L’agir littéraire dans la perspective actionnelle en classe d’allemand langue étrangère dans les gymnases vaudois
German Language and Literature
Résumé
Ce livre construit l’agir littéraire dans la perspective actionnelle par une médiation des travaux francophones et germanophones menant à une démarche méthodologique, l’apprentissage littéraire.
Dans une démarche collaborative, un dispositif d’accompagnement est négocié avec quatre enseignants-étudiants pour pouvoir expérimenter leurs pratiques enseignantes actionnelles. Les données sont analysées dans une visée compréhensive basée sur l’étude de contenu thématique.
Les résultats montrent des pratiques impliquant les apprenants se dirigeant vers un agir littéraire pluriméthodologique. Les tâches proposées s’inscrivent dans un continuum d’une perspective non intégrative vers une perspective intégrative des activités langagières.
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Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos de l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Vorwort
- Résumé
- Zusammenfassung
- Abstract
- Remerciements
- Liste des principales abréviations
- Sommaire
- Tables des matières
- I. La problématique
- 1 Introduction
- 2 Structure du travail
- 3 But et objectifs de la recherche
- 4 Question de recherche
- 5 Hypothèses
- 6 Contextualisation
- II. Le cadre théorique : De l’agir littéraire dans la perspective traditionnelle à l’agir littéraire dans la perspective actionnelle en langue-culture étrangère
- 7 Ancrage épistémologique : vers un champ scientifique des didactiques disciplinaires en Suisse
- 8 Construction de la notion d’agir littéraire
- 9 L’agir littéraire dans la méthodologie grammaire-traduction
- 10 L’agir littéraire dans la méthodologie active
- 11 L’agir littéraire dans l’approche communicative
- 12 Synthèse de la méthodologie grammaire-traduction à l’approche communicative, une perspective traditionnelle
- 13 L’agir littéraire dans la perspective actionnelle
- 14 Synthèse de l’agir littéraire dans la perspective traditionnelle vs perspective actionnelle
- III. La présentation du dispositif d’accompagnement collaboratif
- 15 Démarche collaborative
- 16 Dispositif d’accompagnement
- 17 Synthèse du dispositif d’accompagnement collaboratif
- IV. La méthodologie
- 18 Démarche d’analyse des données
- 19 Collecte des données
- 20 Codage des données
- 21 Synthèse de la démarche d’analyse qualitative/interprétative
- V. Les pratiques enseignantes
- 22 Présentation des résultats
- 23 Interprétation des résultats
- 24 Discussion des résultats
- VI. La conclusion
- 25 Synthèse de la signification de l’agir littéraire dans la perspective actionnelle
- 26 Apports et limites de la recherche
- 27 Perspectives et desiderata
- Bibliographie
- Table des figures
- Liste des tableaux
- Appendix
- A. Synthèse des événements du dispositif d’accompagnement
- B. Tableau de planification des leçons filmées
- C. Questionnaires
- D. Leçons filmées
- E. Grille de questions : tâche de visionnement
- F. Guide d’entretien
- G. Transcription des entretiens
- H. Journal de bord
- I. Fiches pédagogiques
Table des matières
Liste des principales abréviations
3 But et objectifs de la recherche
6.1 Formation des enseignants vaudois pour le secondaire 2
6.1.1 Débuts d’une formation spécifique pour le secondaire, le SPES
6.1.2 Tertiarisation de la formation des enseignants
6.1.3 Formation spécifique des enseignants du secondaire 2
6.1.4 Synthèse de la formation des enseignants pour le secondaire 2 dans le canton de Vaud
←23 | 24→6.2.1 Cadre légal des gymnases vaudois
6.2.2 Structure des gymnases vaudois
6.2.4 Enseignement-apprentissage actuel de l’objet littéraire dans le canton de Vaud
6.2.5 Synthèse des gymnases vaudois
7 Ancrage épistémologique : vers un champ scientifique des didactiques disciplinaires en Suisse
7.1 Particularité de l’éducation suisse
7.2 Prémisses d’une didactique disciplinaire au niveau national
7.3 Prémisses de la didactique disciplinaire au niveau romand
