remercie de manière spéciale Karel Eduardo et Naiara, qui m’ont réservé le plus chaleureux accueil à Paris. Je leur suis très reconnaissant pour leur soutien et leur belle amitié.

Je remercie le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour son appui financier par l’entremise de la bourse Joseph-Armand Bombardier, ainsi que l’aide financière que j’ai reçue grâce à des bourses octroyées par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, l’Institut des sciences religieuses de l’Université de Montréal, le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science de Québec, la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal et le groupe IRTG Diversity de l’Université d’Ottawa. Je suis très reconnaissant des nombreuses bourses de recherche ←ix | x→que j’ai reçues à la Chaire en gestion de la diversité culturelle et religieuse de l’Université de Montréal, dirigée par Solange Lefebvre. Je remercie l’équipe de Peter Lang, pour son professionnalisme, ainsi que les évaluateurs anonymes de cet ouvrage pour leurs judicieux commentaires et suggestions.

J’exprime toutes mes reconnaissances à mon épouse, pour sa patience, sa sagesse, et son aide précieuse. Je ne saurais jamais assez la remercier.

Introduction

Les trois dernières décennies ont témoigné de la consolidation d’une conception de la justice qui accorde une importance particulière aux enjeux soulevés par la diversité culturelle et religieuse dans le contexte démocratique. Le fait qu’aux revendications traditionnelles d’une juste distribution des richesses se soit ajoutée une gamme de demandes identitaires, parmi lesquelles celles visant la reconnaissance des droits culturels spécifiques, a nourri les débats contemporains sur la légitimité des politiques multiculturelles. Selon certains, la coïncidence du statut de subalterne ethnique avec celui de subalterne économique permet d’expliquer le passage du souci progressiste de la justice de classe à la préoccupation pour la justice culturelle (Weinstock 2007). D’autres se sont, quant à eux, attaqués à la place privilégiée qu’occupent les demandes de reconnaissance identitaire dans l’imaginaire politique contemporain, en considérant que les identités collectives se sont substituées aux intérêts de classe, au point que la redistribution économique s’est vue évincée par la reconnaissance culturelle (Fraser 2005).

Bien souvent, les théories normatives qui justifient les politiques multiculturelles sont dénoncées comme étant relativistes, conservatrices ou anti-libérales. Selon certains, de telles politiques promouvraient la fragmentation sociale et l’inégalité juridique en plaçant les cultures au-dessus de la politique et les groupes au-dessus des individus. Elles se fonderaient sur un respect inconditionnel du ←1 | 2→droit à la différence, en mettant l’accent sur les droits des minorités ethniques au détriment de la majorité et en s’attaquant à l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Le multiculturalisme serait incompatible aussi bien avec le libéralisme (Kernohan 1998 ; Barry 2001) qu’avec le républicanisme (Landfried 2007). Non seulement le libéralisme et le républicanisme sont souvent présentés comme peu ouverts à la différence (Young 1990), « la république idéale », tout comme « l’État libéral »1 ne reconnaissant pas de groupes parmi les citoyens (Modood 1996, 86), mais les régimes républicains se caractériseraient par leur rejet des différences ethnoculturelles, « en les laissant en marge » (Bouchard et Taylor 2008, 141).2

Se voulant une introduction à six théories politiques de la diversité, cet ouvrage présente la relation existant entre le libéralisme, le républicanisme et le multiculturalisme sous un éclairage différent. Pour ce faire, il examine les réponses que le culturalisme libéral et le républicanisme néo-romain apportent à la question de savoir quelle position l’État démocratique doit adopter dans des contextes marqués par la présence croissante d’individus et de groupes ayant des engagements culturels et religieux différents de ceux de la culture et de la religion majoritaires. L’expression « réponses à la diversité », qui sera employée tout au long de ce livre, renvoie donc à cette question.

Au moyen d’une clarification et systématisation des théories politiques retenues, nous espérons pouvoir montrer, d’une part, que le libéralisme et le républicanisme sont tous deux philosophiquement compatibles avec la prise en compte gouvernementale de la diversité culturelle et religieuse, notamment en raison de l’adaptation de leurs principes fondamentaux à la réalité pluriculturelle contemporaine : aussi bien les culturalistes libéraux que les républicains de tradition néo-romaine répondent en effet aux défis que pose la diversité culturelle et religieuse en recommandant à l’État démocratique de prendre en compte les intérêts des membres des cultures et des religions minoritaires. D’autre part, il sera montré que les théories politiques examinées sont difficilement concevables à la lumière des critiques précédemment mentionnées. Ainsi, loin d’être relativistes, conservatrices ou antilibérales, de promouvoir la fragmentation sociale, l’inégalité juridique ou le respect inconditionnel du droit à la différence, loin, enfin, de défendre des politiques publiques qui mettent en danger les principes qui fondent la démocratie libérale, ces théories font de ces principes le socle à partir duquel l’on peut juger les pratiques culturelles et religieuses.

De nombreux travaux se sont penchés sur les réponses apportées par la philosophie politique normative à la diversité et ont contribué de diverses manières aux débats contemporains, mais rares sont les études qui examinent d’une part, ←2 | 3→le culturalisme libéral, et de l’autre, le néo-républicanisme3, dans une perspective normative4. Concernant le culturalisme libéral, ce livre examine les réponses apportées par la théorie du droit des minorités (Chapitre 1), la théorie perfectionniste (Chapitre 2) et la théorie neutraliste (Chapitre 3). Pour ce qui est du républicanisme de tradition néo-romaine, il examine celles de la théorie délibérative (Chapitre 4), la théorie critique (Chapitre 5) et du patriotisme républicain (Chapitre 6). Nous avons choisi d’aborder ces théories par penseur plutôt que par thème afin de mettre en évidence les particularités et la richesse de chaque perspective. Dans l’objectif de présenter à un large public non spécialisé les fondements philosophiques des différents cadres normatifs en matière de gestion de la diversité, cet ouvrage permettra ainsi de mieux comprendre la complexité interne des théories retenues, leurs nuances, leurs principales lignes de convergence et de divergence, les conditions de possibilité qu’elles établissent pour le dialogue démocratique, leur plaidoyer en faveur de l’inclusion des individus et des groupes culturellement ou religieusement défavorisés, tout comme les nombreux engagements moraux qu’elles partagent.

