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«In Agro Crotoniensi» – Archéologie et histoire de Crotone durant la période romaine (3ème siècle av. J.-C. – 6ème siècle apr. J.-C.) – KROTON 2

de Marc Duret (Auteur)
©2023 Monographies 282 Pages
Open Access

Résumé

Les sources littéraires antiques retracent les périodes archaïque, classique et hellénistique de l’histoire de Crotone, la fameuse ville de Grande Grèce. Elles se tarissent quand on aborde la période romaine, après la transformation de Crotone en colonie en 194 av. J.-C. Pour compléter l’histoire de Crotone de son entrée dans la sphère d’influence de Rome à la fin de la période impériale, c’est à l’archéologie qu’il faut faire appel. Au cœur de ce livre, l’archéologie du territoire est mise en dialogue avec celles des pôles urbains de la région (Crotone, Capo Colonna et Petelia) et avec l’insertion de la cité dans les réseaux culturels et économiques régionaux et méditerranéens.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • 1. Pourquoi et comment étudier la Crotone romaine
  • 2. Cadre géographique et chronologique de l’étude
  • 2.1 Cadre géographique
  • 2.2 Cadre chronologique
  • 3. État de la recherche
  • 3.1 Une ville romaine dans l’ombre de son passé grec
  • 3.2 État de la recherche archéologique sur la Crotone romaine
  • 3.3 Apport de la présente étude
  • 4. Approches méthodologiques de la recherche
  • 4.1 Étude des sources textuelles antiques
  • 4.2 Inventaire des données archéologiques
  • 4.3 Approche territoriale et géographique
  • 4.4 Approches culturelles
  • 4.5 L’histoire de Crotone par le biais de l’archéologie
  • 5. Le corpus de données
  • 5.1 Le catalogue des sites archéologiques
  • 5.1.2 Typologie des sites archéologiques
  • 5.2 Les autres données du corpus d’étude
  • 5.3 Les sources modernes
  • 5.3.1 Les cartes
  • 5.3.2 Les récits de voyageurs
  • 5.3.3 Les tableaux et gravures
  • 5.3.4 Les archives
  • 6. Aspects environnementaux de Crotone et sa région
  • 6.1 Géomorphologie et environnement naturel de la région de Crotone
  • 6.2 Climat
  • 6.3 Frontières naturelles du territoire de Crotone
  • 6.4 Ressources naturelles de la région de Crotone
  • 6.4.1 Minerais
  • 6.4.2 Agriculture, chasse et élevage
  • 6.4.3 La Sila, le bois et la poix
  • 6.4.4 Ressources maritimes
  • 6.5 Exploitation du territoire durant la période romaine
  • 6.6 Aspects économiques et géopolitiques de l’environnement
  • 7. L’apport des sources textuelles antiques
  • 7.1 Un panorama incomplet
  • 7.2 Histoire et géographie de la Crotone romaine d’après les textes anciens
  • 7.2.1 Les premiers contacts avec Rome
  • 7.2.2 Crotone durant la deuxième guerre punique
  • 7.2.3 Crotone devient une colonie romaine
  • 7.2.4 Flaccus et l’épisode des tuiles de Junon
  • 7.2.5 Un coup de foudre meurtrier
  • 7.2.6 Cicéron en exil à Crotone ? (49 av. J.-C.)
  • 7.2.7 Un conjuré crotonien avec Catilina ?
  • 7.2.8 Crotone dans le Satyricon
  • 7.2.9 Quatre siècles de disparition