7.4 Unité d’enseignement et de recherche de la HEP Vaud
7.5 Synthèse de l’ancrage épistémologique
8 Construction de la notion d’agir littéraire
8.1 Fondement théorique de l’agir littéraire
8.3 Quatorze composantes de l’agir littéraire
8.3.1 Compétence langagière de référence
8.3.2 Compétence culturelle de référence
8.3.3 Action sociale de référence
8.3.4 Logique de traitement du corpus littéraire
8.3.7 Intentions de lecture du corpus littéraire
8.3.8 Orientation principale des tâches
8.3.11 Tâche scolaire représentative
8.4 Relations langue-culture-littérature dans l’enseignement de la didactique des langues étrangères
←24 | 25→8.5 Synthèse de la construction de la notion de l’agir littéraire
9 L’agir littéraire dans la méthodologie grammaire-traduction
9.1 Situation sociale de référence
9.2 Agir d’apprentissage dans la méthodologie grammaire-traduction
9.3 Tableau synthétique de l’agir littéraire dans la méthodologie grammaire-traduction
10 L’agir littéraire dans la méthodologie active
10.1 Situation sociale de référence
10.2 Agir d’apprentissage dans la méthodologie active
10.3 Tableau synthétique de l’agir littéraire dans la méthodologie active
11 L’agir littéraire dans l’approche communicative
11.1 Situation sociale de référence
11.2 Agir d’apprentissage dans l’approche communicative
11.3 Tableau synthétique de l’agir littéraire dans l’approche communicative
12.1 Tableau synthétique de l’agir littéraire dans la perspective traditionnelle
13 L’agir littéraire dans la perspective actionnelle
13.5 Approche communicative vs perspective actionnelle
13.6 Positionnement épistémologique de l’agir littéraire dans la perspective actionnelle
13.7 Gymnases vaudois et perspective actionnelle
13.8 Explication de texte actionnelle
←25 | 26→13.9.1 Logique de traitement du corpus littéraire
13.9.4 Intentions de lecture du corpus littéraire
13.9.5 Orientation principale des tâches
13.9.7 Formes sociales de travail
13.9.9 Tâche scolaire représentative
13.10 L’apprentissage littéraire
13.11 Tableau synthétique de l’agir littéraire dans la perspective actionnelle
14 Synthèse de l’agir littéraire dans la perspective traditionnelle vs perspective actionnelle
III. La présentation du dispositif d’accompagnement collaboratif
16 Dispositif d’accompagnement
16.2 8 composantes didactiques-méthodologiques
16.2.1 Choix du texte littéraire
16.2.2 Compétences littéraires
16.2.6 Formes sociales de travail
←26 | 27→16.3 Participantes au dispositif d’accompagnement
16.3.1 Tableau synthétique des profils des participantes à la recherche collaborative
16.4.2 Chercheur-formateur-enseignant (C-F-E)
17 Synthèse du dispositif d’accompagnement collaboratif
18 Démarche d’analyse des données
19.3 Repérage des indices et l’élaboration d’indicateurs
20.1 Découpage des données brutes
20.2 Classification en catégories
20.2.1 Grille d’analyse des leçons
20.2.2 Grilles d’analyse des entretiens
21 Synthèse de la démarche d’analyse qualitative/interprétative
←27 | 28→22.1 Résultats de la signification expérimentée
22.2 Résultats de la signification réflexive
22.2.2 La portée de la réflexion
22.2.3 Le contenu thématique de réflexion
23 Interprétation des résultats
23.1.2 Signification expérimentée
23.1.3 Synthèse de la signification expérimentée de Gesa
23.2 Premier entretien de Gesa
23.2.1 Signification par types réflexifs
23.2.2 Signification par niveaux réflexifs
23.2.3 Signification par contenus réflexifs
23.2.4 Synthèse de la signification réflexive de Gesa
23.3.2 Signification expérimentée
23.3.3 Synthèse de la signification expérimentée de Nina
23.4 Premier entretien de Nina
23.4.1 Signification par types réflexifs
23.4.2 Signification par niveaux réflexifs
23.4.3 Signification par contenus réflexifs
23.4.4 Synthèse de la signification réflexive de Nina
23.5.2 Signification expérimentée
23.5.3 Synthèse de la signification expérimentée de Paola
23.6 Premier entretien de Paola
23.6.1 Signification par types réflexifs
23.6.2 Signification par niveaux réflexifs
