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L’avenir

Critique, résistance, utopie

de Brigitte Cholvy (Éditeur de volume) David Doat (Éditeur de volume) Pascal Marin (Éditeur de volume) Tanguy Marie Pouliquen (Éditeur de volume) Nathanaël Wallenhorst (Éditeur de volume)
©2022 Collections 280 Pages

Résumé

L’AVENIR nous a souvent fasciné comme horizon d’attente et objet d’espérance. Entre les découvertes remarquables et les sidérations dues aux violences de l’histoire mondiale et à la prise de conscience du désastre environnemental, comment inventer un avenir à l’époque de l’Anthropocène ?
Comment penser l’avenir dans un temps suspendu par les crises sanitaire, économique et géopolitique. L’avenir sera-t-il pris en charge par une démesure techno-économique ? L’avenir serait-il en train de disparaître (effondrement) ? Et si l’avenir exigeait de travailler sur les bouleversements des temporalités et des conditions d’habitabilité de la terre ? Face à la violence, à l’inefficacité, au leurre, et si l’avenir était le fruit d’une résistance, d’une critique et d’une utopie ?
C’est cette dernière proposition qui est mise au travail au sein de cet ouvrage collectif. Comment penser l’articulation entre ces trois fonctions ? Posture critique vis-à-vis de la modernité ; posture utopiste pour continuer, raisonnablement ou pas, d’espérer ; posture résistante par son ancrage dans le réel et dans les combats actuels. En somme, tenir dans l’opposition (résistance) à partir de ce qui est identifié comme posant question (critique) pour que l’avenir espéré puisse advenir (utopie).

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos des directeurs de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Ouverture – Une mutation anthropologique pour donner ses chances à l’avenir (Brigitte Cholvy, David Doat, Pascal Marin, Tanguy-Marie Pouliquen, Nathanaël Wallenhorst)
  • Partie I. Quelles anthropologies pour l’époque de l’Anthropocène ?
  • 1. Faire chanter la Terre et le monde en Anthropocène (Nathanaël Wallenhorst)
  • 2. Résister aux effondrements (Renaud Hétier)
  • 3. Une théologie écologique au-delà de la dualité nature et culture (Joël Molinario)
  • 4. Pour une herméneutique de l’espérance. Destin du Naturalisme, Anthropocène et signes des temps (Pascal Marin)
  • 5. Les biotechnologies au défi de l’humain (Catherine Fino)
  • 6. Analyser les failles de la « portance » du temps (Jacques Arènes)
  • Partie II. Dans quel corps vivons-nous ?
  • 1. L’avènement des réseaux sociaux tridimensionnels immersifs. Une oasis virtuelle comme espace de déréalisation ? (Stéphane Blocquaux)
  • 2. Le danger des écrans et l’intégration au système technicien : vers une écranisation de l’existence ? (Tanguy-Marie Pouliquen)
  • 3. Une nouvelle expérience de la mort ? (Brigitte Cholvy)
  • 4. « Ils seront comme les anges dans le ciel » (Jean-Marc Moschetta)
  • 5. Le défi du spectacle vivant : incorporer et penser l’avenir (Pauline Boivineau)
  • 6. L’assemblée liturgique, esquisse d’une anthropologie sacramentelle (Olivier Praud)
  • Partie III. Quelles politiques de l’avenir ?
  • 1. Le droit révélateur et acteur de l’avenir. Approche par la loi (Marc Dupré)
  • 2. La protection civile non-armée : une utopie ? Anatomie d’une pratique qui défie l’équation sécuritaire moderne (Cécile Dubernet)
  • 3. La vulnérabilité du monde qui vient : quel imaginaire pour quelle société ? (David Doat)
  • 4. L’UCLy à l’épreuve du COVID. Quelle représentation de l’avenir ? (Valérie Aubourg)
  • 5. L’organum des Écritures : carte d’orientation pour l’avenir ? (Jean-Michel Poirier)
  • Partie IV. Quelle éducation pour demain ?
  • 1. L’avenir, maintenant : kairos contre krisis (Christian Heslon)
  • 2. Interdépendances entre critique, résistance, utopie et régulation (Bertrand Bergier)
  • 3. Le numérique métamorphose-t-il le métier de l’enseignant ? (Eric Mutabazi)
  • 4. Pour une approche écologique de la professionnalisation des adjoints d’établissement scolaire (Simon Mallard, Gwenola Reto, Maxime Pollet)
  • 5. La création en catéchèse : une responsabilité de formation et d’éducation de la foi (Isabelle Morel)
  • Présentation des auteurs
  • Collection « Anthropocene, Anthropozän, Anthropocène »