Il est vrai que les théories politiques sont souvent pensées dans des cadres nationaux spécifiques5. En fait, les études de cas particuliers présentés dans ce livre constituent un exemple de la manière dont, dans une certaine mesure, les problèmes spécifiques de chaque société orientent les théories politiques. Cela dit, en dépit du fait que les théories politiques aient, en général, un enracinement contextuel, elles peuvent toutefois difficilement être pensées comme étant purement contextuelles. Les théories politiques ont souvent une portée normative qui transcende le cadre originel de leur conception, voire de leur application6. Ainsi, le patriotisme civique défendu par Cécile Laborde a été spécifiquement conçu pour des États-nations possédant certaines caractéristiques et non exclusivement pour la France7. Le patriotisme constitutionnel, originellement pensé pour l’Allemagne, a ensuite été proposé pour discussion au sein du débat politique libanais (Reinkowski 1997) et utilisé afin de fonder une théorie de l’identité post-nationale en Irlande du Nord (Delanty 1996), pour ne mentionner que ces deux exemples. Tel est aussi le cas du républicanisme néo-romain qui, ayant lui-même traversé divers contextes et des époques différentes, a largement influencé les débats sur le républicanisme contemporain et a trouvé un écho particulier en Espagne (Martí et Pettit 2012). Il en va de même pour le multiculturalisme libéral. Kymlicka se réjouit parce que son ouvrage Multicultural citizenship « en est venu à informer le travail de nombreuses organisations internationales » et que ses travaux aient été abordés à l’occasion de séminaires « dans une vingtaine de pays, de l’Éthiopie à ←3 | 4→l’Estonie, de la Syrie au Sri Lanka, du Mexique à la Moldavie » (Kymlicka 2007, 7). On pourrait multiplier les exemples afin d’illustrer combien les théories normatives et la portée transnationale qui les caractérise s’avèrent être de première importance.

Il est utile de préciser que le but de ce livre n’est ni de présenter une introduction exhaustive aux théories de la diversité8, ni de fournir une défense ou une critique des théories retenues. Il vise à élucider les arguments que les théories libérales et républicaines choisies avancent concernant la manière dont l’État démocratique doit traiter les minorités ethnoculturelles, afin de dégager leurs prémisses, à la manière d’une reconstruction rationnelle. Néanmoins, une telle démarche d’élucidation théorique n’implique pas que nous soyons neutres face aux débats examinés. Du fait, justement, que les sociétés libérales contemporaines sont de plus en plus diversifiées du point de vue culturel et religieux et que, d’une part, les conditions culturelles de ces sociétés favorisent, en général, une certaine catégorie de citoyens, notamment les membres de la culture majoritaire, et que, de l’autre, tous les individus doivent être traités avec une égale considération par l’État démocratique, nous estimons que la meilleure manière de rétablir l’égalité démocratique consiste à prendre des mesures permettant d’égaliser les possibilités, pour les minorités ethnoculturelles, de vivre et d’exprimer librement leur culture et leur religion, d’accéder au marché économique et de jouir d’une vie exempte de discriminations, au même titre que les membres de la culture majoritaire. Une telle position a des implications importantes en ce qui concerne la responsabilité des gouvernements démocratiques lorsqu’ils sont amenés à adopter des positions particulières non seulement dans leurs politiques publiques, mais aussi dans leurs discours publics. Si l’on accepte l’idée que les majorités culturelles ont le droit de préserver et protéger leurs pratiques culturelles et religieuses, ce droit ne peut être refusé aux membres des cultures et des religions qui ne bénéficient pas des mêmes opportunités que les membres des cultures majoritaires. Ce point de vue laisse de nombreuses questions pendantes, mais une fois que cette thèse est acceptée, il reste à réfléchir aux modalités pratiques de son application, ainsi qu’à ses implications dans certains cas difficiles, comme celui des minorités illibérales.9

Résumé des informations

Pages
X, 240
Année
2022
ISBN (PDF)
9781433194436
ISBN (ePUB)
9781433194443
ISBN (Relié)
9781433191145
DOI
10.3726/b19262
Langue
français
Date de parution
2022 (Mars)
Mots clés
Théorie politique Philosophie politique Multiculturalisme Diversité Libéralisme Républicanisme Immigration Minorités culturelles et religieuses Citoyenneté Pluralisme Reconnaissance Théories politiques de la diversité Libéralisme, républicanisme, multiculturalisme Karel J. Leyva
Published
New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Oxford, Wien, 2022. X, 240 p.

Notes biographiques

Karel Leyva (Auteur)

Titulaire d’un doctorat en philosophie (Université Paris Sciences & Lettres) et en Sciences des religions (Université de Montréal), Karel J. Leyva est un chercheur associé à la Chaire de recherche en gestion de la diversité culturelle et religieuse de l’Université de Montréal. Pendant plusieurs années, il a conseillé la fonction publique fédérale canadienne en matière de diversité et d’inclusion. Se situant dans une perspective analytique, ses recherches portent notamment sur les réponses apportées par la théorie politique normative à la diversité culturelle et religieuse.

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