Résumé
Sophie Béroud, Thomas Boccon-Gibod, Chloé Gaboriaux, Matthieu Hély, Martine Kaluszynski Anne Monier, Sylvie Paquerot et Cécile Robert ont contribué à cet ouvrage.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos des directeurs de la publication
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Liste des contributeurs
- Introduction : L’État à l’épreuve de la société (Chloé Gaboriaux)
- I. SERVICES PUBLICS
- 1. L’intérêt général défini comme service public : La puissance d’un mythe (Thomas Boccon-Gibod)
- 2. L’utilité publique contre l’intérêt général ? La République et les associations autour de 1901 (Chloé Gaboriaux)
- 3. Les frontières de l’État à l’épreuve de l’institutionnalisation de « l’économie sociale et solidaire » (Matthieu Hély)
- II. PRISES D’INTERÊTS
- 4. L’introuvable intérêt général européen. L’essoufflement d’un mode de légitimation et ses enjeux (Cécile Robert)
- 5. De l’intérêt général à l’utilité sociale. Le plaidoyer des mécènes en faveur de la philanthropie : une remise en cause du rôle de l’État ? (Anne Monier)
- III. RECONQUÊTES
- 6. De l’intérêt général au commun : enjeu de vocabulaire ou de sens ? (Sylvie Paquerot)
- 7. Un « syndicalisme d’intérêt général » ? Généalogie d’une catégorie singulière dans le discours de la CGT et de la CFDT (Sophie Béroud)
- Épilogue : Un intérêt général 2.0. Apports, enjeux, limites et perspectives (Martine Kaluszynski)
- Titres de la collection
Liste des contributeurs
Sophie Béroud, Université Lyon 2, Triangle
Thomas Boccon-Gibod, Université Grenoble Alpes, IPhiG
Chloé Gaboriaux, Sciences Po Lyon, Triangle
Matthieu Hély, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Printemps
Martine Kaluszynski, Université Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE
Anne Monier, ESSEC, Chaire Philanthropie
Sylvie Paquerot, École d’études politiques, Université d’Ottawa
Cécile Robert, Sciences Po Lyon, Triangle
Introduction :
L’État à l’épreuve de la société
À l’heure où les États délèguent une partie de leurs missions au secteur privé, non lucratif ou même marchand, à l’heure où ils peinent à imposer leur pouvoir sur les intérêts économiques les plus puissants, qui peut encore revendiquer la défense de l’intérêt général ? En posant la question, nous ne supposons pas que les États aient pu un jour à bon droit s’en faire les garants. Que l’intérêt général n’ait jamais été que le drapeau sous lequel la classe dominante poursuit ses propres intérêts (Marx et Engels, 1982 [1932]) ou le mythe à travers lequel l’administration s’autonomise et impose sa rationalité bureaucratique à la société (Weber, 1995 [1921]) nous intéresse cependant moins ici que l’ordre social et politique qu’il révèle et produit en tant que mode de légitimation du pouvoir. Nous partons du postulat selon lequel ce dernier est indissociable des modes d’intervention politique des acteurs non étatiques. Les représentants de l’État ne sont en effet pas seuls à se réclamer de l’intérêt général. Il peut être invoqué par d’autres acteurs, qu’ils soient issus du mouvement associatif, de l’entreprise, des organisations syndicales, etc. En parlant au nom de l’intérêt général, ces derniers se positionnent en auxiliaires ou concurrents de l’État, le mettant ainsi à l’épreuve de la société. Ils suscitent des luttes de représentations autour du contenu à donner à l’intérêt général et des acteurs susceptibles de participer à sa définition et à sa mise en œuvre. Nous faisons l’hypothèse que l’analyse de ces luttes de représentations est susceptible d’éclairer sous un nouveau jour la recomposition des États à l’œuvre depuis les années 1980 au moins (Wright et Cassese, 1996 ; Le Galès et Vezinat, 2014).
