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Les relations monétaires franco-allemandes et l’UEM (1969-1992): des ambitions aux réalités

de Alain Coën (Auteur)
©2023 Thèses 414 Pages

Résumé

Du sommet de La Haye (décembre 1969) à la signature du Traité de Maastricht (février 1992), la dynamique des relations monétaires franco-allemandes a joué un rôle primordial dans la longue genèse de l’Union économique et monétaire (UEM). En s’appuyant sur le croisement des sources historiques françaises, allemandes et européennes, l’étude se propose d’en analyser les ressorts et les points d’inflexion.
Dans un contexte économique en mutation, les relations monétaires franco-allemandes affichent deux objectifs majeurs : la stabilité économique et monétaire et la promotion d’une entité européenne forte. Le pouvoir politique français a comme véritable interlocuteur le pouvoir économique allemand, représenté par la Bundesbank. Le « couple » franco-allemand est un mythe politique français que brise la libéralisation économique mondiale.
Engrenage économique, où la politique cède le pas à l’économie, l’UEM parvient à la stabilité monétaire, mais en refusant l’Union politique européenne, proposée par l’Allemagne, la France laisse s’éloigner le rêve d’une Europe puissance et établit les bases une Europe allemande.

Table des matières

  • Copertina
  • Titre
  • Copyright
  • Sull’autore
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • 1. De la nécessité de relancer l’Union économique et monétaire
  • 1.1. Des partenariats industriels limités à une collaboration monétaire et financière
  • 1.2. De la primauté d’une décision politique concertée et des orientations stratégiques dans le secteur financier
  • 2. Des ambitions aux réalités
  • 3. De la recherche d’une stabilité économique perdue à l’émergence d’une France forte dans une Europe maîtresse de son destin : deux ambitions majeures
  • 4. De la quête de stabilité monétaire à la recherche d’une entité européenne forte
  • 5. Méthodologie, sources et archives
  • 6. Organisation
  • Partie I De la relance de l’Union économique et monétaire à la création du Système monétaire européen (1969–1979) : le temps des turbulences monétaires
  • Chapitre 1 De la nécessité de relancer l’Union économique et monétaire
  • 1.1 Une initiative politique française : « achèvement, approfondissement, élargissement »
  • 1.2 Les fondements du Plan Werner : les ambitions, les espoirs et la réalité politique
  • 1.3 De l’échec du plan Werner à la nécessaire stabilité intracommunautaire
  • 1.4 La crise du Système monétaire international : le retour du réel
  • Conclusion
  • Chapitre 2 De l’accord du Smithsonian Institute à la fin des « querelles théologiques »
  • 2.1 La recherche d’une harmonisation des politiques économiques : « Poursuivre dans la voie de l’UEM pour sortir de la crise »
  • 2.2 Le ralliement aux thèses allemandes et le temps des incertitudes : « les vicissitudes du Serpent monétaire européen »
  • 2.3 La relance de l’Union économique et monétaire : harmoniser pour mieux résister
  • 2.4 La divergence des politiques économiques : « L’UEM ou l’illustration du mythe de Sisyphe »
  • Conclusion
  • Chapitre 3 De l’abandon des politiques keynésiennes de relance à l’avènement de l’ECU
  • 3.1 De la relance à la rigueur : la confiance restaurée
  • 3.2 Des options conflictuelles pour le processus de relance : une transition
  • 3.3 La relance de l’UEM : « 1978 Année décisive » : de Copenhague (avril 1978) à Bruxelles (décembre 1978)
  • 3.4 Les sommets de Brême et d’Aix-la-Chapelle; le Conseil européen de Bruxelles
  • 3.5 De la création de l’ECU et du SME : « l’émergence d’un Bretton Woods européen »
  • Conclusion
  • Partie II Du SME au Marché unique (1979–1986) : de l’instabilité des politiques économiques à la nécessaire convergence
  • Chapitre 4 Le SME mis à l’épreuve (avril 1979–mai 1981)
  • 4.1 Le second choc pétrolier
  • 4.2 Les vicissitudes des taux de change : la hausse du dollar et la baisse du mark
  • 4.3 De l’utilité du SME
  • 4.4 Du report du FME
  • Conclusion
  • Chapitre 5 La possibilité d’une autre politique ou les illusions perdues
  • 5.1 La tentative de mise en place de la « politique de rupture » : « changer la vie »
  • 5.2 Les illusions perdues : octobre 1981–juin 1982 (premier plan de rigueur)
  • 5.3 Le second plan de rigueur : l’autre politique et la réalité économique
  • 5.4 La fin des illusions : la fin de la politique de rupture ou la trahison du programme commun (janvier 1983–mars 1983)
  • Conclusion
  • Chapitre 6 De la politique de rigueur à la conversion libérale (mars-avril 1983–janvier 1986)
  • 6.1 Le tournant libéral ou l’appel de l’Europe (mars 1983–janvier 1984)
  • 6.2 Vers Fontainebleau (janvier 1984–juillet 1984) : le déblocage
  • 6.3 Vers Milan (juillet 1984–juin 1985) : le rôle de la Commission dynamisé, le SME et l’ECU sources d’espoir pour l’Europe
  • 6.4 La relance de la construction européenne : la fuite en avant vers le grand Marché (l’Acte unique), juillet 1985–février 1986
  • Conclusion
  • Partie III Du Marché unique au Traité de Maastricht (1986–1992) : de la libéralisation des marchés financiers
  • Chapitre 7 L’approfondissement monétaire et l’avènement du libéralisme : de l’Acte Unique au sommet de Hanovre (février 1986–juin 1988)
  • 7.1 L’autorisation de l’usage de l’ECU privé et la continuité Balladur-Pompidou
  • 7.2 De la nécessité de réaménager le SME pour la mise en place de l’Acte unique
  • 7.3 Le Conseil économique et financier franco-allemand et la redynamisation du SME : l’Allemagne fait le choix politique de l’Europe
  • 7.4 Le Sommet de Hanovre : une décision politique allemande
  • Conclusion
  • Chapitre 8 L’Allemagne, le choix de l’Europe : la convergence des fondamentaux et la fin de la guerre froide (juin 1988–avril 1990)
  • 8.1 La constitution du rapport Delors (juillet 1988 – mai 1989) : période décisive
  • 8.2 La mise en place du rapport Delors : de Madrid à Strasbourg (juin 1989 – décembre 1989)
  • 8.3 Le compromis de Strasbourg : la chute du mur et l’UEM
  • 8.4 De l’Union politique, de l’UEM et de la réunification allemande : l’engagement de Dublin (avril 1990)
  • Conclusion
  • Chapitre 9 De la réunification de l’Allemagne au Traité de Maastricht (mai 1990–février 1992) : le double ancrage de l’Allemagne
  • 9.1 La phase 1 de l’UEM et la réunification (été, automne 1990) : le compromis
  • 9.2 Le Conseil européen de Rome (décembre 1990) : CIG relancée
  • 9.3 Le Conseil européen de Luxembourg : de l’UEM et de l’Union politique
  • 9.4 Le Conseil européen de Maastricht : un nouveau Traité
  • Conclusion
  • Conclusion générale
  • Du réalisme économique au rêve européen : à la recherche de la stabilité économique perdue
  • Les relations monétaires franco-allemandes sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing : un volontarisme au service d’un rêve européen
  • Des illusions déçues à l’avènement du pouvoir des marchés
  • Des ambitions françaises percluses de contradictions et d’incohérences
  • De l’UEM à l’euro : perspectives et réalités
  • SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
  • BIBLIOGRAPHIE
  • Index
  • Bio