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Ouverture – Une mutation anthropologique pour donner ses chances à l’avenir

Brigitte Cholvy, David Doat, Pascal Marin, Tanguy-Marie Pouliquen, Nathanaël Wallenhorst

Envisager l’Avenir, tel fut le propos ambitieux du colloque, dont ce volume publie les Actes. Colloque fédérant les cinq Instituts catholiques en France, Angers, Lille, Lyon, Paris, Toulouse, il s’est tenu envers et contre tout au cœur de la troisième vague de la crise pandémique de la covid-19 en mars 2021, laquelle visibilise les limites du vivant, comme un signal-jugement énoncé par la réalité biologique. Mais c’est à l’effort de s’abstraire de cette crise, que les intervenants se sont attachés. Non pas du tout en insensibilité à l’événement, mais au contraire et justement en attention plus ouverte à tout ce que le présent annonce de crises à venir, et tout particulièrement la double mise en question d’une crise anthropologique et d’une crise écologique, krisis à deux faces s’installant aujourd’hui avec force dans la culture sous le nom d’Anthropocène. Thème d’époque où l’homme apparaît à titre d’accusé, mis au ban de la Nature, en tant que destructeur de ses grands équilibres de vie. De là à penser que la seule solution d’avenir serait d’en finir peu ou prou avec ce perturbateur, parce que prédateur, certains s’y engagent. Telle n’est pas la voie explorée dans les interventions que nous avons rassemblées en ce volume. Résistant aux sirènes de l’homme augmenté, du transhumain et du robot humanoïde, les contributions de ce colloque ont ceci de commun d’avoir planté en signe d’orientation à l’horizon du temps un drapeau d’espérance aux couleurs de l’humain. Manière ici envisagée de lui rendre un avenir.

Ce signe au loin est le seul commun sans doute à toutes ces contributions, car s’agissant des disciplines convoquées et des propositions thématiques, le recueil ne manifeste guère d’unité et ressemble plus dans la mise en série de ses titres et de leurs auteurs à une double liste à la Prévert. Pour les disciplines, cela va de la psychologie des âges de la vie aux arts du spectacle, des sciences de l’éducation à l’exégèse biblique, de la philosophie aux sciences de l’information… Et quant aux thèmes, le questionnement écologique côtoie des considérations liturgiques, le souci ←11 | 12→des temporalités se rencontre avec la protection civile, et l’angélologie y voisine le travail à l’ère numérique… Mais cet éclatement n’était-il pas justement requis par un tel projet ? S’essayer à penser, ne serait-ce que de manière inchoative, l’avenir de l’humain, concevoir quelques lignes de force de la société à venir, une telle visée, épistémologiquement bien utopique, ne peut qu’échapper pour le moins à une seule méthode. Si l’humain ne peut être appréhendé que de manière unitive, lui donner un avenir implique toutes les disciplines, comme ce dont elles ne peuvent pas se saisir par elles-mêmes et qui pourtant les concerne toutes intimement, en tant que le sens même, éthique, politique, spirituel, de leurs entreprises respectives.