  • 7.2.10 Crotone durant la guerre contre les Goths
  • 7.2.11 Le pape Grégoire le Grand et Crotone
  • 7.3 La topographie de Crotone et sa région d’après les auteurs anciens
  • 7.3.1 Topographie de Crotone et du Capo Colonna selon Tite-Live
  • 7.3.2 Topographie de Crotone et sa région d’après les autres auteurs anciens
  • 7.4 La Crotone romaine, oubliée, mais pas invisible
  • 7.5 Sources textuelles antiques concernant Crotone durant la période romaine : tableau récapitulatif
  • 8. Quelques mots à propos de la romanisation
  • 8.1 La romanisation politique
  • 8.2 Les étapes-clefs dans le Bruttium et à Crotone
  • 8.3 Une spécificité de Crotone ?
  • 8.4 Distinction avec la « romanisation » culturelle
  • 9. Le Bruttium et Crotone
  • 9.1 Les Bruttii en quelques mots
  • 9.2 Les ressources du Bruttium et leur exploitation économique durant la période romaine
  • 9.4 Les villes romaines du Bruttium
  • 9.5 La place de Crotone dans le Bruttium romain et les traces des Bruttiens dans Crotone
  • 10. Une cité portuaire avant tout : Crotone et la mer
  • 10.1 Les côtes de Calabre et de la région de Crotone
  • 10.2 Le port de Crotone
  • 10.2.1 Topographie et atouts
  • 10.2.2 Les îles de Crotone
  • 10.3 Les autres mouillages autour de Crotone
  • 10.4 Les explorations subaquatiques
  • 10.5 Les épaves
  • 10.6 La surveillance de la mer
  • 10.7 Crotone et son port dans le réseau maritime romain
  • 11. La ville de Crotone durant l’époque romaine
  • 11.1 Topographie du site de Crotone
  • 11.2 Les vestiges de la période romaine à Crotone
  • 11.2.1 Nécropoles
  • 11.2.2 L’habitation près de la Piazza Pitagora
  • 11.2.3 L’habitation près des églises de St-Georges
  • 11.2.4 La domus de la Discesa Fosso
  • 11.3 Le mobilier de Crotone
  • 11.4 L’organisation de la ville romaine
  • 11.5 Les alentours de la ville
  • 11.6 Quelques pistes de réflexion sur la ville de Crotone et sur son histoire
  • 11.6.1 Crotone remplacée par le site du Capo Colonna ?
  • 11.6.1 Crotone au cœur d’une région
  • 12. Le capo colonna et la question de la colonie
  • 12.1 Topographie du site de Capo Colonna
  • 12.2 Les vestiges de la période romaine au Capo Colonna
  • 12.2.1 La muraille et l’orientation du plan de l’établissement
  • 12.2.2 Des constructions publiques et privées
  • 12.2.3 La Domus DR et son secteur
  • 12.2.4 La Domus CRr
  • 12.2.5 Les thermes
  • 12.2.6 Le bâtiment à portique en « L ».
  • 12.2.7 Ce qui reste à découvrir au Capo Colonna
  • 12.3 Le sanctuaire d’Héra, cœur originel du site
  • 12.4 L’arrière-pays et le promontoire
  • 12.5 La question du port du Capo Colonna
  • 12.6 Le mobilier du Capo Colonna
  • 12.7 Le Capo Colonna, emplacement de la colonie ?
  • 12.7.1 Considérations topographiques, stratégiques et archéologiques
  • 12.7.2 Considérations historiques et philologiques
  • 12.7.3 Le nom de la colonie
  • 12.8 Le Capo Colonna durant la période romaine : une nouvelle Crotone ?
  • 13. La sila et Crotone
