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Traces italiennes autour du Luxembourg entre autobiographies et (auto)fictions

Les auteurs d’origine italienne du Luxembourg et de la Grande Région se racontent

de Claudio Cicotti (Éditeur de volume)
©2022 Collections 308 Pages

Résumé

« L’immigré comme sujet et non comme objet d’attention et d’étude ». L’essence
de ce livre pourrait être synthétisée par cette phrase. En effet, cette publication
entend donner la parole à ces immigrés italiens du Luxembourg et de la Grande
Région qui ont pris l’initiative de communiquer aux autres et de raconter tant leurs
histoires autobiographiques que des récits imaginaires, les croisant parfois entre
elles. Chacun d’eux met en lumière une perception de soi propre et représente le
miroir d’une intégration différente entre le Grand-Duché, la Belgique, la France et
l’Allemagne.
“L’immigrato come soggetto e non come oggetto di attenzione e di studio”.
L’essenza di questo libro potrebbe essere sintetizzata con questa frase, poiché questa
pubblicazione intende dare voce a quegli immigrati italiani del Lussemburgo e della
Grande Regione che hanno preso l’iniziativa di comunicare agli altri e raccontare
tanto le loro storie autobiografiche quanto quelle immaginarie, a volte incrociandole
tra loro. Ognuno di questi stessi racconta di una percezione di sé e rappresenta lo
specchio di una diversa integrazione tra Granducato, Belgio, Francia e Germania.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos du directeur de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-Propos Entre Autobiographie et Fiction dans la littérature des Italiens du Luxembourg et de la Grande Région (Claudio Cicotti)
  • Prefazione Tra Autobiografia e Finzione nella letteratura degli italiani del Lussemburgo e della Grande Regione (Claudio Cicotti)
  • Introduzione (Jean-Jacques Marchand (Università di Losanna), Martina Busti & Matteo Cacco (Università di Colonia)
  • 1. Parte La volonté de s’écrire
  • Fils d’immigrés Italiens Une vie militante en pays du fer (Albert Falcetta)
  • Una vita straordinariamente interessante nella «Minette» del Lussemburgo (Silvio Grilli)
  • « Io non sono diverso e, se lo sono, ne sono fiero » (Pasquale Marino)
  • Du Piémont au pays de Longwy Racines italiennes d’une Pasionaria Rouge (Janine Olmi)
  • L’autobiografia: un modo di rifare il percorso, dal passato al presente (Umberto Vidali)
  • Mémoire, histoire, littérature : le mot « réalité » est une fiction (Jean Portante)
  • Un ragazzo con due bottiglie vuote (Francesco Sanzo)
  • Il treno del Nord (Francesco Scalzo)
  • Rue des Italiens (Girolamo Santocono)
  • Giovanna, la Lorraine aux quatorze enfants (Mireille Poulain Giorgi)
  • Un printemps interrompu: Rupture ou continuité? (Sylvain Tarantino)
  • Il valore psicologico della scrittura autobiografica (Pina Deiana)
  • 2. Parte Le parcours de la fiction littéraire
  • La libreria come luogo/porto di diffusione della parola degli autori italiani (Luisa Maffioli)
  • La syndrome des oubliés (Joseph G. Ciccotelli)
  • Carlo Agnetta, la necessità di immedesimarsi in un personaggio tra realtà geologiche e finzione narrativa (Calogero Galletta)
  • Les chemins de l’invention littéraire sont aussi infinis que ceux du Seigneur (Rodolfo Raspanti)
  • Ma terre etrangère (Bruno Agostini)
  • Sono un vampiro. Neanch’io. Poeti, artisti, eroi, navigatori e maniaci dell’identità tra il Lussemburgo e l’Italia (Simona Giordano)
  • I luoghi possibili e impossibili del romanzo (Raoul Precht)
  • Solo mio è il Paese che vive nella mia anima (Daniela Sacchi)
  • La commedia “La conferenza dei defunti emigranti”: l’esperienza dell’invenzione letteraria come mezzo di elaborazione del vissuto (Pasquale Marino)
  • Moi, je… : une fiction (Jean Portante)
  • Notices bio-bibliographiques des auteurs

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Avant-Propos
Entre Autobiographie et Fiction dans la littérature des Italiens du Luxembourg et de la Grande Région

Claudio Cicotti

Que serait l’émigration sans une photographie d’un instant de vie privée d’un émigrant ? Que serait encore l’émigration s’il n’y avait pas une narration qui se nourrisse de visages, d’expressions, d’états d’âme et de cette insoutenable force du caractère provisoire du souvenir du moment vécu par quelqu’un qu’on a, à l’improviste, l’impression de connaître ? L’émigration est une crête humaine qui a généralement besoin de rhétorique pour être communiquée : des photographies jaunies, de vieux films en noir et blanc et des bagages de vieux voyages de l’espoir en constituent le répertoire le plus classique dans l’imaginaire collectif. Chaque photo et chaque film racontent un instant du vécu de l’émigrant avec l’esprit de l’explorateur ou de l’archiviste du passé. Dans tous les cas, la personne qui a émigré est capturée dans un de ses gestes, un de ses mots : elle se présente uniquement comme le patient d’une enquête cognitive de quelqu’un d’autre.