Introduction

En 1969, dans une Communauté économique européenne (CEE) aux fondements déjà bien établis, et sous l’égide d’un néo-gaullisme assumé par la présidence de Georges Pompidou, l’Allemagne devient le modèle d’une France en quête de politique industrielle qui lui permettrait d’affirmer son rang sur l’échiquier international. Une amélioration conjuguée de la productivité et de la compétitivité s’impose. L’appareil de production industrielle vieillissant à la fin des années 1960 semble de fait annoncer une rupture dans le modèle « fordiste » qui a permis le décollage de la société de consommation. Les entreprises françaises paraissent céder le pas face à leurs concurrentes ou partenaires allemandes. La France tend à développer un complexe d’infériorité à l’égard de l’Allemagne. Elle semble n’avoir ni confiance dans son économie ni dans ses entreprises. C’est le temps des « champions » industriels, voulus par Pompidou, et censés concurrencer les firmes multinationales américaines de plus en plus présentes sur le sol européen. Ce volontarisme économique permettra plus tard à Bernard Ésambert de qualifier Georges Pompidou de capitaine d’industrie1.

Le Traité de l’Élysée scellant le rapprochement de la France et de la République fédérale d’Allemagne n’a pas répondu aux espérances qu’il suscitait. Incluant trois domaines politiques et stratégiques d’importance : les affaires étrangères, la défense et l’éducation et la jeunesse, il demeure « un lieu de mémoire centrale de la réconciliation franco-allemande »2. Dans les faits, seul le troisième volet a réellement permis au rapprochement franco-allemand de s’épanouir. Le rêve gaullien d’une Europe européenne, partagé par Konrad Adenauer, reste un rêve inachevé3. Les deux premiers volets géostratégiques devant conduire à une défense européenne, libre de l’autorité américaine, se sont heurtés aux réalités de la guerre froide4. L’Europe gaullienne n’est pas l’Europe définie par la Traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne. Cette divergence de perspectives sur les enjeux politico-stratégiques et économiques a connu son acmé en juin 1965 avec la crise de la « chaise vide » provoquée par la France dénonçant l’embryon d’un État fédéral. Les craintes et les méfiances suscitées dans les relations diplomatiques et économiques franco-allemandes par cet évènement restent fortes en 1969, malgré le compromis de Luxembourg (janvier 1966) et les politiques de collaborations industrielles franco-allemandes institutionnelles initiées de 1965 à 1969 (Bureau industriel franco-allemand (BIFA : 1965–1967) et Comité franco-allemand de coopération économique et industrielle (1967–1969)5).