C’est aussi à une telle “interdisciplinarité”, prélude peut-être à une “transdisciplinarité” future, qu’en appelle le texte cadre sur la recherche dans les Instituts catholiques, écrit signé en 2017 par le Pape François, sous le titre de Veritatis gaudium… En symbole d’une telle ambition pour les savoirs, la présence forte dans ce recueil d’un ensemble de disciplines étrangères à l’Université publique en France, et dont la réalité vivante en leurs seins constitue l’un des atouts de la recherche des Instituts Catholiques, les disciplines théologiques. Ressources d’altérité pour le savoir, leur composition dans cet ensemble avec les disciplines profanes est aussi pour nous le gage qu’il est possible de penser l’humain sans briser la continuité d’une mémoire, en fidélité à ce qui a déjà été transmis et éprouvé comme porteur d’une promesse d’avenir, et qui, dès à présent, dans les difficultés de ce monde, nous permet de critiquer, résister et projeter, c’est-à-dire, en termes appropriés à notre condition, vivre.

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1.

Faire chanter la Terre et le monde en Anthropocène

Nathanaël Wallenhorst

Introduction

Nous avons modifié de façon durable les conditions d’habitabilité de la planète Terre et sommes entrés dans une nouvelle époque géologique : l’Anthropocène. Le système Terre a quitté l’orbite d’autorégulation climatique des derniers millénaires pour un nouvel horizon pouvant venir compromettre la pérennité de l’aventure humaine. L’incertitude de l’avenir relatif à l’entrée dans cette nouvelle époque géologique amène un ensemble de questions vives. Il s’agit notamment d’apprendre à penser collectivement l’avenir en dépit et à partir de ce monstre qu’est l’Anthropocène en articulant les fonctions de critique, de résistance et d’utopie.1 Cette contribution s’inscrit dans le prolongement du chapitre « Critique, résistance, utopie : trois fonctions d’une pédagogie de la résonance en Anthropocène » (Wallenhorst, 2019) en explorant plus particulièrement cette difficile et nécessaire fonction utopique en Anthropocène (en l’appréhendant ici d’une façon, parmi mille autres possibles), à partir d’une posture éducative.

Permettre de faire chanter la Terre et le monde2 en Anthropocène pourrait être ainsi un des ambitieux objectifs de l’éducation dans cette postmodernité désenchantée. L’idée que l’éducateur est là pour permettre aux élèves d’entendre la musique du monde, et non pas uniquement pour le comprendre et le saisir, est une idée présente dans l’histoire de la pensée éducative, notamment chez Wilhelm von Humboldt, Johann Gottfried von Herder ou Friedrich von Schiller. Cela signifie ←15 | 16→qu’à l’utopie techniciste source du salut de l’humanité nous opposons l’utopie d’un dialogue avec le monde non-humain, fondé sur son écoute. La Terre comme le monde pourrait avoir des choses à nous dire si tant est que nous soyons capables de quitter les paradigmes relatifs à la maîtrise technoscientifique du monde et de la préemption de la nature appréhendée comme ressource (Wallenhorst, 2019).

La Terre garde la mémoire des activités humaines. Nous retrouvons des traces, dans les sédiments, des importantes étapes de l’aventure humaine. La Terre parle de nous. Ce sont les géologues qui travaillent à cette lecture de la Terre, à partir de leur arsenal méthodologique et épistémologique. En effet, ils organisent l’histoire de la Terre en différentes catégories temporelles à partir des changements de l’état global de la Terre dont il est possible de percevoir des marques dans les sédiments. Les signaux stratigraphiques permettent de définir des unités chronostratigraphiques qui procurent aux géologues une forme de langage commun leur permettant d’avancer dans la connaissance de l’histoire de la Terre. Dans le débat sur la datation de l’entrée dans l’Anthropocène, ce qui conduit les chercheurs du système Terre est l’identification des éléments actuellement perceptibles dont nous savons (ou pouvons supposer avec une probabilité élevée) qu’ils le seront toujours dans plusieurs centaines de milliers d’années ou de millions d’années.