  • 13.1 La Sila romaine dans les sources textuelles antiques
  • 13.1 Exploitation de la Sila durant la période romaine
  • 13.1.2 L’exploitation de la poix à Forge di Cecita
  • 13.3 Crotone, plaque tournante de l’économie de la Sila ?
  • 14. Petelia, une voisine et une concurrente
  • 14.1 Topographie de Petelia
  • 14.2 Les vestiges de la période romaine
  • 14.3 Petelia et la mer
  • 14.4 Les habitants de Petelia
  • 14.5 Petelia et Crotone, concurrentes ou complémentaires ?
  • 15. Aspects culturels de la Crotone romaine
  • 15.1 La culture matérielle à Crotone et dans le territoire : un mobilier discret
  • 15.2 Une « romanisation » architecturale ?
  • 15.3 La religion, grande absente ?
  • 15.4 Des noms et des langues
  • 15.5 La « romanisation » culturelle de Crotone, une définition impossible
  • 16. Une population difficile à cerner : qui étaient les Crotoniens ?
  • 16.1 L’apport des inscriptions
  • 16.2 Les Crotoniens hors de Crotone
  • 16.2.1 Volturcius et la conjuration de Catilina
  • 16.2.2 Les raisons d’une discrétion évidente
  • 16.3 Un « melting-pot » à Crotone ?
  • 17. L’ager Crotoniensis, un cas d’étude
  • 17.1 Typologie et organisation de l’occupation du territoire
  • 17.2 Le territoire de Crotone : une grande campagne ?
  • 17.3 La villa, symbole de l’occupation et de l’exploitation du territoire
  • 17.4 L’importance de l’eau
  • 17.5 L’ager publicus dans le territoire de Crotone
  • 17.6 La viabilità et les itinéraires
  • 17.7 Le territoire au fil du temps : diachronie de l’occupation du territoire
  • 17.7.1. Seconde moitié du 3e siècle av. J.-C. ; 2e siècle av. J.-C.
  • 17.7.2. 1er siècle av. J.-C.
  • 17.7.3. 1er siècle apr. J.-C.
  • 17.7.4. 2e siècle apr. J.-C.
  • 17.7.5 3e siècle apr. J.-C.
  • 17.7.6 4e siècle apr. J.-C.
  • 17.7.7. 5e siècle apr. J.-C.
  • 17.7.8. Époque byzantine
  • 17.8 Les frontières du territoire crotonien : l’Ager Crotoniensis existe-t-il ?
  • 17.8.1 Crotone et les caps
  • 17.8.1 D’autres pôles d’importance
  • 17.9 De nouveaux horizons durant la période romaine
  • 18. Histoire de Crotone durant la période romaine
  • 18.1 Des débuts agités
  • 18.2 Nouveau pouvoir, nouvelle organisation
  • 18.3 Renouveau économique et mixité culturelle
  • 18.4 La Pax Romana
  • 18.5 Crotone reprend une position dominante
  • 18.6 Des temps troublés
  • 19. Pistes de réflexion
  • 19.1 Un vaste territoire d’étude pour une cité qui perd de l’influence
  • 19.2 L’apport de la combinaison des approches historiques et archéologiques
  • 19.3 Encore tant à faire
  • 20. Catalogue des sites du territoire Crotonien
  • 20.1 Les villes et grands établissements
  • 20.2 Les villas et établissements ruraux/artisanaux
  • 20.3 Les ports et sites subaquatiques
  • 20.4 Les carrières
  • 20.5 Les nécropoles
  • 20.6 Les voies de passage
  • 20.7 Sites non identifiés clairement
  • 21. Photographies
  • 22. Cartes
  • 23. Index des sites
  • 24. Liste des figures
  • 25. Bibliographie
  • Titres de la collection