1. De la nécessité de relancer l’Union économique et monétaire

1.1. Des partenariats industriels limités à une collaboration monétaire et financière

Comme le constate, Jean-François Eck6, la coopération entre les firmes françaises et les firmes allemandes sur la période 1945–1969 reste réduite et affiche un bilan positif, mais décevant eu égard aux attentes. Trop souvent, dans un environnement économique, financier et politique fluctuant, les stratégies apparaissent indécises. Les entreprises françaises affichent une attitude variable en Allemagne, oscillant entre acceptation ou refus de la concurrence, essais de partenariat financier ou tentatives d’absorption, initiatives ou timidité dans les relations technologiques. Elles font montre, également d’une hésitation presque « pathologique » face à la présence conquérante des entreprises allemandes. Le poids du passé peut expliquer dans une certaine mesure les réticences persistantes sur la place de l’Allemagne en France et ne saurait cacher une certaine jalousie doublée d’admiration à l’égard du dynamisme qu’affichent les entreprises allemandes dans le monde. Force est de constater avec J-F. Eck7 que l’Allemagne apparaît comme un partenaire singulier, négligé par le patronat et trop longtemps méconnu. Si la politique industrielle revêt une place certaine au plan national, ce sont sur la monnaie et sur la politique monétaire et financière que vont dès lors se concentrer les relations économiques et financières franco-allemandes. Admiratif du « miracle allemand », mais aussi du « Bankenmacht », Michel Debré, ministre des Finances, est à l’origine de la réforme de déspécialisation des banques françaises : réforme Debré-Haberer (1967). Les pouvoirs publics incitent les banques françaises à s’inspirer de la structure bancaire allemande et de son fort niveau d’implication dans l’industrie, pour redynamiser l’économie française8. L’objectif est de se « rapprocher du modèle allemand »9. Des partenariats bancaires franco-allemands sont conclus afin de conquérir des marchés internationaux plus grands et plus lucratifs au cours des années 1960 et au début des années 1970. Ces collaborations apparaissent dans un contexte de stabilité financière menacée. Pourtant les partenariats et les rapprochements au sein d’institutions et groupements qui s’étaient intensifiés dans les années 1960 s’étiolent à partir du milieu des années 1970 et verront leur rôle diminuer à l’aube des années 1980. Les marchés monétaires et financiers dont le rôle et le pouvoir deviennent prépondérants s’affirment et modifient la structure du système économique et du capitalisme moderne dans son ensemble à travers la déréglementation, reléguant progressivement l’État au second rang.

1.2. De la primauté d’une décision politique concertée et des orientations stratégiques dans le secteur financier

Les années 1960 soulignent la fragilisation du système monétaire international qui menace la stabilité économique mondiale et la construction européenne au ralenti depuis la crise de la « politique de la chaise vide ». La période d’incertitudes qui court de mai 1968 à juillet 1969 laisse poindre des inquiétudes certaines tant chez les industriels que chez les politiciens français. Après l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République, l’économie française supporte encore le contrecoup monétaire de mai 1968. Des réformes s’annoncent en ce second semestre 1969, et le besoin d’une stabilité économique accrue se fait plus fort. Cet objectif peut être atteint par la monnaie, « facteur de stabilisation »10 : une monnaie commune pour la Communauté économique européenne. La relance de l’UEM, décision politique forte et ambition affichée, est pour Pompidou, la clé de l’équation posée par l’instabilité du SMI. Elle est perçue comme le moyen pour l’économie française de retrouver sa compétitivité et d’adapter son industrie aux nouveaux défis qui s’annoncent dans un monde occidental en mutation.

Si le général de Gaulle a surtout cherché à contester la suprématie du dollar face aux perturbations du Système monétaire international, ses successeurs à la présidence de la République feront de la monnaie européenne leur cheval de bataille. Comme le rappelait Jacques Rueff, « L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas »11. L’action de l’économie française durant cette période qui court de la relance de l’Union économique et monétaire (décembre 1969) à la rédaction du Traité de Maastricht (février 1992), jalonnée par la mise en place du Système monétaire européen (SME : janvier 1979) et de l’Acte unique (janvier 1986), repose sur une volonté politique primordiale au service des relations avec la RFA puis l’Allemagne réunifiée. Le but est de promouvoir une Europe forte et d’une certaine façon de revenir à une stabilité des changes : le mythe de la stabilité de « l’étalon-or » semble renaître. D’une certaine façon, cette « quête » a des accents gaulliens. Dans ce contexte économique et politique, notre problématique principale peut être ainsi formulée : en quoi les relations franco-allemandes dans le secteur monétaire ont-elles facilité la relance du processus d’Union économique et monétaire?

2. Des ambitions aux réalités

À chacun des trois présidents français successifs, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, et François Mitterrand peut être associé un volontarisme politique et économique propre. Ils révèlent trois orientations et sensibilités : la première néo-gaullienne, la seconde plus libérale et la troisième socialiste. Leurs homologues allemands successifs, Willy Brandt (1969–1974), Helmut Schmidt (1974–1982), puis Helmut Kohl (1982–1998) y accordent des intérêts contrastés, influencés par le contexte géopolitique et géoéconomique. Georges Pompidou est l’initiateur, avec Willy Brandt, de la relance de l’Union économique et monétaire (UEM). Lors de la Conférence de La Haye, Pompidou énonce son célèbre triptyque : achèvement, approfondissement, élargissement. La phase de transition voulue par le Traité de Rome (1957) doit arriver à terme (achèvement). La France souhaite la construction « d’un ensemble économique qui forme véritablement un tout »12 (approfondissement) et entend accueillir de nouveaux pays, dont la Grande-Bretagne dans la construction d’une Europe communautaire (élargissement).