S’il est possible de lire la façon dont la Terre parle de nous, il importe d’aller plus loin et d’apprendre à écouter cette Terre qui ne cesse de s’adresser aux humains. Il s’agit de la première partie de ce chapitre : la Terre nous parle – pour-peu que nous l’écoutions. Les rationalités éducatives peuvent apparaître ici ébranlées, mais l’ampleur de la problématique de l’Anthropocène nous convoque à des modifications dans le champ même de la rationalité (et nous nous inscrivons pour cela dans cette double filiation de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty et de la théorie critique de l’école de Francfort). Ce chapitre se poursuit ensuite avec une réflexion pédagogique sur l’importance de l’écoute en éducation et son primat sur la parole. Ce qu’il importe d’écouter ici ce n’est pas d’abord la parole savante du maître (cela en reviendrait à accorder un primat à la parole sur l’écoute), mais à écouter l’inouï (l’in-ouï), pour que cette parole « non encore entendue » puisse se dire aux apprenants. Ce qui est en jeu ici est que nous puissions nous recevoir de manière nouvelle comme humains, dans une relation avec l’ensemble du vivant non humain et de cette hospitalière étendue terrestre.←16 | 17→

1. La Terre nous parle

Préparer l’avenir dans le contexte de l’Anthropocène suppose de penser les modalités d’émergence d’un monde hospitalier et responsif. Pour matérialiser la théorie de la résonance, Rosa va jusqu’à dire que le monde parle aux êtres humains. La composante utopiste d’une éducation en Anthropocène ne poursuit pas l’objectif de conquérir le monde mais de le rendre audible. Dans ce cadre il ne s’agit pas d’étendre notre accès au monde, de le mettre sous contrôle ou de le conquérir, mais, au contraire, de rendre le monde disponible : « Un monde meilleur est possible, un monde où il ne s’agit plus avant tout de disposer d’autrui mais de l’entendre et de lui répondre. » (Rosa, 2016, p. 527).

Hartmut Rosa avec le concept de résonance (2016), Andreas Weber et sa conception de l’être comme partage avec la biosphère (2017) ont pour point commun dans leur projet intellectuel de permettre à la Terre et au monde de parler à nouveau. Ils sont particulièrement proches du philosophe américain David Abram et de son analyse de l’écriture au fondement du mutisme du monde dans les sociétés occidentales, développée dans Comment la Terre s’est tue (1996). Dans ces trois pensées l’expérience sensible est centrale et la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty donne une assise intellectuelle à leur propos. Est-il possible de prendre au sérieux le fait que ces trois auteurs mentionnent que la Terre parle et qu’il est possible de se mettre à son écoute ?

Résumé des informations

Pages
280
Année
2022
ISBN (PDF)
9782807616387
ISBN (ePUB)
9782807616394
ISBN (MOBI)
9782807616400
ISBN (Broché)
9782807616370
DOI
10.3726/b19242
Langue
français
Date de parution
2022 (Mars)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 280 p., 2 tabl.

Notes biographiques

Brigitte Cholvy (Éditeur de volume) David Doat (Éditeur de volume) Pascal Marin (Éditeur de volume) Tanguy Marie Pouliquen (Éditeur de volume) Nathanaël Wallenhorst (Éditeur de volume)

Brigitte Cholvy est ingénieur ESGT (CNAM) et docteur en théologie. Elle est Professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris. David Doat est docteur en philosophie. Il travaille comme enseignant-chercheur MCF à l’Université Catholique de Lille, au sein du Laboratoire ETHICS. Pascal Marin est ingénieur civil des mines et docteur en philosophie. Professeur en philosophie contemporaine à l’Université catholique de Lyon, il est actuellement doyen de sa Faculté de philosophie. Tanguy Marie Pouliquen, docteur en théologie et titulaire de trois masters II en droit, finance et philosophie, travaille comme enseignant chercheur à la Toulouse Catholic University. Il est également vice-président de la chaire Jean Rodhain et prêtre cb. Nathanaël Wallenhorst est docteur en sciences de l’environnement, science politique et sciences de l’éducation. Il travaille comme enseignant-chercheur HDR à l’Université catholique de l’Ouest.

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Titre: L’avenir
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