1. Pourquoi et comment étudier la Crotone romaine

Patrie de l’athlète Milon et lieu d’exil de Pythagore, Crotone doit sa renommée à des épisodes historiques ou légendaires qui remontent aux époques archaïque et classique. Sa fondation par des Achéens en 710 av. J.-C. environ, puis ses phases de floruit, ont donc été étudiées avec attention par les chercheurs. Les siècles suivants sont marqués par l’influence et le pouvoir romains sur Crotone, mais n’ont laissé que peu de traces dans les mémoires des Anciens puis, en conséquence, ont peu intéressé les archéologues et les historiens modernes.

Fig. 1.Milon de Crotone (Nicola Boldrini, 1510–1566, gravure)

La présente étude relève pourtant le défi d’écrire l’histoire de la Crotone romaine1. Cette histoire s’étend de la fin du 3e siècle av. J.-C., quand Rome établit durablement son pouvoir dans la région, au 6e siècle apr. J.-C., lorsque Crotone devient l’un des théâtres d’opérations de la guerre contre les Goths, quelques décennies après que l’Empire romain d’Occident s’est délité.

Pour réaliser une telle tâche, il est nécessaire de s’appuyer sur la documentation archéologique, dont on peut tirer plus d’informations qu’en lisant les rares textes antiques à disposition. Cet ouvrage se construit donc autour des découvertes datables de la période romaine faites à Crotone et dans son territoire. Ce dernier constitue un cadre essentiel dans l’analyse ; il permet en effet d’interroger les aspects politiques, économiques et culturels à l’œuvre, tout en offrant une perspective qui dépasse celle de la ville de Crotone en elle-même. De cité grecque indépendante régnant sur son territoire et parfois même sur la région alentour, Crotone se retrouve insérée durant les époques républicaine et impériale dans des sphères bien plus vastes.

Basée sur une méthodologie en partie inédite, présentée en début d’ouvrage (p. 32), cette étude tente de redonner à l’archéologie de la Crotone romaine la place qu’elle mérite dans la recherche (p. 25). Le corpus d’étude, composé de plus de 230 sites disséminés dans le territoire, a été établi grâce à la bibliographie existante, puis enrichi lors d’explorations inédites sur le terrain (p. 34)2. Les sites ont été observés de visu, mais aussi référencés topographiquement sur des cartes modulables et détaillées, ce qui permet d’interroger leurs relations géographiques en éclairant l’organisation et le développement du territoire d’un jour nouveau.

←17 | 18→Les chapitres respectent une logique qui mêle des approches archéologiques et historiques, en accordant toujours une importance particulière aux notions de territoire et de paysage. La plupart des sections peuvent être lues indépendamment les unes des autres ; leur découverte suivie ou combinée permet toutefois d’éclairer davantage l’histoire de la Crotone romaine.

Dans un premier temps, le corpus d’étude ainsi que les limites géographiques et chronologiques à prendre en compte sont définis (p. 21). L’analyse de l’environnement naturel et des ressources disponibles permet ensuite de proposer un premier jalon dans l’observation des liens entre Crotone et sa région (p. 45). Pour disposer d’un cadre plus complet, il a fallu réaliser une relecture attentive des sources textuelles anciennes concernant la Crotone romaine (p. 53), ce qui pose d’emblée des questions quant à la romanisation (p. 67). Quelques sources plus tardives ou d’autres types, notamment cartographiques, ont aussi leur utilité pour appréhender au mieux le territoire en question (p. 39).

Dans un deuxième temps, le contexte est élargi au Bruttium romain (p. 71), avant de mouiller dans les eaux des ports de Crotone, vitaux durant toute l’histoire de la cité, dont la prospérité est fermement ancrée à son rapport à la mer (p. 79). L’archéologie de Crotone est bien sûr présentée en détail (p. 91), dans un chapitre dédié à la ville et à sa topographie ; elle occupe paradoxalement moins de pages que le site du Capo Colonna (p. 99). Souvent identifié dans la recherche comme l’emplacement de la colonia fondée en 194 av. J.-C., ce dernier occupe une place de choix dans la table des matières pour trois raisons : premièrement, les fouilles dans l’établissement du cap ont livré davantage de vestiges de la période romaine que celles menées dans la ville originelle ; deuxièmement, les vestiges de ←18 | 19→la période romaine au Capo Colonna précèdent ceux de Crotone dans la chronologie ; enfin, il est inévitable d’aborder la question de la colonie, dont la deductio marque l’entrée officielle de Crotone dans l’univers romain.