Après l’accession de VGE à la présidence de la République, qui coïncide avec l’élection en mai 1974 de Schmidt à la chancellerie allemande, la France affiche le même volontarisme. Pourtant un changement est à relever : au volontarisme au service d’un projet européen, incarné par Pompidou, succède un volontarisme au service d’un rêve européen. Comme le rappelle Michèle Weinachter, le fer de lance de la coopération économique et monétaire franco-allemande sous ce septennat peut se résumer par cette position défendue par VGE et Schmidt, tous deux proches des cercles de Jean Monnet : « Harmoniser pour mieux résister »13. L’émergence du concept de « couple franco-allemand » date de cette époque. VGE et Schmidt sont conscients que l’unification économique européenne doit émaner d’une volonté politique forte. Il incombe donc aux dirigeants de ramener les questions financières, monétaires, énergétiques et économiques dans la sphère du politique. Leurs actions sur la création du Conseil européen (CE), du Parlement européen (PE) et du Système monétaire européen (SME) sont empreintes de ce volontarisme partagé. L’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en mai 1981 est porteuse d’une nouvelle politique économique dont les ambitions vont très rapidement se heurter aux mutations de l’économie occidentale. Avec le deuxième choc pétrolier et les difficultés à maîtriser l’inflation et l’augmentation du déficit budgétaire, la France dispose d’une économie « à bout de souffle » dont les faiblesses structurelles sont de plus en plus évidentes. Afin de répondre aux attentes politiques qu’ont fait naître ses propositions et le programme commun, signé neuf ans plus tôt entre le Parti socialiste et le Parti communiste, Mitterrand fait le choix de la rupture en prônant une autre politique économique où l’État redevient un grand planificateur. Pourtant, dès son investiture, alors que la gauche réunie l’accompagne dans son « ascension » au Panthéon le 21 mai 1981, les marchés financiers spéculent contre le franc. Jacques Delors, trop esseulé, qui a déjà porté les espoirs d’une « nouvelle société » lorsqu’il était l’un des proches collaborateurs de Jacques Chaban-Delmas, est conscient du caractère utopique d’une politique économique à contre-courant des grandes orientations mondiales. Les administrations Reagan et Thatcher dessinent les contours d’une économie libéralisée et déréglementée : prémices d’une nouvelle phase de globalisation de l’économie mondiale. De fait, le franc est dévalué trois fois de 1981 à 1983. Dès juin 1982, l’échec de la politique de relance est acté. Mars 1983, avec la politique de rigueur défendue par Delors, inaugure une conversion aux exigences d’une politique économique libérale. Cette période a engendré des craintes et des inquiétudes en Allemagne, tant dans les plus hautes instances politiques, qu’à la Bundesbank ou parmi les intermédiaires financiers. La politique de rigueur est le choix réaliste de l’Europe : nouvelle planche de salut pour l’économie française? Face aux fluctuations du dollar, un retour à la stabilité économique doit passer par une coordination des politiques économiques à l’échelle européenne et une convergence des politiques monétaires.

Par leurs actions politiques sur la monnaie et sur les secteurs financiers, les présidents français et les chanceliers allemands font écho aux initiatives de Marjolin, vice-président de la Commission européenne14, et Röpke, grand architecte du « miracle économique allemand », qui furent parmi les premiers à définir la notion d’intégration économique et financière après la Deuxième Guerre mondiale15. Ils sont aussi les héritiers des pères fondateurs de l’Europe. Leurs actions politiques s’inscrivent dans le prolongement de l’action initiée par Robert Schuman en 1950, fervent défenseur de l’Europe des petits pas. L’Europe définit le cadre d’analyse des relations économiques franco-allemandes.

« En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »16

À l’aune de ces propos fondateurs, le rôle des relations franco-allemandes dans les secteurs monétaires dans la relance du processus d’Union économique et monétaire revêt une importance considérable.

