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Le temps du voyage

Les déplacements internationaux des chefs d'Etat ou de gouvernement (XXe-XXIe siècle)

de Agnès Tachin (Éditeur de volume)
©2022 Collections 198 Pages

Résumé

Visites d’État, voyages officiels, sommets bilatéraux, multilatéraux... La prolifération des rencontres au sommet s’est imposée depuis la seconde moitié du XXe siècle comme l’une des caractéristiques majeures de la vie internationale. Facilités par la révolution des transports aériens après 1945, les déplacements à l'étranger des chefs d’État ou de gouvernement se sont amplifiés avec la mondialisation des années 1990 et l’interdépendance croissante entre les États. Comment et selon quel rythme s’organisent ces voyages ? Quels sont leurs objectifs ? Leurs retombées ?
A partir de neuf études de cas, proposées par des historiens spécialistes des relations internationales, cet ouvrage propose une première réflexion d’ensemble sur le sujet. Les voyages des dirigeants de différents pays (États- Unis, URSS, France, Italie, Royaume-Uni, Vatican, Japon, États africains) sont analysés selon des angles variés. L’étude peut porter sur un déplacement emblématique ou dresser la carte des voyages d’un chef d’État ou de plusieurs. Elle s’intéresse aussi bien à leurs objectifs diplomatiques, politiques, symboliques qu’à leur couverture médiatique. Cette approche historique est complétée à la fin de l’ouvrage par le témoignage de quatre acteurs de ces événements : deux membres de l’entourage présidentiel, un diplomate et un journaliste, apportent leur éclairage personnel sur les voyages internationaux des présidents de la Ve République.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos du directeur de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction (Agnès Tachin)
  • Première partie Essor, généralisation, mise en forme
  • Theodore Roosevelt au Panama (15–17 novembre 1906) : le premier voyage à l’étranger d’un président américain (Hélène Harter)
  • Rattraper et dépasser Nikita : Brejnev en Amérique (16–25 juin 1973) (Andreï Kozovoï)
  • Les voyages à l’étranger des présidents de la République italienne (1946–1971) (Alessandro Giacone)
  • Nouveaux États, nouvelles pratiques diplomatiques : accueillir les chefs d’État africains en France dans les années 1960 (Fabien Oppermann)
  • « Un succès remarquable » ? L’escale d’Elizabeth II à Dakar (6 décembre 1961) dans la gestion diplomatique des relations (post-)coloniales (Mélanie Torrent)
  • Deuxième partie Mondialisation, adaptation, diversification
  • Réinventer l’exercice. Les visites d’État en Chine sous la Ve République (Agnès Tachin)
  • Abe’s on the road, Japan is Back. Le tour du monde diplomatique du Premier ministre japonais (Arnaud Grivaud)
  • Les voyages pontificaux et la papauté mondialisée de Paul VI à François (Jean-Marc Ticchi)
  • Le voyage du président Obama en Turquie d’avril 2009 : Succès et limites d’une étonnante (quasi) première visite officielle à l’étranger (Julien Zarifian)
  • Troisième partie Entretiens
  • Interventions
  • Echanges avec les intervenants
  • Résumés
  • Notices biographiques
  • Index des noms
  • Titres de la collection

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Introduction

Agnès Tachin

CY Cergy Paris Université

« Le Coronavirus précipite-t-il l’avènement de la diplomatie numérique ? », sous cette question, le journal Le Monde publiait le 15 mars 2020, une photographie d’Emmanuel Macron face à un écran, assistant seul depuis le Palais de l’Élysée à une réunion en visioconférence avec ses homologues européens. La pandémie de la Covid 19 a mis le monde à l’arrêt, situation inédite qui entre étrangement en résonance avec le sujet de cet ouvrage sur la mobilité des chefs d’État ou de gouvernement à l’échelle internationale. Notre réflexion est partie du constat (antérieur à la crise) de la croissance exponentielle des déplacements des dirigeants à travers le monde depuis les années 1990, quand au même moment, internet abolissait les distances et faisait entrer le monde dans une ère nouvelle de la communication. Plus nombreux et plus variés dans leurs formats (visites d’État, sommets, conférences etc.), les voyages sont à la fois indispensables et chronophages dans l’agenda des responsables politiques. Ce phénomène questionne plus largement les liens entre mobilité et pouvoir à l’échelle internationale. Si le déplacement à l’intérieur du territoire national comme condition nécessaire au gouvernement a été bien étudié, en revanche, il n’existe pas d’examen spécifique pour les voyages à l’étranger1.