23.6.3 Signification par contenus réflexifs
23.6.4 Synthèse de la signification réflexive de Paola
←28 | 29→23.7.2 Signification expérimentée
23.7.3 Synthèse de la signification expérimentée de Sonia
23.8 Premier entretien de Sonia
23.8.1 Signification par types réflexifs
23.8.2 Signification par niveaux réflexifs
23.8.3 Signification par contenus réflexifs
23.8.4 Synthèse de la signification réflexive de Sonia
24.1 Signification expérimentée
24.1.1 Implication des apprenants par une démarche didactique complexe
24.1.2 La lecture suivie comme choix du corpus littéraire
24.1.4 La diversité de traitement de l’agir littéraire
24.1.5 Vers un décloisonnement des activités langagières
24.2.1 L’implication coopérative des apprenants soutenue par l’enseignant
24.2.2 De l’éviction du paradigme traditionnel vers son intégration dans l’agir littéraire actionnel
24.2.3 La phase tâche comme épicentre de l’agir littéraire
24.2.4 L’impact des gestes didactico-pédagogiques
25 Synthèse de la signification de l’agir littéraire dans la perspective actionnelle
25.1 L’implication des apprenants par la coopération guidée par les participantes
25.2 En direction d’un agir littéraire pluriméthodologique
←29 | 30→25.3 Vers une perspective intégrative des activités langagières
26 Apports et limites de la recherche
26.1 Apports et limites théoriques
26.2 Apports et limites méthodologiques
A. Synthèse des événements du dispositif d’accompagnement
B. Tableau de planification des leçons filmées
C.1.2. Synthèse des réponses des participantes
D.1.1. Synopsis codifié première leçon
D.1.2. Transcription première leçon
D.1.3. Synopsis codifié deuxième leçon
D.1.4. Transcription deuxième leçon
←30 | 31→D.1.5. Synopsis codifié troisième leçon
D.1.6. Transcription troisième leçon
D.2.1. Synopsis codifié première leçon
D.2.2. Transcription première leçon
D.2.3. Synopsis codifié deuxième leçon
D.2.4. Transcription deuxième leçon
D.2.5. Synopsis codifié troisième leçon
D.2.6. Transcription troisième leçon
D.3.1. Synopsis codifié première leçon
D.3.2. Transcription première leçon
D.3.3. Synopsis codifié deuxième leçon
D.3.4. Transcription deuxième leçon
D.3.5. Synopsis codifié troisième leçon
D.3.6. Transcription troisième leçon
D.4.1. Synopsis codifié première leçon
D.4.2. Transcription première leçon
D.4.3. Synopsis codifié deuxième leçon
D.4.4. Transcription deuxième leçon
D.4.5. Synopsis codifié troisième leçon
D.4.6. Transcription troisième leçon
E. Grille de questions : tâche de visionnement
G. Transcription des entretiens
←31 | 32→I.1. Gesa, leçon 1, activité 1, fiche de travail
I.2. Nina, leçon 1, activité 1, fiche de travail
I.3. Paola, leçon 1, activité 1, fiche de travail
I.4. Sonia, leçon 1, activités 1 et 3, fiche de travail
L’annexe est disponible en ligne sur notre site web à l’adresse suivante : https://www.peterlang.com/document/1305504
Elle peut être téléchargée dans la section «Résumé».
I. La problématique
Le cours de littérature reposera avant tout sur la lecture de textes caractéristiques de la pensée et de la poésie germanique. On mènera de pair l’explication de texte et la lecture cursive d’œuvres de plus grande étendue. En sortant du Gymnase, l’élève devra connaître quelques-unes des œuvres les plus importantes et les plus significatives de la littérature allemande.
Archives cantonales vaudoises (1957b), p. 4
Dans cette partie, nous problématisons notre objet de recherche1. Pour ce faire, nous commençons par introduire notre travail de recherche et relever un constat général de l’enseignement de la littérature dans les gymnases vaudois (cf. chap. 1, p. 35). Après avoir présenté la structure de notre travail (cf. chap. 2, p. 43), nous déterminons la finalité de notre recherche (cf. chap. 3, p. 45) qui guide notre travail et nous poursuivons cette partie en définissant notre question de recherche (cf. chap. 4, p. 47) et nos hypothèses (cf. chap. 5, p. 49). Nous précisons ensuite le contexte dans lequel s’intègre notre recherche (cf. chap. 6, p. 51).