Ici, nous voulons au contraire rendre compte d’une émigration qui n’est pas racontée, mais qui se raconte elle-même. Chacun des auteurs présents dans la première partie du volume a écrit sa propre histoire et celle de sa famille, selon différents parcours et différentes finalités. L’action a été dans leurs mains, avec la décision d’abord, puis la rédaction de leurs écrits. Dans chacun de ces cas, l’émigrant s’est fait agent, et est au fond passé de l’autre côté du circuit de communication.

Dans les statistiques des autobiographes d’origine italienne que nous avons recueillies jusqu’ici au cours des années de recherche allant de 2004 à aujourd’hui, auprès de l’Université du Luxembourg1, nous ←11 | 12→ferons référence à une Base de données dénommée « Base des données des Auteurs de la Grande Région et Intégration » (BAGROI), créée au cours des dix-huit dernières années. Les critères de sélection de l’échantillon des auteurs ont été les suivants :

  • Les ouvrages des deux premières générations d’écrivains sont enregistrés indépendamment de leur contenu ;
  • Les ouvrages des écrivains de la troisième génération doivent porter sur la migration ;
  • Tous les ouvrages sont enregistrés indépendamment de la langue et de leur forme manuscrite ou publiée.

La BAGROI comprend une centaine d’auteurs et plus de deux cents textes. Parmi ceux-ci, nous pouvons identifier sept modalités autobiographiques différentes. Ainsi, nous irons du typique « Livre de famille », né pour rester entre les murs de la maison, aux souvenirs porteurs d’un message politique ; de l’autobiographie qui veut prendre son vol toute seule pour devenir de la pure littérature, à celle qui a au contraire pleinement conscience d’elle-même et de la lacune qu’elle comble dans le catalogue de la connaissance du monde de la migration.

Le livre de famille et la « pudeur » de l’écriture de soi

Il s’agit de la forme la plus traditionnelle d’écriture autobiographique. Sa caractéristique déterminante est l’identification immédiate du groupe de ses lecteurs : la famille. Le migrant en question a recours à l’écriture de soi pour communiquer et relier son histoire personnelle aux membres de sa famille. Il veut transmettre l’évolution de tout ce qu’il a vécu à ses enfants afin que le souvenir ne se perde pas. Il s’agit en général de souvenirs pudiques, discrets, craintifs, qui n’entendent pas sortir du cercle d’un public très restreint. Ce sont généralement des textes imprimés à domicile avec, éventuellement, le passage auprès d’une imprimerie en vue d’une reliure plus ou moins artisanale. Le nombre des exemplaires qui sont imprimés est nécessairement limité à quelques unités, ce qui correspond normalement aux membres de la famille à qui ils seront donnés. ←12 | 13→Mais il peut arriver « accidentellement » que l’auteur reçoive une invitation à l’imprimer auprès d’une véritable typographie ou d’une petite maison d’édition, de façon à rencontrer un public plus vaste. C’est le cas de Salvatore Vella2 et de Francesco Sanzo3, qui ont en fait produit deux éditions différentes de leurs livres : l’une destinée exclusivement à la famille, et l’autre s’adressant au grand public, en recourant peut-être à une traduction dans la langue susceptible de rencontrer le plus de lecteurs. Mais il s’agit de deux moments différents et distincts, entre lesquels a lieu une sorte de « conversion » de l’auteur, auquel on ne pourra pas reprocher une subtile et légitime veine d’hédonisme en ouvrant son œuvre à un public plus vaste. En un sens, le livre est réinterprété par l’auteur lui-même, remodelé dans sa nouvelle aptitude, afin d’intercepter un public nouveau et inconnu.