Cet ouvrage propose par conséquent une première réflexion sur le sujet pour la période contemporaine. Son étude intéresse aussi bien les relations internationales, l’histoire diplomatique que l’histoire politique. En effet, ces événements renvoient plus précisément au rôle des chefs d’État ou de gouvernement dans le domaine des Affaires étrangères. ←9 | 10→Celui-ci varie selon les époques, les pays et leurs institutions, mais les voyages diplomatiques sont des rituels anciens. Depuis des siècles, des dirigeants se rencontrent pour discuter ou sceller de manière solennelle des traités négociés par leurs représentants, émissaires ou ambassadeurs2. Les contacts directs au plus haut niveau de l’État font partie des rouages de la vie internationale et contribuent à la stabilité des relations interétatiques. Si le phénomène n’est pas récent, il s’est considérablement renforcé au XXe siècle. À la fin de la Première Guerre mondiale, la diplomatie traditionnelle des chancelleries est remise en cause par le président Wilson et les responsables politiques sont amenés à négocier directement les traités de paix. Après 1945, ils occupent le devant de la scène au sein des organisations internationales et dans le cadre des sommets. La dernière phase de la mondialisation dans les années 1990 accentue encore ce phénomène, l’internationalisation des économies renforce l’interdépendance entre les États et oblige les dirigeants à multiplier les rencontres pour statuer sur des questions diverses. Leur intervention plus marquée dans les affaires extérieures n’a pas pour corollaire le déclin des ministères et de leurs agents dont le dynamisme est attesté par la variété des domaines d’intervention3. Mais les uns et les autres ne bénéficient pas de la même visibilité dans l’espace public. L’activité diplomatique exercée par une myriade d’acteurs, aux pratiques toujours plus complexes, est moins compréhensible que l’action d’un seul d’où la focalisation des médias sur les dirigeants. L’attention portée sur les « chefs » relève aussi d’un besoin d’incarnation dans un monde de plus en plus difficile à déchiffrer4. C’est à l’occasion des voyages officiels des chefs d’État ou de gouvernement que, bien souvent, les opinions publiques prennent connaissance des orientations de la politique étrangère et suivent l’actualité internationale. Et ce, même si aujourd’hui dans la profusion d’informations déversées quotidiennement, ces événements retiennent moins l’attention du public. Les voyages internationaux n’en restent pas moins de grands moments de communication politique, les dirigeants saisissent ces instants où toutes les caméras sont braquées sur eux pour adresser des messages à ←10 | 11→leurs populations et au reste du monde. La presse écrite et la radio avant la Seconde Guerre mondiale, la télévision à partir des années 1960, et aujourd’hui les médias numériques en assurent la couverture régulière. La communication politique qui conduit à une surexposition médiatique et à une simplification du message, s’accorde bien avec ce type d’événements où le pouvoir est en représentation. Les voyages permettent les contacts personnels, ils offrent aux chefs de l’exécutif la possibilité de se parler, de s’apprécier (ou non) et de mettre en scène leur amitié. Fondées sur le principe d’égalité de tous les États reconnu par le droit international, les rencontres entre dirigeants font partie des rituels politiques, codifiés par des règles protocolaires. Par certains aspects, elles offrent une image réductrice des relations interétatiques, souvent éloignée de la réalité des rapports de force, mais elles restent un instrument de dialogue et de régulation de la vie internationale.