1 Introduction
Le texte littéraire jouit d’une place privilégiée dans l’enseignement gymnasial suisse (Hodel, 2008) notamment de l’allemand dans les gymnases vaudois (Elmiger, 2016), ce qui correspond à l’un des souhaits édictés par la stratégie des langues pour le secondaire 2 (Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique, 2013). D’ailleurs, si nous nous référons au plan d’études de l’École de maturité du canton de Vaud (Direction générale de l’enseignement post-obligatoire, 2018c), nous constatons que dans la partie Langues vivantes Allemand–Anglais–Espagnol–Italien (p. 22) les objectifs fondamentaux sont divisés en deux parties, à savoir des objectifs linguistiques et communicatifs et des objectifs culturels et littéraires et que chaque partie est représentée de façon équilibrée puisque chaque catégorie d’objectifs contient sept éléments. De plus, notre expérience d’enseignant d’allemand, de formateur sur le terrain et d’expert dans les gymnases vaudois nous a montré que la littérature était effectivement une partie importante de l’enseignement de l’allemand. Cela est aussi corroboré par le poids important de la littérature dans les épreuves écrites et orales de l’examen de maturité (Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique, 2007b). À notre connaissance, l’examen de tous les gymnases comporte au moins une partie écrite et/ou orale sur la littérature et la plupart examinent la littérature en production orale et en production écrite (Elmiger, 2016). En outre, nos recherches dans les archives cantonales vaudoises ont montré l’importance du cours de littérature, dans les programmes des gymnases vaudois de la fin du 19ème jusqu’au 20ème siècle. Si le texte littéraire fait donc partie de l’enseignement gymnasial, se pose immanquablement la question du comment l’enseigner ? Comme le rappelle Falardeau (2002), « [l]a plupart des élèves éprouvent très peu d’appétence pour la littérature. Écrasés par un univers textuel auquel ils ne parviennent à rattacher rien de connu, aucun signe familier, ils rejetteront tout simplement le livre imposé » (p. 6). De plus, notre expérience et nos échanges avec nos collègues concernant le manque d’engagement et d’implication des apprenants qui ne lisent pas ou de moins en moins les textes littéraires proposés dans le cadre scolaire, nous ont poussé au questionnement suivant : comment faire pour que les élèves lisent ? ou comment les impliquer dans l’enseignement-apprentissage de l’objet littéraire ? Dans la ←35 | 36→même thématique et à plus grande échelle, le canton de Vaud a mis en place dans nonante-trois établissements de l’école obligatoire une action intitulée : Le bruit des pages (Direction générale de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée, 2019). Il s’agissait de « (re)donner goût de la lecture aux jeunes » (État de Vaud, 2019a, p. 1).
Notre questionnement sur les méthodes d’enseignement du texte littéraire ne nous est pas propre mais partagé. Prenons l’exemple du témoignage d’un enseignant d’allemand au sein d’un gymnase vaudois qui a suivi sa formation à la HEP Vaud quatre ans auparavant2. À la question de son curriculum en tant qu’élève, il raconte un moment négatif vécu avec un enseignant dont les cours ne l’intéressaient pas et bascule sur la manière d’enseigner la littérature au gymnase :
Et puis, il y a toute la question de l’enseignement de la littérature qui est importante au gymnase, et comment on doit le faire. Ça ne me semble pas forcément très clair, parce que je suis au début. Mais aussi parce que la manière dont j’ai eu ça au gymnase ne m’a pas entièrement convaincu. Même si ce n’était pas du tout catastrophique. Et puis c’est quelque chose qu’on ne nous a pas appris à la HEP. Ce n’est parfois pas très clair jusqu’où on doit pousser les élèves. Mais pour moi, c’est de plus en plus clair qu’il faut y aller assez fortement, parce qu’on n’est pas une école de langue, mais une école où le contenu a une certaine importance. À la matu, la langue va compter pour une moitié et l’autre moitié, ce sera ce qu’ils diront. Il faut donc développer ces capacités, qui sont également développées dans d’autres branches, qui me semblent fondamentales dans l’enseignement gymnasial et dans l’obtention d’une maturité. Il faut leur donner les moyens de savoir utiliser leur esprit pour réfléchir. Ça me semble être un des premiers objectifs. Un objectif qui me paraît tout aussi important que le développement de leurs capacités linguistiques. (Kreil Magnin, 2018, p. 40)