La notion d’intérêt général est certes souvent présentée comme une prérogative étatique, progressivement élaborée au cours du processus de construction des États modernes. Elle implique d’une part que l’intérêt ←11 | 12→soit reconnu comme le moteur de l’activité humaine, et d’autre part que les membres d’un groupe considèrent leurs intérêts collectifs comme l’horizon indépassable de leur vie commune (Koselleck et al., 1978). Sous cet angle, elle renvoie à un moment historique particulier, qui débute en Europe aux xvii–xviiie siècles : celui qui, sous l’effet de la sécularisation, voit émerger l’idée selon laquelle le dessein divin ou la providence ne suffit plus à légitimer le pouvoir, mais qu’il faut désormais le fonder sur l’intérêt même des populations (Gauchet, 2007).
Il faut cependant d’emblée rappeler, avec Jürgen Habermas, que les États ne se sont réclamés de l’intérêt général – et non plus du droit divin – qu’à partir du moment où certains de leurs administrés se sont mis à discuter des affaires étatiques comme publiques, c’est-à-dire engageant l’intérêt du public et devant donc faire l’objet d’un débat public (Habermas, 1962). Autrement dit, l’intérêt général ne devient chose de l’État que sous la pression d’acteurs non étatiques, qu’ils exigent un droit de regard sur les décisions étatiques, celui de l’opinion publique, ou qu’ils s’imposent dans la négociation de leurs contours, dans une forme de néo-corporatisme (Manin, 1995) – ou même dans leur mise en œuvre – par exemple quand l’assistance privée vient seconder l’assistance publique sous le contrôle de l’État (Bec, 1994).
Ces interactions entre acteurs privés et acteurs publics dans la construction de la légitimité étatique sont au cœur des discussions qui ont débouché sur le présent ouvrage. À partir des terrains très divers qui sont les nôtres – la philosophie du droit, les pratiques administratives, les controverses environnementales, le monde associatif, l’action syndicale, la philanthropie ou le lobbyisme – nous nous sommes interrogés sur les logiques qui conduisent divers acteurs à justifier leur engagement au nom de l’intérêt général ou au contraire à écarter, explicitement ou non, ce type de justifications : quelles conceptions politiques révèlent-elles ? Que disent-elles du rapport au politique des uns et des autres ? Quels effets produisent-elles sur les rapports de forces à l’œuvre ? Et dans quelle mesure nous renseignent-elles sur les transformations en cours de l’action publique ?
Nos échanges ont d’abord pris la forme d’une journée d’étude, tenue à Lyon, au sein du laboratoire Triangle et en partenariat avec le laboratoire Pacte, le 24 mars 2016. Elles se sont poursuivies à l’occasion du xive Congrès de l’Association française de science politique, à Montpellier, en juillet 20171. Après que la crise sanitaire nous a imposé durant ←12 | 13→de longs mois les rencontres virtuelles, nous prenons rétrospectivement conscience du prix de ces échanges réels : le plaisir des conversations anodines pendant les temps morts, la confiance peu à peu établie, l’engagement dans la discussion scientifique, son écho lors des repas pris en commun, autant de moments que nous appréciions mais dont nous sous-estimions sans doute l’importance dans la construction d’une réflexion collective.
Cet ouvrage en présente les résultats. Il nous permet d’abord de souligner les ambivalences fondamentales et fondatrices de l’intérêt général, qui tend à légitimer l’État à partir des besoins de la société et s’affirme contre les intérêts particuliers alors même qu’il en procède (1). Ces tensions inhérentes à l’intérêt général ont facilité son retournement par le discours néolibéral, qui l’a en quelque sorte vidé de son sens et retourné contre les efforts d’autonomisation du social (2). Ce que tendent à montrer les contributions rassemblées ici, c’est qu’il est cependant difficile de se débarrasser de l’intérêt général, au risque de le laisser justifier l’accaparement privé des ressources publiques (3).
Résumé des informations
- Pages
- 192
- Année de publication
- 2022
- ISBN (PDF)
- 9782875745408
- ISBN (ePUB)
- 9782875745415
- ISBN (Broché)
- 9782875745392
- DOI
- 10.3726/b19710
- Langue
- français
- Date de parution
- 2022 (Juillet)
- Publié
- Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 192 p.
- Sécurité des produits
- Peter Lang Group AG