Les différentes contributions de cet ouvrage, présentées selon un plan chronologique, proposent des approches différentes du « voyage » pris au sens large. Elles s’intéressent ainsi, aussi bien au déplacement qu’à sa finalité, la rencontre. L’accent peut être mis sur un seul voyage (Angleterre, États-Unis, URSS) que l’on suit au jour le jour, pour en comprendre les tenants et les aboutissants et montrer en quoi, précisément, il fait « événement ». D’autres études proposent une vue d’ensemble sur les déplacements d’un seul chef d’État (Japon) ou de plusieurs (Italie, papauté, France) qui dessinent en creux les orientations d’une politique étrangère sur le long terme. La cartographie des voyages et l’ordre des priorités reflètent aussi une perception du monde, les décideurs ont intégré une géographie subjective qui oriente leurs choix politiques et transparaît au travers de leurs déplacements. À l’échelle d’un mandat, les voyages permettent de cerner la personnalité d’un chef d’État, de définir son style. Enfin une troisième approche privilégie non pas un responsable politique mais une destination (France, Chine) vers laquelle les dirigeants de différents États ou d’un seul se sont rendus les uns après les autres. Cet angle de vue permet d’observer une relation bilatérale sur le long terme et l’évolution du regard porté sur un « autre ».

Les voyages internationaux connaissent leur véritable essor dans la seconde moitié du XXe siècle, l’ouvrage en retrace donc l’évolution durant cette période jusqu’au début des années 1990 avant d’examiner, dans un second temps, les changements survenus avec l’entrée dans la mondialisation actuelle. Nous proposons cependant en ouverture une étude de cas antérieure à la période retenue. Le voyage de Theodore ←11 | 12→Roosevelt au Panama en 1906 étudié par Hélène Harter, premier déplacement d’un chef d’État américain en dehors des États-Unis, fixe en quelque sorte le canevas de l’exercice : programme millimétré composé de plusieurs séquences (visites, réceptions, cérémonies et entretiens), centralité de la figure présidentielle, recherche du contact avec la population locale, forte médiatisation, message adressé au monde. Bien des caractéristiques des voyages appelés à devenir de véritables rituels d’État apparaissent dès ce premier déplacement. Sa destination rappelle cependant combien la définition du voyage « international » ne va pas de soi selon les époques, l’impérialisme ayant rendu cette distinction inopérante dans bon nombre de territoires durant une grande partie du siècle. En effet, lorsqu’il se rend au Panama en 1906, le président Roosevelt ne s’aventure pas tout à fait en terre « étrangère ». Si ce petit pays d’Amérique centrale, anciennement rattaché à la Colombie, est indépendant depuis trois ans, il est aussi sous « protection » américaine et a renoncé au profit des États-Unis à sa souveraineté sur la zone du canal, principal objet de la visite. Destiné à relancer la construction de celui-ci, le voyage du président permet également aux États-Unis de marquer leur présence dans l’espace américano-caraïbéen. Il constitue à ce titre un tournant dans la politique extérieure américaine traditionnellement isolationniste. Dans le prolongement de la doctrine Monroe, les Américains envoient ainsi un signal aux puissances européennes, notamment à la Grande-Bretagne, leur principale concurrente dans les Amériques. L’utilisation du cuirassé USS Louisiana pour le transport du président est en soi une démonstration de force de la marine américaine face à la Royal Navy. Dès ce premier voyage, la question du rôle de l’exécutif en matière de politique étrangère se pose. Avant même le départ du président, souligne Hélène Harter, les membres du Congrès américain s’étaient inquiétés du risque d’une dérive monarchique et avaient veillé à ce que le cérémonial lors du voyage ne rappelle en aucun cas le faste des cours européennes. La réussite de la visite largement médiatisée renforce la popularité de Theodore Roosevelt et crée un précédent au niveau institutionnel en attribuant de fait, un rôle nouveau au chef de l’État dans le domaine de la politique étrangère, dans lequel le Sénat en particulier joue traditionnellement un rôle prépondérant.

Résumé des informations

Pages
198
Année
2022
ISBN (PDF)
9782807619883
ISBN (ePUB)
9782807619890
ISBN (MOBI)
9782807619906
ISBN (Broché)
9782807619876
DOI
10.3726/b19083
Langue
français
Date de parution
2022 (Février)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 198 p., 8 tabl.

Notes biographiques

Agnès Tachin (Éditeur de volume)

Agnès Tachin est maîtresse de conférences en Histoire contemporaine à CY Cergy Paris Université, rattachée au laboratoire Héritages - Culture/s, Patrimoine/s, Création/s (UMR 9022). Ses recherches portent à fois sur l’histoire des relations internationales, l’histoire politique et l’histoire des représentations aux XXe et XXIe siècles.

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