Ce témoignage est intéressant à plusieurs égards. D’une part, il permet de thématiser les doutes de cet enseignant (ça ne me semble pas très clair) concernant l’enseignement de la littérature en mentionnant son manque d’expérience en tant qu’enseignant (parce que je suis au début). Notre expérience du terrain nous permet d’appuyer les propos de cet enseignant ainsi que de les généraliser aux étudiants, futurs enseignants, de secondaire 2 de la HEP Vaud, du moins ceux d’allemand. Deuxièmement, il met ses doutes en relation à son vécu face aux méthodes d’enseignement (la manière dont j’ai eu ça) lorsqu’il était gymnasien et qui ne l’ont pas convaincu ; il questionne en quelque sorte son système ←36 | 37→de représentation du métier d’enseignant. Ensuite, il relève un point qui nous semble important pour notre objet de recherche, celui de l’absence d’outils didactiques-méthodologiques concernant la façon d’enseigner la littérature (c’est quelque chose qu’on ne nous a pas appris à la HEP). Ce point peut être renforcé par le commentaire d’un directeur d’un gymnase vaudois lors d’une enquête de satisfaction réalisée auprès des principaux employeurs des récents diplômés de la HEP Vaud (Hascoët et Ghirinshuti, 2019) arguant que « l’enseignement est encore très traditionnel et frontal et
que les enseignant-e-s ne sont pas assez outillé-e-s pour proposer un enseignement plus adapté et personnalisé » (p. 15). S’il est vrai que les deux modules de didactique d’allemand et plus généralement pour toutes les autres langues étrangères (anglais, espagnol et italien) dispensés par l’équipe de l’unité d’enseignement et recherche langue et culture de la HEP Vaud ne proposent pas une attention particulière à l’objet littéraire, cet objet d’enseignement fait partie des thématiques traitées plus spécifiquement lors du deuxième semestre dans une perspective actionnelle. Néanmoins cet enseignant thématise une lacune essentielle de sa formation qui est un manque d’articulation entre la formation théorique et pratique3. Notons que cette critique concernant l’objet littéraire faite aux instituts de formation des enseignants n’est pas nouvelle ni réservée à la HEP Vaud pour l’enseignement de l’allemand langue étrangère. Dufays (2006) relève que dans une enquête menée auprès d’enseignants de français en France en 20044 que ces derniers trouvaient que la littérature française « rest[ait] globalement trop peu abordée » (p. 83) dans leur formation. Richard (2004) ajoute même « un manque de connaissances théoriques chez les enseignants » de français langue première (p. 5), ce qui rejoint le témoignage de l’enseignant d’allemand dont nous venons de décrire un extrait.
Ajoutons à cela notre propre expérience de dix ans dans un gymnase vaudois. L’enseignement de l’objet littéraire communément appelé la littérature semblait ne pas avoir évolué depuis au moins notre propre ←37 | 38→parcours gymnasial en tant qu’élève dans les années 1990 ; l’examen oral étant identique à celui que nous avions vécu : analyse d’un passage d’une œuvre lue durant le parcours gymnasial. Concernant les méthodes d’enseignement, rien ou presque n’était imposé. Les échanges avec les collègues appuyaient notre sentiment que la façon de travailler les textes littéraires n’avait pas changé : le choix de textes se voulait représentatif de la littérature germanique classique. D’ailleurs trois textes que nous avions lus lorsque nous étions élève dans un gymnase vaudois (Der Besuch der alten Dame de F. Dürrenmatt, Jugend ohne Gott de O. von Horváth et Homo Faber de M. Frisch) nous ont été conseillés lorsque nous étions enseignant. Quant à la lecture, il s’agissait principalement d’une lecture analytique sous forme de questionnaire du livre divisé en plusieurs tranches à lire chaque semaine.
Quant à l’impact de cette façon de faire sur les élèves, nous avions l’impression qu’au fur et à mesure des années, ils lisaient de moins en moins ou alors la version traduite en français. Durant les évaluations, nous relevions souvent exactement ce que nous avions dit en classe. Une forme de lassitude est peu à peu apparue. Nous avions l’impression que les élèves n’apprenaient pas mais recrachaient nos propos lors des discussions ou des évaluations. Comme l’étudiant cité ci-dessus, nous nous sentions en outre démuni. Nous n’avions pas les ressources à disposition pour remédier à cet échec. Cette impression coïncide avec les propos de Feld-Knapp (1996), repris par Ünal (2010), relatant l’enseignement de la littérature dans une perspective centrée sur le texte et l’enseignant :