Si des études historiques récentes ont été consacrées partiellement aux conséquences de l’évolution des politiques monétaires européennes (et surtout françaises) sur l’intégration économique et financière dans la CEE, elles demeurent souvent centrées sur le septennat de VGE ou le début du premier mandat de François Mitterrand17. Grâce aux colloques organisés notamment par Éric Bussière au sein de l’Association Georges Pompidou, le rôle joué par les instances politiques sur la politique monétaire de 1969 à 1974 a été mis clairement en évidence18. Robert Frank (1995) décrit la nouvelle politique européenne du second président de la Vème République. Il souligne les accents gaulliens d’indépendance à l’égard des États-Unis et de sa monnaie, et met en évidence son infléchissement à l’égard du Plan Werner (1970) qui, à travers une plus grande harmonisation des politiques économiques, paraît établir les bases d’une structure supranationale19. Gérard Bossuat (1995) et (2005)20 démontre que le Plan Werner a cherché à « affirmer la politique monétaire de la communauté »21. La recherche d’une harmonisation des politiques économiques en France et en Allemagne met en exergue le volontarisme de Pompidou en faveur de la relance du projet européen. Par son action, il contribue à la mise en place du « serpent » monétaire européen. Eric Bussière et Émilie Willaert consacrent un ouvrage au rôle majeur de Pompidou dans le processus de construction européenne22. Concernant la démarche de VGE, Michèle Weinachter (2004) rédige une thèse portant sur les relations établies par VGE avec l’Allemagne tout au long de son parcours. Son action, tant en qualité de ministre d’État de l’Économie et des Finances, sous la présidence de Pompidou, que comme président de la République, est détaillée. Son rôle primordial est souligné dans la création du « serpent » monétaire européen, puis de l’ECU (European Currency Unit) et du Système monétaire européen. Son entente cordiale privilégiée avec son homologue allemand, Schmidt, a été le moteur de cette quête de stabilité monétaire. Cette thèse a déjà été évoquée dans les études collectives antérieures, mais plus parcellaires et circonscrites, d’Henri Ménudier (1985)23 et de Robert Frank (2004)24 notamment.

Plus récemment, Emmanuel Mourlon-Druol (2012) s’est intéressé à la coopération transnationale monétaire européenne de l’échec du plan Werner (1974) à la mise en place du Système monétaire européen (1979). L’étude porte essentiellement sur le rôle joué par les pouvoirs publics et les plus hautes instances des États européens25 dans la création d’une Europe monétaire. Le rôle prépondérant de l’élite européenne dans le processus d’intégration monétaire et financière est mis en exergue. L’analyse d’Amaury de St Périer (2013) englobe la totalité du septennat de VGE et accorde une place plus importante aux relations bilatérales franco-allemandes26, même si celles-ci sont souvent centrées sur les relations entre le président français et le chancelier allemand Schmidt27. Les actions concertées de la France et de l’Allemagne ont permis d’établir les fondements de l’Europe monétaire, à travers la création du SME et d’une monnaie commune l’ECU (European Currency Unit), préalable à l’avènement d’une monnaie unique.

Vincent Duchaussoy (2011) s’intéresse aux liens entre la Banque de France et l’État de 1978 à 1984, dans une perspective essentiellement nationale : les enjeux monétaires européens étant placés au second plan28. La lucidité du ministre de l’Économie Jacques Delors et sa volonté d’infléchir une politique trop datée eu égard aux nouvelles réalités économiques mondiales y sont clairement établies. La constance et la loyauté à sa mission de garant de la politique monétaire du gouverneur de la Banque de France, Renaud de la Genière, dans un contexte politique difficile sont remarquables.

Dans une perspective plus globale, mais offrant néanmoins des contributions ponctuelles au sujet, les recueils d’études d’Éric Bussière, Michel Dumoulin et Sylvain Schirmann (2007) sur l’intégration européenne à la fin du XXe siècle29 (1979–1992), de Jean-François Eck, Stefan Martens et Sylvain Schirmann (2009) sur les relations économiques franco-allemandes de 1871 à nos jours30, et plus récemment d’Olivier Feiertag et Michel Margairaz (2012) sur les banques centrales à l’échelle du monde31, permettent d’obtenir des éclairages nouveaux et pertinents sur les relations économiques et financières franco-allemandes dans le processus d’intégration économique de l’Europe. Ivo Maes (2007) démontre en quoi la Commission européenne et ses principaux dirigeants ont joué un rôle moteur dans le processus de relance de l’Union économique et monétaire32. Le volontarisme de Jacques Delors qui sera à l’initiative de la convergence des politiques économiques est à souligner.

Éric Bussière (2007) s’intéresse au rôle joué par le ministère des Finances français en période de cohabitation de 1986 à 198833. La politique monétaire d’Édouard Balladur, d’inspiration libérale, s’inscrit dans le prolongement de celle menée par la France depuis le tournant de 1983–1984. L’instauration d’une zone européenne de stabilité monétaire apparaît comme une nécessité dans un environnement financier international volatil. Les étapes vers la mise en place d’une monnaie commune stable sont établies en concertation avec les partenaires européens et notamment allemands. Balladur, alors ministre d’État de l’Économie et des Finances, a pleinement conscience du fait que la France, dans l’intérêt de son économie, n’a pas d’autres options que d’être l’instigatrice d’une Union économique et monétaire stable face aux fluctuations de la politique monétaire américaine et aux bulles spéculatives sur les marchés financiers. Georges Saunier (2007) étudie la politique économique de la France de 1981 à 1984; le tournant de mars 1983 marque la nécessité de recourir à une politique de rigueur conforme aux enjeux de la construction économique européenne34.

