Discours croisés sur l’architecture
Résumé
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos de l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Sommaire
- Introduction
- Première partie Motifs architecturaux
- Cellule et cabane : mots pour un dialogue entre architectes et artistes
- Aux paradis
- Le nid, architecture métaphorique ?
- Le régionalisme, tel le phénix…
- Le langage architectural de J. A. Coderch
- Deuxième partie Discours et architectures
- Shelley et l’architecture, ou quand le poète emploie des termes techniques
- La spéculation immobilière (1957) d’Italo Calvino : le choix d’un modèle constructif et urbanistique proscrit pour raconter les années 1950 en Italie
- « Des transes au prosaïsme » : Les Pierres sauvages de Fernand Pouillon : journal de bord d’un bâtisseur
- La part utopique du manifeste d’urbanisme : Delirious New York. A Retroactive Manifesto for Manhattan de Rem Koolhaas
- La désobjectivation de l’architecture par le texte littéraire
- La fonction oblique ou la septième fonction du langage de l’architecture. Lecture linguistique d’Entrelacs de l’oblique de Claude Parent
- Troisième partie Métaphores en architecture
- Métaphores en architecture : entre schémas partagés et licence créative
- Expressions multi-sensorielles dans les Chartreuses de Campanie
- Les architectures de la gouvernance. Imaginaire et discours de l’espace dans la construction du concept de la gouvernance
- De l’édification à l’édition : l’ambivalence technique d’un écrivain-bâtisseur
- Dess(e)ins et maquettes de livres aux XVIe et XXe siècles : un trait architectural du discours de genèse
- Notice des auteurs
- Index des notions
- Index des auteurs
Introduction
« Le livre tuera l’édifice »
« Le livre tuera l’édifice » affirmait Victor Hugo, en 1831, dans Notre-Dame de Paris (Livre Cinquième, Chapitre II). Au moment où s’est tenu le colloque dont les actes sont ici réunis, la cathédrale Notre-Dame venait de brûler, à peine dix jours auparavant. La destruction de ce patrimoine architectural suscita d’innombrables discours et relectures d’ouvrages célèbres le concernant, montrant, d’une part, combien intimement ont été touchés tant de nos contemporains, d’autre part, combien il relevait d’une quasi-mythologie à laquelle l’œuvre de Hugo a largement contribué. En effet, Notre-Dame est, dans la conscience collective, au moins autant que la bâtisse religieuse, un véritable personnage de pierre au cœur du roman hugolien, dont voici un fragment de la description :
Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle. (Hugo, 1831 : Livre Dixième, Chapitre IV)
On sait combien l’œuvre de Hugo a attiré l’attention du public sur un bâtiment alors bien négligé, menaçant ruine, après tant d’années pendant lesquelles l’architecture médiévale avait été considérée comme « gothique », barbare, contraire à l’ordre de la raison qu’incarne au mieux le canon classique. Dès 1842, une pétition signée, entre autres, de Hugo, Vigny ou Ingres aboutit l’année suivante à un concours d’architectes dont Viollet-le-Duc et son associé Lassus sortiront vainqueurs.
La suite est plus ou moins connue, qui voit les architectes ajouter statues, chimères en pierre, figures fantastiques mi-humaines mi-animales nées de leur imagination et de légendes médiévales et orientales. Inspirées par l’univers hugolien du roman Notre Dame de Paris, ces créatures imaginaires n’existaient pas dans le décor sculpté original. Autrement dit, le verbe a contribué à façonner ce monument, autant que ce monument s’en est constitué l’inspiration.
C’est dire la puissance de ce roman qui ne se contente pas de faire de Notre Dame le personnage monstrueux évoqué précédemment mais érige l’architecture médiévale au rang d’un véritable discours :
Si l’on résume ce que nous avons indiqué jusqu’ici très sommairement en négligeant mille preuves et aussi mille objections de détail, on est amené à ceci : que l’architecture a été jusqu’au quinzième siècle le registre principal de l’humanité, que dans cet intervalle il n’est pas apparu dans le monde une pensée un peu compliquée qui ne se soit faite édifice, que toute idée populaire comme toute loi religieuse a eu ses monuments ; que le genre humain enfin n’a rien pensé d’important qu’il ne l’ait écrit en pierre. Et pourquoi ? C’est que toute pensée, soit religieuse, soit philosophique, est intéressée à se perpétuer, c’est que l’idée qui a remué une génération veut en remuer d’autres, et laisser trace. Or quelle immortalité précaire que celle du manuscrit ! Qu’un édifice est un livre bien autrement solide, durable, et résistant ! Pour détruire la parole écrite il suffit d’une torche et d’un turc. Pour démolir la parole construite, il faut une révolution sociale, une révolution terrestre. (Hugo, 1831 : Livre Cinquième, Chapitre II)
Quelque cent ans plus tard encore, même la Deuxième Guerre mondiale n’empêche pas cette « parole construite » qu’est Notre-Dame de s’offrir au peuple comme un soutien patriotique, hissée qu’elle est alors au rang de symbole de la résistance de la nation :
Notre-Dame, impassible, dominait la foule. […] Les obus laissaient une trace blanche, blessures légères. Non, rien ne pouvait ébranler Notre-Dame. […] Immuable dans sa grandeur imposante non seulement par sa masse de pierre mais aussi par ce qu’elle représentait de traditions spirituelles, Notre-Dame de Paris fut tout à coup […] l’image même de la France et de la Résistance. (Pierson, 1946 : 250)
Jean Pierson confirme que ce bâtiment aux formes fantasmagoriques n’a cessé d’être support de projections animistes et d’investissements symboliques. Sa personnification décelable, sous la plume de Hugo comme de Pierson, court jusque dans l’épitaphe du monument proposée lors de l’incendie par la une du quotidien De Standaard (16 avril 2019) :
Notre-Dame (1260–2019)
ou bien par d’autres titres encore – « Héroïne gothique de la littérature et du cinéma » (Terrafemina, 16 avril 2019), « Paris weeps for its beloved lady » (The Daily telegraph, 16 avril 2019), « Le cœur en cendres » (La Croix, 16 avril 2019).