En s’éloignant de ces deux pôles majeurs que sont la ville de Crotone et le site du Capo Colonna, il faut ensuite se diriger vers le massif montagneux de la Sila, qui constitue une frontière naturelle du territoire étudié tout en étant une source de richesse importante durant la période romaine, dont Crotone n’est pas la seule à profiter (p. 117). La cité voisine de Petelia, qui se dresse dans la même région que Crotone, semble parfois supplanter cette dernière ; il est donc nécessaire de lui consacrer un chapitre, en s’interrogeant sur l’importance respective des deux cités et sur leurs liens politiques et économiques au fil du temps (p. 123).

Deux chapitres s’intéressent ensuite à des thématiques culturelles et identitaires. L’état de publication du mobilier archéologique de Crotone et de sa région s’avérant très lacunaire, c’est avec modestie que l’on peut tenter de détecter les influences culturelles à l’œuvre (p. 129). Repérer les traces d’une forme de « romanisation » des pratiques, des croyances et de l’occupation du territoire n’est pas plus simple. Avec tout autant de prudence, on peut essayer de comprendre qui étaient les Crotoniens3 durant cette longue période, dans une région carrefour où plusieurs populations se côtoyaient et s’affrontaient régulièrement avant que Rome n’installe son pouvoir (p. 135). Quelques rares personnages originaires de Crotone ont également laissé une trace dans la littérature, l’art ou l’épigraphie d’autres régions : Volturcius, pris dans l’affaire de la conjuration de Catilina, ou Ulpius, dont le buste se dresse aujourd’hui au Musée du Louvre, font partie de ces émigrés fameux.

Il est possible d’enrichir les connaissances sur la Crotone romaine et ses environs en analysant l’occupation du territoire, tout en prêtant une attention spécifique à plusieurs thématiques, comme le maillage agricole (p. 142), la viabilità4 (p. 143) ou encore les découpages politiques et économiques (p. 157). La répartition des sites, leur typologie et leur chronologie constituent alors des indices de première qualité, présentés en détails en fin d’ouvrage dans le catalogue (p. 169). L’approche territoriale permet ensuite de poser la question des limites de l’ager crotoniensis et de pointer quelques-unes de ses particularités (p. 139). Enfin, après l’avoir replacée dans des sphères plus vastes, l’histoire de Crotone durant la période romaine est revisitée à la lumière de l’archéologie (p. 161).

2. Cadre géographique et chronologique de l’étude

2.1 Cadre géographique

Définir les frontières du territoire lié à une cité durant la période d’influence et de pouvoir romains relève de la gageure. En effet, alors que la polis grecque de Crotone contrôlait une chôra dont elle pouvait s’estimer unique responsable, la Crotone romaine ne jouissait plus d’un tel privilège. Comme toutes les terres passées sous contrôle de Rome, le territoire alentour de Crotone se partageait vraisemblablement entre ager publicus, terrains privés, possessions impériales, villages et villes. Toutefois, afin de donner un cadre géographique de départ à cette étude, il est nécessaire de déterminer l’étendue des zones prises en compte5.

Les limites géographiques choisies permettent de couvrir une portion de territoire englobant les terres comprises entre les frontières naturelles que sont la côte ionienne, les fleuves Nica et Tacina, et les pentes du massif de la Sila (p. 117)6. Cette délimitation offre une correspondance assez proche avec les frontières modernes de la province de Crotone et avec ce qui constituait peut-être la chôra de la cité grecque durant une partie de son histoire, avant qu’elle ne passe sous contrôle romain (fig. 2)7.

Fig. 2.Situation de Crotone en Italie du Sud ; zone étudiée (cartes M. Duret)

Ce large cadre de départ (environ 2200 km2) permet d’observer comment le territoire, en contact permanent avec les régions alentour, a été habité, exploité ou partagé durant les siècles couverts par cette recherche. Les résultats présentés dans les chapitres consacrés spécifiquement aux questions de territoire et de frontières permettent dans un second temps de préciser ce découpage géographique initial en l’appuyant sur des éléments plus tangibles, notamment la relation entre Crotone et les sites voisins de Petelia et du Capo Colonna.