La réalité de l’instabilité économique et monétaire impose le choix de la CEE pour l’économie française. Luc Moulin (2007) met clairement en évidence le rôle significatif joué dans l’appui à la mise en place d’une monnaie commune (appelée à devenir unique) par un groupe d’entrepreneurs européens influents rassemblés au sein de l’Association pour l’union monétaire de l’Europe35. Dimitri Grygowski (2009) présente l’UEM comme un exutoire, un instrument de dissuasion et de négociation utilisé par la France et surtout l’Allemagne dans leurs relations économiques et géostratégiques avec les États-Unis de 1957 à 1978 : les crises monétaires de 1971 et 1978 témoignent de la pertinence de cette approche36.

Après avoir rappelé les conditions nécessaires à l’instauration d’une Banque centrale sans État, à l’aune de l’histoire bancaire depuis la fin du XIXe siècle, Harold James (2012) souligne la pertinence de la mise en place d’une Banque centrale européenne dans cette recherche de stabilité monétaire. Il revient sur les enjeux et les enseignements du rapport Delors devant conduire à cette réalisation37.

Oliver Feiertag (2012) démontre le rôle clé joué par les banquiers centraux au sein du Comité Delors à partir de 198838. Les rencontres du Comité Delors de 1988 à 1989 constituent une accélération de la globalisation dans le processus d’intégration monétaire européen. Leurs conclusions qui aboutissent au Traité de Maastricht et à la nécessité d’une monnaie unique sont l’illustration de la pertinence du « triangle d’incompatibilité » de Mundell (1961)39 : il n’est pas possible de mener une politique monétaire domestique autonome (1) dans un système de changes fixes (2) tout en cherchant à libéraliser les flux internationaux de capitaux (3). Jacques de Larosière (2012), en qualité de gouverneur de la Banque de France de 1987 à 1993, témoigne du processus de conversion des banques centrales européennes à l’euro. À l’initiative du président Mitterrand et du chancelier Kohl, et grâce aux efforts de J. Delors, alors président de la Commission, la mise en place de la monnaie unique a été rendue possible en raison notamment de la maîtrise et de la convergence des politiques économiques40.

3. De la recherche d’une stabilité économique perdue à l’émergence d’une France forte dans une Europe maîtresse de son destin : deux ambitions majeures

En fait, les relations franco-allemandes dans le secteur monétaire englobent deux niveaux de décision et d’application. En premier lieu, sont à mentionner, comme le souligne la littérature consacrée, les plus hautes instances politiques où réside le pouvoir politique (Présidence, chancellerie et ministères, mais aussi Commission européenne). Elles sont à l’origine des grandes orientations politiques et ont vocation à établir et promouvoir les politiques économiques, la politique budgétaire comme la politique monétaire. En second lieu, interviennent les banques centrales dont le rôle quant à la mise en place et l’application des politiques monétaires est primordial. Dans la recherche d’une stabilité des devises et plus particulièrement du rapport franc/mark, la place occupée par les banques centrales doit être mise de l’avant, d’autant que la Banque de France et la Bundesbank ne jouissent pas du même niveau d’indépendance à l’égard des pouvoirs politiques. Si la Bundesbank jouit d’une autonomie lui permettant d’être la garante de la stabilité monétaire et de la lutte contre l’inflation, la Banque de France, malgré la présence et le rôle de son gouverneur, est dans les faits inféodée au pouvoir politique en place (elle n’obtient son indépendance qu’en 1993 dans la perspective d’une monnaie unique).

Forts de ce constat, nous nous proposons d’étudier et d’analyser la collaboration monétaire franco-allemande aux deux niveaux mentionnés plus avant, en nous focalisant plus particulièrement sur le processus d’intégration économique et financière qui caractérise la période 1969–1992. Cette période peut être décrite comme un continuum économique et financier, marqué par de fortes perturbations, qui à partir de la mise en place du SME au premier trimestre 1979 laisse place à un engrenage conduisant inexorablement à l’instauration d’une zone mark. Notre problématique principale s’attachera à analyser dans quelles mesures les relations franco-allemandes dans les secteurs financiers ont facilité la relance du processus d’Union économique et monétaire. La période est marquée par de nombreuses évolutions et fluctuations dans les secteurs monétaires et financiers. La plus communément admise et étudiée est l’implosion, puis la disparition effective en 1976 du Système monétaire international établi lors des accords de Bretton Woods en 1944. L’émergence des pétrodollars et les contrecoups des deux chocs pétroliers qui ont ébranlé l’économie mondiale constituent également des phénomènes aux répercussions nombreuses sur les secteurs financiers et monétaires. Sur le plan politique, mais aussi économique, la « révolution libérale » dont les administrations Reagan et Tchatcher se sont fait les ardents défenseurs, a des conséquences importantes tant sur la globalisation de l’économie que sur la libéralisation et la déréglementation des marchés financiers. La forte volatilité des taux de change au cours des années 1980, suite à la politique monétaire de la FED (Volcker), conjuguée aux politiques économiques libérales prônées par Milton Friedman et le « Big Bang » de la place financière de Londres en octobre 1986, annonce une nouvelle ère de la finance internationale : l’incertitude devient l’une des caractéristiques intrinsèques d’une économie mondiale en crise.