Im Rahmen der Unterrichtspraxis ergab sich daraus, dass der literarische Text bei der Textarbeit im Mittelpunkt stand. In einem Lehrerzentrierten Unterricht sollten die auf die Textinterpretation beziehenden Fragen beatnwortet werden, wobei die richtige Bedeutung im Text enthalten war. Der Schüler als Leser selbst war passiv und verstand den Text als etwas Statisches, Abgeschlossenes richtig oder falsch. (p. 5–6)
Cette forme de passivité que relève Feld-Knapp est également partagée par Defays et al. (2014) pour le français langue étrangère (FLE) :
La matière littérature impressionne très souvent les apprenants de FLE convaincus qu’elle suppose, pour être pleinement appréciée, une maîtrise de la langue, des connaissances culturelles, des efforts intellectuels supérieurs à ceux réclamés par un document informatif classique. Cette mise à distance d’un contenu littéraire (qui peut autant s’expliquer par la révérence que par la non-familiarité ou l’indifférence) peut les amener également à adopter une position de passivité, qui entre en totale contradiction avec des objectifs communicatifs, ou qui rendrait artificiel le résultat. (p. 29)
←38 | 39→C’est à la suite de ce constat répété de passivité des apprenants après quelques années d’enseignement que nous avons décidé de faire une recherche doctorale dans l’accompagnement des pratiques des enseignants concernant l’objet littéraire ; ceci afin de trouver d’autres pistes didactiques et méthodologiques. Notre posture d’assistant diplômé à la HEP Vaud nous ayant donné accès à la formation des futurs enseignants, nous avons profité de partager notre propre formation avec les étudiants d’allemand du gymnase. Au moyen de la mise en place d’un dispositif d’accompagnement, nous souhaitons que les étudiants expérimentent l’enseignement de l’objet littéraire dans une perspective actionnelle (PA). En effet, par cette perspective prônée par la politique éducative suisse et européenne que nous voulons nous-mêmes expérimenter, nous pensons apporter une solution pour donner des pistes didactiques concrètes aux futurs enseignants d’allemand du gymnase. Du point de vue de notre recherche, nous désirons comprendre ce que signifie cet enseigne ment de l’objet littéraire dans la PA pour construire un savoir sur la pratique et ainsi articuler la théorie et la pratique.
En effet, comme le rappelle Richard (2004), « [l]’enseignement de la littérature et de la lecture de textes littéraires est surtout lié à une pratique » (p. 5). S’intéressant à la littérature en tant qu’objet d’enseignement, nous poursuivons le but de théoriser certaines pratiques effectives de l’enseignement-apprentissage gymnasial concernant l’objet littéraire en classe d’allemand, langue étrangère.
Il nous semble d’autant plus important d’offrir la possibilité d’articuler l’accompagnement théorique et pratique des enseignants-étudiants (EE)5 en formation initiale car selon un rapport sur la profession de maitre et maitresse d’enseignement du post-obligatoire6 où près de la moitié des ←39 | 40→enseignants ont répondu à ce questionnaire (Fassa, 2012, p. 3), les enseignants de gymnase privilégient l’auto-formation au moyen de lectures dans le domaine de l’enseignement (p. 7), ce qui montre « l’attachement des profs de gymnase à leur autonomie » (p. 8). D’ailleurs cette autonomie est une caractéristique essentielle des enseignants de gymnases vaudois aussi bien dans leurs méthodes d’enseignement que pour l’élaboration des examens qui est de la responsabilité de chaque directeur de gymnase. Dans un rapport au sujet de la formation gymnasiale (Eberle et Brüggenbrock, 2013), les auteurs relèvent qu’il s’agit d’une « particularité du système suisse : contrairement à presque tous les autres pays, la Suisse n’organise pas de manière centralisée ses examens de maturité et ne les a pas standardisés » (p. 5). De plus le système helvétique se caractérise par une formation des enseignants basée sur la pédagogie de l’alternance (Vanhulle et al., 2007). La formation initiale représente donc l’occasion idéale d’instaurer l’articulation théorie-pratique pour prendre en considération d’une part non seulement les savoirs théoriques mais aussi les savoirs pratiques issus de l’expérience des enseignants faisant partie des « savoirs enseignants » (Causa, 2014, p. 143–146). D’autre part, se pencher sur l’alternance permet d’éviter que les « propositions théoriques [qui] se sont multipliées ces dernières années (…) [soit sans] incidences dans le matériel pédagogique » (Cuq et Gruca, 2017, p. 371).