2.2 Cadre chronologique

Trouver des repères chronologiques absolus marquant l’entrée de Crotone dans la sphère d’influence romaine n’est pas aisé. Il serait tentant d’opter pour la transformation de Crotone en colonie romaine en 194 av. J.-C., mais Rome avait déjà joué un rôle important dans le sud de l’Italie près d’un siècle auparavant (p. 53). Il semble donc préférable de retenir les dernières décennies du 3e siècle av. J.-C. comme début de la période à couvrir.

←21 | 22→Borner la fin de la période à étudier n’est pas plus simple, en particulier en raison de la rareté des mentions de Crotone dans la littérature ancienne. La première moitié du 6e siècle apr. ←22 | 23→J.-C. semble s’imposer : le pouvoir impérial a basculé vers l’Orient et une nouvelle période d’instabilité se met en place (p. 59). À l’instar de presque toutes les régions de l’empire, Crotone se retrouve face à de nouvelles influences culturelles et politiques.

Ces deux repères chronologiques, bien que peu précis, facilitent l’emploi d’approches archéologiques et une étude du temps long, en particulier quand il s’agit d’étudier l’évolution du territoire ou des influences culturelles qui y sont à l’œuvre. Là encore, les résultats présentés plus loin affinent cette chronologie en cherchant dans les indices archéologiques les témoins de ruptures et de continuités dans l’histoire de la Crotone romaine. Confrontées aux données de terrain, les informations glanées dans les textes anciens sont alors complétées ; on peut ainsi repenser la chronologie générale de la période romaine à Crotone (p. 161).

3 État de la recherche

3.1 Une ville romaine dans l’ombre de son passé grec

Les périodes d’apogée culturel et politique de Crotone ont été traitées dans de nombreux ouvrages se penchant sur l’archéologie et l’histoire de la cité. Il ne s’agit donc pas de présenter ces contributions en détail ici, ni l’histoire des siècles concernés, consultable par ailleurs8. Fondée au 8e siècle av. J.-C. par des Achéens menés par Myscellos, la cité appuie sa renommée sur les épaules de Milon et sur l’esprit de Pythagore au 6e siècle av. J.-C. C’est également durant cette partie de son histoire que Crotone prend le pas sur sa voisine et rivale Sybaris en la rayant de la carte, ce qui lui permet d’asseoir sa domination dans la région durant plusieurs décennies. Au 4e siècle av. J.-C., la cité suscite des convoitises et se retrouve face à des forces diverses : les volontés d’expansion des Bruttiens, de Tarente et surtout des tyrans de Syracuse. Bien qu’elle perde une partie de sa puissance, Crotone reste toutefois un acteur majeur en Italie du Sud jusqu’au début du 3e siècle av. J.-C., quand Pyrrhus et Rome entrent dans le jeu géopolitique. Impliquée dans plusieurs épisodes belliqueux, elle semble perdre en importance politique, devient colonie romaine en 194 av. J.-C. et disparaît alors presque complètement des récits des auteurs anciens durant plusieurs siècles (p. 56).

Résumé des informations

Pages
282
Année
2023
ISBN (PDF)
9783034345910
ISBN (ePUB)
9783034345927
ISBN (Relié)
9783034339070
DOI
10.3726/b20095
Open Access
CC-BY
Langue
français
Date de parution
2023 (Mars)
Mots clés
Période romaine Calabre Capo Colonna Territoires Romanisation Magna Grecia
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2023. 282 p., 67 ill. en couleurs, 34 ill. n/b, 2 tabl.

Notes biographiques

Marc Duret (Auteur)

Marc Duret est docteur en archéologie de l’Université de Genève. Il a mené des recherches en Grèce et en Italie et s’est spécialisé dans l’étude de l’histoire et de l’archéologie des cités grecques durant la période romaine.

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