Toutes ces personnifications montrent que l’édifice est aujourd’hui moins discours que créature discursive. Pour le dire autrement, il est dialogué au plus près du sens étymologique de « traversé par des discours », des discours de natures variées : discours politiques, religieux, historiques, sociétaux, judiciaires, patrimoniaux mais aussi discours architecturaux. Et c’est le dialogue entre discours et architecture que cet ouvrage se propose d’interroger. En outre, discours et architecture sont deux constructions régies par des règles propres certes mais écrivains comme architectes exploitent la surface graphique comme outil de conception et de création. Ils se font naturellement écho. D’une part, le discours permet souvent de formaliser l’architecture :
Grammar is no property for the usual owner or the occupant of the house. But the man who designs the house must, inevitably, speak a consistent thought-language in his design. It properly may be and should be a language of his own if appropriate. If he has no language, so no grammar, of his own, he must adopt one; he will speak some language or other whether he so chooses or not. (Wright, 1954 : 182–183)1
D’autre part, les concepts architecturaux peuvent s’avérer utiles pour la description de la langue :
The most immediate consequence of this architectural conception of language is the separation of the part from the composite, the word from the statement. This binary pattern characterises the study and the use of language at all levels. The basic operation common to masonry and to speech is the addition of parts. (Rener, 1989 : 86)2
Ne parle-t-on pas de « soubassements d’un texte », de « l’architecture d’un texte », de sa « construction », de « l’espace textuel », de la manière de « bâtir un plan » ? Nombreuses semblent être les stratégies discursives simples (recours à la néologie, la métaphore, l’emprunt) ou complexes (principes, chartes, récits de voyage, impressions sensibles) pour énoncer l’architecture et l’urbanisme. Le recours aux détours stylistiques que sont la métaphore, la métonymie ou encore la synesthésie, ne reflète-t-il pas une ambition à la fois explicative et communicative mais également fondamentalement créative ?
L’analyse d’un discours spécifique, celui de l’architecture, visera à mieux comprendre la pensée architecturale de l’idée au plan, du textuel au visuel, ou vice-versa. À la fois à l’origine d’une œuvre architecturale mais également témoin de cette œuvre, le discours participe de la création et de la diffusion d’une forme architecturale ou encore d’une vision urbanistique. L’étude de textes architecturaux et urbanistiques sera l’occasion de circonscrire ce discours pour mieux observer la tension qui existe entre discours du technique et discours de l’imaginaire (Bachelard, 1961 : 33). À travers le lexique, les mots de l’architecture rendent compte d’un espace organisé :
Mais, en réalité, les recherches de Lynch, du point de vue sémantique, demeurent assez ambiguës ; d’une part, il y a dans son œuvre tout un vocabulaire de la signification […] et, en bon sémanticien, il a le sens des unités discrètes : il a essayé de retrouver dans l’espace urbain les unités discontinues qui, toutes proportions gardées, ressembleraient un peu à des phonèmes et à des sémantèmes. Ces unités, il les appelle chemins, clôtures, quartiers, nœuds, points de références. (Barthes, 1985 : 263)
La tentative d’identifier les mots, outils de l’architecte, ou la volonté de mesurer l’évolution du lexique architectural (recyclage, néologie) seront autant d’occasions de saisir des urbanités écrites, décrites, voire proscrites, et de mettre en évidence les caractéristiques purement discursives d’une vision urbanistique ou architecturale qui composent ce que l’on pourrait nommer un « archilecte ».
Présentation des contributions
La première partie de ce volume est consacrée aux motifs archétypaux ou imaginaires qui sous-tendent une architecture et son discours. Ces motifs revisitent une architecture centrée sur la cellule, la cabane, le nid, mais interrogent également l’existence d’une architecture au paradis, la renaissance d’une architecture tel le phénix ou encore la réalité d’un langage architectural.