Nous rejoignons ainsi l’idée que l’articulation théorique-pratique sur la base d’un modèle collaboratif permet une circulation des savoirs théoriques et pratiques rapprochant le monde des académiciens et des praticiens (Desgagné, 1997, 2001, 2007 ; Desgagné et al., 2001). C’est pourquoi l’accompagnement des pratiques enseignantes au sein d’un dispositif négocié par tous les acteurs nous semble profitable autant pour la recherche que pour la pratique. De cette façon, nous pensons réduire le décalage entre le monde académique et le monde professionnel en dépassant la conception classique que la science prescrit la théorie et le terrain applique dogmatiquement ces règles édictées. Il ne s’agit en effet non pas de transformer les pratiques par une application des courants théoriques mais plutôt par une expérimentation pratique et réflexive accompagnée, car trop souvent les innovations théoriques ont peu d’impact sur le terrain ou mettent beaucoup de temps à s’implanter (Schneuwly et al., 2009). En outre, une étude présentant un état des lieux de la situation dans les gymnases suisses montre également une distanciation voulue par les praticiens :
[O]n observe dans le corps enseignant l’émergence d’un mouvement opposé à tout nouveau changement édicté par les autorités centrales, dont les tenants contestent la nécessité de réformes supplémentaires et font confiance ←40 | 41→à l’expertise des enseignantes et enseignants, basée sur leur professionnalité, et à leur capacité de renouvellement. (Eberle et Brüggenbrock, 2013, p. 7)
C’est dans ce champ de tension que nous souhaitons contribuer à réunir la recherche et le terrain. Qui plus est, la part conséquente de l’enseignement-apprentissage attribuée à l’objet littéraire dans les gymnases vaudois nous incite encore plus à trouver une entente pour que finalement les apprenants en soit bénéficiaire.
2 Structure du travail
Notre recherche est organisée en six parties.
Dans la première partie (cf. partie I, p. 33), nous présentons d’abord notre but et nos objectifs de recherche (cf. chap. 3, p. 45), notre question de recherche (cf. chap. 4, p. 47) et nos hypothèses (cf. chap. 5, p. 49). Nous terminons cette partie par une contextualisation de notre recherche (cf. chap. 6, p. 51) en précisant la situation de formation des enseignants dans le canton de Vaud (cf. sect. 6.1, p. 51) et de celle des gymnases vaudois (cf. 6.2, p. 58).
Dans la deuxième partie (cf. partie II, p. 101), nous présentons le cadre théorique. Premièrement, nous expliquons l’état des recherches en didactiques disciplinaires dans notre contexte de recherche (cf. chap. 7, p. 105) pour situer notre ancrage épistémologique. Nous explicitons dans un deuxième temps la construction de la notion central d’agir littéraire (cf. chap. 8, p. 113). Cela nous permet de préciser, en trois moments et sur la base de quatorze composantes (cf. sect. 8.3, p. 127), l’agir littéraire dans les différentes constructions méthodologiques antérieures à la PA : dans la méthodologie grammaire-traduction (MGT) (cf. chap. 9, p. 157), puis dans la méthodologie active (MA) (cf. chap. 10, p. 173), et enfin dans l’approche communicative (AC) (cf. chap. 11, p. 189). Nous synthétisons à la suite de cela ces trois approches méthodologiques par l’agir littéraire dans la perspective traditionnelle (PT) (cf. chap. 12, p. 205). Nous développons plus en détails l’agir littéraire dans la PA (cf. chap. 13, p. 211) qui représente le point de départ de la notion de l’agir littéraire et le point de comparaison entre les agirs littéraires des différentes constructions méthodologiques. Nous terminons cette partie par une synthèse comparant l’agir littéraire dans la PT et dans la PA (cf. chap. 14, p. 285).
Dans la troisième partie (cf. partie III, p. 291), nous exposons le dispositif d’accompagnement collaboratif. Nous commençons par la démarche collaborative dans lequel s’inscrit notre dispositif (cf. chap. 15, p. 293). Nous poursuivons avec la présentation de notre dispositif d’accompagnement (cf. sect. 16, p. 305) avant de faire une synthèse de cette partie (cf. chap. 17, p. 341).
Dans la quatrième partie (cf. partie IV, p. 343), nous présentons la méthodologie. Nous commençons par la méthode d’analyse des données (cf. chap. 18, p. 345) puis de la collecte des données (cf. chap. 19, p. 359) ←43 | 44→et enfin du codage des données (cf. chap. 20, p. 377). Nous terminons par une synthèse de notre méthodologique (cf. chap. 21, p. 389).
Dans la cinquième partie (cf. partie V, p. 391), nous présentons la partie empirique concernant les pratiques enseignantes. Premièrement, nous exposons les résultats de notre recherche (cf. chap. 22, p. 393). La section 22.1 (p. 393) porte sur les résultats concernant le premier bloc de la question de recherche (signification expérimentée). La section suivante (22.2, p. 404) concerne les résultats en lien avec le deuxième bloc de la question de recherche (signification réflexive). Deuxièmement, le chapitre 23 (p. 419) est consacré à l’interprétation des résultats de chaque participante en tenant compte de l’analyse de leur première leçon suivie de l’entretien. Troisièmement, le chapitre 24 (p. 545) est dédié à la discussion sur la base de la présentation et de l’interprétation des résultats. La section 24.1 (p. 545) répond au premier bloc de la question de recherche (signification expérimentée). La section 24.2 (p. 568) porte sur le deuxième bloc de la question de recherche (signification expérimentée).