Sur cette période qui s’étend de 1969 à 1992, nous émettons deux grandes hypothèses qui font écho à notre idée-force principale. Dans un contexte économique en mutation et confronté à des risques exogènes de grande ampleur, les instances politiques françaises et allemandes sont à la fois en quête d’une stabilité monétaire perdue et à la recherche d’une Europe forte capable d’affirmer son indépendance économique et politique sur l’échiquier international.

Hypothèse 1 : Les instances politiques et institutions monétaires françaises et allemandes s’adaptent aux mutations économiques de l’Occident dès les années 1960 : elles sont les instigatrices du processus de relance de l’Union économique et monétaire (UEM). Il est toutefois possible de relever une certaine asymétrie : la demande de rapprochement et de convergence provient essentiellement de la France. La quête d’une stabilité monétaire apparaît fortement : planche de salut pour la France, orthodoxie pour l’Allemagne. Toutefois, cette collaboration laisse poindre des divergences fondamentales quant aux ambitions des deux pays.

Hypothèse 2 : Le Système monétaire européen a été un « rempart structurant » face à la forte volatilité du dollar et aux risques induits. Il a permis une convergence des politiques économiques en France et en Allemagne. Le rôle des banques centrales est à souligner. Sur le plan économique et politique, il est sans doute l’un des facteurs majeurs qui expliquent la conversion (de raison) du gouvernement français à l’économie libérale en 1983 (« le virage libéral ») : le choix de l’Europe par la monnaie. Le SME apparaît comme le moyen d’entretenir l’espoir d’une Europe indépendante forte, entité politique maîtresse de son destin dans un monde qui devient multipolaire.

La quête de stabilité économique et l’émergence d’une entité européenne forte sont deux ambitions partagées par la France et l’Allemagne, elles révèlent néanmoins des divergences idiosyncratiques.

4. De la quête de stabilité monétaire à la recherche d’une entité européenne forte

Ces mutations du système économique et financier n’ont pas encore été étudiées à l’aune de l’analyse historique des relations monétaires bilatérales franco-allemandes pour une si longue période. D’aucuns, sans doute à juste titre, pourraient voir dans cette volonté de rétablir une certaine stabilité, notamment avec la relance de l’Union économique et monétaire, le désir d’un retour à un régime d’étalon-or dont le Système monétaire européen et l’Euro seraient les avatars. Le contexte économique qui prévaut lors la réforme Debré-Haberer en 1967 n’est plus celui de l’après « Big Bang » de 1986 : les enjeux stratégiques dans les secteurs monétaires et financiers ont muté et pris une tout autre dimension dans une Europe économique dont les rivages paraissent de plus en plus incertains.

Dans les études historiques consacrées aux secteurs financiers en France et en Allemagne au XXe siècle (essentiellement de 1900 à 1970), et depuis les travaux fondateurs de Raymond Poidevin41, une constante semble se dégager : le secteur financier français tend à une admiration du secteur financier allemand revêtant des aspects « fantasmatiques », comme le précise Hubert Bonin (2009). De fait, la demande de coopération monétaire et financière, tant au niveau macroéconomique que microéconomique, émane essentiellement de la France. Par conséquent, nous privilégierons dans un premier temps la perspective française dans la structuration de notre réponse à notre problématique générale : en quoi les relations franco-allemandes dans le secteur monétaire ont-elles facilité la relance du processus d’Union économique et monétaire (1969–1992)? Nous analyserons les relations entre les deux niveaux décrits précédemment : les hautes instances politiques (Présidence, chancellerie, ministères, Commission européenne) et les banques centrales et le Trésor, ainsi que leurs interdépendances. Cette approche, qui est une de nos contributions à la littérature existante, nous permettra de couvrir sur un large spectre les relations monétaires, en mettant notamment l’accent sur l’histoire du processus d’Union économique et monétaire, fondement prépondérant de la construction européenne. Afin de mieux appréhender les mutations considérables du secteur monétaire et financier, nous suggérons, comme souvent dans le champ, un découpage chronologique approprié à l’évolution de l’Union économique et monétaire du second semestre 1969 au premier semestre 1992.

5. Méthodologie, sources et archives

Notre problématique portant sur les relations monétaires franco-allemandes et l’Union économique et monétaire englobe à la fois des aspects politico-économiques, participant du champ macroéconomique et des relations internationales, mais aussi et surtout des aspects techniques, propres au secteur financier et monétaire. Les grandes décisions monétaires dans un cadre international relèvent en France de la présidence de la République et dans une moindre mesure de la Banque de France qui dépend, pour la période considérée, des autorités politiques. En Allemagne, si la chancellerie peut établir le cadre des relations monétaires internationales, c’est à la Bundesbank qu’incombe le rôle de veiller à la stabilité du mark. Dans les faits, elle mène véritablement la politique monétaire de la République fédérale d’Allemagne, puis de l’Allemagne à partir de 1990.

Notre objectif est d’analyser les ambitions entretenues en Allemagne et surtout en France (la France est dans une position de demande patente) qui ont conduit à la relance et à la dynamique du processus d’Union économique et monétaire depuis le discours de La Haye (décembre 1969) jusqu’à la signature du Traité de Maastricht (février 1992), avant d’établir les réalités effectives. Dans les faits, trois parties jouent un rôle prépondérant : la présidence de la République, la chancellerie allemande et la Bundesbank dont l’indépendance lui assure un rôle de premier plan dans la sauvegarde et le maintien de la stabilité monétaire. Ici réside l’une des contributions principales de notre analyse sur le processus de la construction européenne par la monnaie.