Par ailleurs, pour comprendre ce changement « accidentel » de disponibilité de l’auteur (depuis la discrétion totale jusqu’à la publication ouverte), il ne faut pas ignorer la conscience de leur succès. Ces deux auteurs savent en effet qu’ils se sont soustraits à un destin qui semblait tristement écrit pour un immigré des années Soixante en Allemagne : à savoir une vie d’anonymat et de sacrifices dans une dimension pleine de dignité, mais faite exclusivement de travail en tant qu’ouvriers jusqu’à la retraite. Le succès professionnel dont ils sont porteurs apparaît lentement, et finit par les convaincre que leur histoire représente aussi celle d’un rachat personnel qui les distingue des autres : ils ont su se soustraire à ce destin apparemment tracé pour atteindre un objectif professionnel et économique.

Ce même mécanisme de déconstruction de la « pudeur » initiale à écrire de soi avant de publier, typique de la première génération, apparaît également dans ce qui peut être considéré comme la seule véritable autobiographie « historique » d’un Italien au Luxembourg : nous faisons allusion à celle de Silvio Grilli, Ein außergewöhnlich interessantes Leben ←13 | 14→im Minette4 de 2007, publiée ensuite en italien en 2011 sous le titre « Storia della mia famiglia. Dall’Italia al Lussemburgo ».

Dans son autobiographie, Silvio Grilli évoque son histoire en commençant par la première immigration de son grand-père Giuseppe, à la fin des années quatre-vingt du XIXe siècle, depuis Fiuminata, village des Marches, dans la province de Macerata, jusqu’à Esch-sur-Alzette, dans le sud du Grand-Duché, pour travailler dans les mines. En racontant les vicissitudes rencontrées par son père Giovanni, Silvio Grilli raconte sa propre vie pour en laisser le témoignage à son petit-fils Andreas. Cette vie, qui repose sur cinq générations, témoigne en même temps d’une histoire individuelle et collective, car elle reflète vraiment les développements sociaux de toute une nombreuse communauté d’immigrés au Luxembourg. En même temps elle montre à nouveau la volonté de l’auteur de témoigner du succès social et économique qu’il a réussi à construire grâce à sa volonté et son talent.

Le livre d’engagement social

Une deuxième catégorie concerne les autobiographies « migrantes » à caractère politique. Il s’agit d’autobiographies dans lesquelles le migrant revit et raconte de manière épique son activité politique, qui transcende (et rachète) sa condition d’immigré. Ces œuvres sont conçues dès le début comme destinées à une publication, car elles documentent l’engagement civil de l’auteur, qui montre toute son intégration dans le tissu social au travers des batailles politiques et syndicales. C’est un phénomène très répandu en Lorraine, là où toute une génération, la deuxième en particulier, née entre les années quarante et cinquante du siècle dernier, génération qui, alors qu’elle est extrêmement silencieuse lorsqu’il s’agit de la famille et de la « vie privée », aborde très facilement le volet social, qu’elle exhibe fièrement. Les cas d’Albert Falcetta5 et de Janine Olmi6 (mais aussi d’Anna Bartolacci) sont exemplaires de ce phénomène diffus de dépersonnalisation de la mémoire et du mythe du migrant, ←14 | 15→pour rejoindre une dimension collective, dans laquelle le moi porte les requêtes et les idéaux de toute une classe sociale. La voix de ces écrivains s’élève pour se battre politiquement, espérant ainsi faire valoir les droits des travailleurs, presque toujours dans le secteur sidérurgique et immigrés majoritairement en Lorraine. La bataille politique affaiblit la narration de soi en termes individuels pour la relier à des batailles syndicales plus générales et historiques, où chacun voit sa force dans l’union collective des efforts d’un grand nombre. C’est pourquoi la deuxième génération d’immigrés en Lorraine est orgueilleuse et fière de publier ses propres écrits, qui dénoncent une condition sociale et plaident pour une cause qui va bien au-delà de l’individualité du migrant auteur.

Résumé des informations

Pages
308
Année
2022
ISBN (PDF)
9782875746252
ISBN (ePUB)
9782875746269
ISBN (Broché)
9782807602731
DOI
10.3726/b19740
Langue
français
Date de parution
2022 (Décembre)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 308 p.

Notes biographiques

Claudio Cicotti (Éditeur de volume)

Claudio Cicotti enseigne la Littérature italienne, Théâtre et Cinéma italiens et Théories et pratiques de l’écriture de soi à l’Université du Luxembourg où il est responsable de la Section des Lettres italiennes et dirige la Formation continue en Langue, Culture et Société Italienne (LCSI). Ses publications portent sur la littérature des XVIIème, XVIIIème et XXème siècles, sur la philologie et la lexicographie, sur l’écriture autobiographique et sur la culture migratoire des Italiens du Luxembourg et de la Grande Région.

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