Dans la sixième partie (cf. partie VI, p. 581), nous concluons notre recherche. Nous commençons par synthétiser nos réponses à nos questions de recherche en répondant à nos trois hypothèses de départ (cf. chap. 25, p. 583). Nous poursuivons en dégageant les apports et les limites de notre recherche (cf. chap. 26, p. 593). Nous terminons par les perspectives et desiderata (cf. chap. 27, p. 601).
3 But et objectifs de la recherche
Cette recherche a pour but de réduire le décalage entre le monde académique et le monde de l’enseignement. Pour ce faire, nous souhaitons articuler les dimensions théorique et pratique de l’objet littéraire par la co-construction d’un savoir sur la pratique. C’est en effet à partir de l’examen des pratiques effectives et des analyses réflexives y relatives des EE à la HEP Vaud que nous souhaitons y parvenir au moyen d’un dispositif d’accompagnement.
L’objectif général de notre recherche réside par conséquent dans la production de savoirs « sur et pour la formation » (Gagnon et Balslev, 2012, p. 150) des enseignants au travers d’une recherche collaborative (RC) à double dimension : formative et recherche. Nous poursuivons donc des objectifs doubles.
D’un côté, des objectifs de formation concernant le développement professionnel des futurs enseignants sur la base de leur propres pratiques effectives et analyses réflexives de l’objet littéraire en classe d’allemand langue étrangère. La dimension formative permettra de les accompagner dans leurs pratiques effectives en favorisant un va-et-vient entre leurs pratiques et le point de vue théorique adopté par le module de didactique des langues et cultures étrangères de la HEP Vaud, en particulier concernant la PA, fil rouge du deuxième semestre.
De l’autre côté, nous poursuivons des objectifs de recherche relatifs à la production de savoirs scientifiques au sujet des pratiques enseignantes. Pour atteindre ces objectifs, l’examen des pratiques des EE et de leurs analyses réflexives se basent premièrement sur leurs pratiques effectives basées sur des leçons effectivement enseignées dans le contexte des gymnases du canton de Vaud7. Deuxièmement, les pratiques effectives sont appréhendées durant le deuxième semestre de la formation, moment où la PA est thématisée lors du module, soit lors du grand cours et du séminaire de didactique des EE.
←45 | 46→Dans une démarche collaborative à visées formative et de recherche, nous nous efforçons d’analyser l’activité enseignante (Durand, 2006) au travers de l’expérimentation et de la conscientisation pour avoir accès aux processus de construction (Altet, 2001 ; Schneuwly, 2014). Dans un premier temps, nous prenons en considération les pratiques effectives des praticiens (Bourassa et al., 1999) pour saisir la manière dont ils manifestent l’objet littéraire dans la PA. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons à appréhender le sens que ces praticiens donnent à leurs pratiques (Proulx, 2013) au travers de leur réflexion. La mise en relation de l’expérimentation et de la conscientisation (Desgagné, 2007) nous permettra de co-construire un savoir sur la pratique en collaboration avec les praticiens.
Les objectifs peuvent être formulés de la manière suivante :
- – Objectifs de formation
1.Accompagner les EE dans leur pratique enseignante au moyen d’un dispositif d’accompagnement
- – Mettre en œuvre l’objet littéraire dans la PA
- – Analyser ses propres pratiques enseignantes
- – Favoriser le lien théorique-pratique en donnant du sens à sa pratique
2.Documenter la réflexion sur l’amélioration de la formation des enseignants
- – Objectifs de recherche
1.Analyser le contenu significatif des pratiques enseignantes
Résumé des informations
- Pages
- 640
- Année de publication
- 2023
- ISBN (PDF)
- 9783034345316
- ISBN (ePUB)
- 9783034345323
- ISBN (Broché)
- 9783034345262
- DOI
- 10.3726/b20790
- Open Access
- CC-BY
- Langue
- français
- Date de parution
- 2023 (Mars)
- Mots clés
- Agir littéraire Apprentissage littéraire Didactique de la littérature Perspective actionnelle Perspective traditionnelle littérature Pratiques enseignantes Dispositif d‘accompagnement Démarche collaborative
- Published
- Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2023. 640 p., 15 ill. n/b, 47 tabl.