Notre étude sur les interrelations monétaires franco-allemandes porte essentiellement sur deux niveaux décisionnels : les plus hautes instances politiques en France et en Allemagne et les Banques centrales. Toutefois, il est important de noter le caractère intrinsèquement asymétrique de ces relations pour bien appréhender leur dynamique. Une non-prise en considération de cette caractéristique idiosyncratique peut biaiser complètement l’analyse tant sur le plan historique que sur le plan économique. Au risque de nous répéter, nous insistons sur un point fondamental : l’indépendance politique de la Bundesbank et sa mission de garante de la stabilité de l’économie conformément à la constitution allemande. La Banque de France ne jouit pas de cette indépendance et est de jure soumise aux pouvoirs politiques dont les compétences économiques ne sont nullement assurées ni garanties. En ce sens, nous avons consulté les archives de la présidence de la République et de la chancellerie fédérale, mais aussi les archives des premiers ministres successifs et des ministères. L’effort a été porté sur les archives des ministères des Finances, de l’Économie et des Affaires étrangères.

Toutefois, en raison de l’aspect technique de la démarche, et du caractère asymétrique des relations, nous avons souvent privilégié les archives répondant aux exigences de l’étude et de la problématique : les archives des ministères des Finances et plus encore des Banques centrales (Banque de France et Bundesbank). En adoptant ce choix, nous avons voulu également souligner notre contribution et nous distinguer des approches antérieures plus marquées par l’importance et l’influence des relations politiques internationales. Notre étude démontre la perte d’influence de la politique sur les mécanismes économiques et monétaires régulés par le marché. L’économie qui a une forte composante technique tend à supplanter la politique qui s’éclipse et se réduit parfois à de la communication.

Les véritables orientations et avancées sur le processus de l’Union économique et monétaire, quand elles n’émanent pas directement de la volonté politique, sont mises en exergue. Tant sur le plan historique que sur le plan économique, ce point est crucial pour la compréhension des mécanismes réels, en dehors de toute contamination ou biais associé à la communication politique connexe. Au cours de cette période qui inaugure la libéralisation des marchés financiers, après la fin du système de Bretton Woods, le primat de l’économie et de la finance sur la politique se profile. La révolution économique libérale, moins bien appréhendée en France qu’en Allemagne, dessine les rivages d’un nouveau monde économique où les relations franco-allemandes vont faire l’objet d’une profonde mutation.

6. Organisation

Dans la mesure où la Banque de France, contrairement à la Bundesbank, est sur la période dépendante du pouvoir politique, nous proposons d’adopter un plan en trois parties qui respecte la préséance des hautes instances politiques.

Dans la première partie (De la relance de l’Union économique et monétaire à la création du Système monétaire européen : 1969–1979, le temps des turbulences monétaires), nous nous intéresserons notamment au volontarisme au service d’un projet européen affiché et par les présidents français et par les chanceliers allemands. Nous chercherons à étudier la diffusion et les applications de ce volontarisme politique au sein des banques centrales et des institutions financières françaises et allemandes. Nous veillerons à mettre en évidence les conséquences et implications économiques, financières et politiques.

Dans la deuxième partie (Du SME à l’Acte unique : 1979–1986 : De l’instabilité des politiques économiques à la nécessaire convergence), nous montrerons en quoi l’instabilité des politiques économiques de 1980 à 1983 a influencé les relations franco-allemandes dans le secteur monétaire et comment le virage libéral (1984–1986) a été perçu et diffusé.

Dans la troisième partie (Du Marché unique au Traité de Maastricht : 1986–1992 : De la libéralisation à l’intégration des marchés financiers), nous chercherons à analyser les conséquences des vertiges de la finance internationale42 sur le processus de relance de l’UEM et l’avènement de l’euro dans le texte du Traité de Maastricht (février 1992).

Cette étude, à travers la problématique générale présentée précédemment, cherchera, dans la mesure du possible à apporter des éléments de réponse à ces questions en suspens.

Résumé des informations

Pages
414
Année
2023
ISBN (PDF)
9782875747525
ISBN (ePUB)
9782875747532
ISBN (Broché)
9782875747518
DOI
10.3726/b20332
Langue
français
Date de parution
2023 (Mai)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2023, 414 p.

Notes biographiques

Alain Coën (Auteur)

Alain Coën est Professeur Titulaire de Finance à l’École des Sciences de la Gestion de l’Université du Québec à Montréal, où il enseigne la gestion de portefeuille, l’analyse des titres à revenus fixes et la finance d’entreprise. Ses travaux ont été publiés dans de nombreuses revues scientifiques et portent sur la finance internationale, la gestion de portefeuille, l’analyse des titres alternatifs, la macrofinance et l’économétrie financière appliquée.

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Titre: Les relations monétaires franco-allemandes et l’UEM (1969-1992): des ambitions aux réalités
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