Charlotte Limonne explore la polysémie architecturale avec « Cellule et cabane : mots pour un dialogue entre architectes et artistes ». À la fois techniques, car propres à l’architecture, et imaginaires, car renvoyant à une forme d’origine, ces deux termes définissent une manière d’être au monde. La cellule privilégie un habitat organisationnel comme l’illustre l’architecture corbuséenne tandis que la cabane développe un habitat plus libre et ancré dans un environnement naturel à l’instar du Land Art. Des correspondances entre réalité architecturale et imaginaire artistique naissent de cette mise en dialogue.
Alain Guiheux interroge l’architecture « Aux paradis ». S’il fait le constat qu’il n’y a pas d’architecture au paradis, il souligne en revanche que le paradis n’a cessé d’infuser l’architecture dans son histoire. L’absence de lieux (nomadisme), de frontières (dedans/dehors) ou de climats, de genres (féminin/masculin) ou d’objets, rend l’architecture caduque au paradis. Au contraire, l’architecture va naître de la chute de celui-ci lorsqu’elle érige des frontières naturelles, organise une politique, structure un discours ou tente encore de développer une ambiance. Paradoxalement, le paradis apparait comme un outil architectural qui structure son histoire.
Vincent Lecomte s’emploie à montrer comment la création architecturale s’inspire de la dynamique constructrice des oiseaux appelés « bâtisseurs », en passant en revue des exemples variés, depuis le stade olympique de Pékin, en passant par le Cabanon mais en approfondissant surtout l’« Art in nature » de Nils-Udo. L’espace de protection qu’est le nid non seulement stimule l’imaginaire des architectes et designers mais informe aussi notre perception du monde, la nature étant, dans une perspective bachelardienne, source de figures poétiques universelles.
Daniel Le Couédic atteste que « Le régionalisme, tel le phénix… » renaît toujours de ses cendres. À travers une histoire du régionalisme en architecture, du vernaculaire, qu’il soit hédoniste ou patriotique, au néo-vernaculaire, du régionalisme critique à l’alter architecture, il démontre que le discours architectural est tout autant utile pour raviver la part régionaliste de l’architecture qu’insincère, lorsque, par le biais de métaphores, ce même discours parvient à déguiser une réalité architecturale.
Elena Roig Cardona s’intéresse à la figure de José Antonio Coderch pour en montrer la singularité. Alors que Coderch a soutenu le régime franquiste à ses débuts, prenant en cela part au clivage entre les idéologies Est-Ouest, engendré par l’après-guerre civile en Espagne et l’après-Seconde Guerre mondiale en Europe, il est resté indépendant. Ne voyant pas en l’architecture un moyen d’exprimer une conviction politique, il s’est engagé dans la création de son propre langage architectural, réponse spécifiquement espagnole aux diverses pressions sociales, économiques et idéologiques de cette époque.
La deuxième partie de cet ouvrage présente une analyse discursive des domaines de l’architecture et de l’urbanisme à travers les rouages énonciatifs mobilisés par des textes variés, littéraires ou propres à l’urbanisme (par exemple des manifestes).
Fabien Desset dresse un état des lieux architectural dans « Shelley et l’architecture, ou quand le poète emploie des termes techniques ». L’étude des mots de l’architecture dans les écrits successifs shelleyens affiche une intertextualité évidente. Outre le témoignage d’une certaine artificialité architecturale puisque non vécue, elle rend compte d’une évolution de la dimension architecturale chez Shelley, à partir d’une évocation négative du « style gothique d’architecture » qui renvoie à l’obscurantisme chrétien vers une évocation positive d’une « architecture hypèthre » encline à une nature rédemptrice.
Michele Carini interroge « La spéculation immobilière (1957) d’Italo Calvino » ou « le choix d’un modèle constructif et urbanistique proscrit pour raconter les années 1950 en Italie ». Ce court roman semi-autobiographique qui décrit les étapes d’un chantier de construction immobilier, autant physique que financier, évoque tout autant le discours de l’architecture que l’histoire de l’architecture dans l’Italie des années 50. Cette construction multiple apparaît comme un acte précurseur et fondateur des Villes invisibles où la construction perdure pour éviter toute destruction, urbaine comme humaine.
Aude Laferrière se propose d’étudier Les Pierres sauvages de Fernand Pouillon, roman d’un architecte sur une œuvre architecturale : l’abbaye du Thoronet. Se donnant comme le journal de bord du moine qui la bâtit au XIIe siècle, cette œuvre propose une immersion totale dans l’univers architectural sous toutes ses facettes, mêlant considérations techniques d’un expert et retours réflexifs de l’artiste sur la nature de son art. Ce faisant, ce sont les pouvoirs du langage, dans sa capacité à rendre compte de la perception multidimensionnelle du réel, qui sont explorés.
Rémi Digonnet questionne « La part utopique du manifeste d’urbanisme » dans Delirious New York. A Retroactive Manifesto for Manhattan de Rem Koolhaas. L’analyse linguistique d’un manifeste urbanistique contemporain expose une vision de l’architecture empreinte d’une utopie perceptible dans le discours de Koolhaas à travers les notions de fantasme, d’utopie et de perfection, mais qui infuse également la rhétorique de l’architecte par son style et le recours récurrent à certaines figures relevant de l’utopie, qu’il s’agisse des métaphores ou des néologismes.
Esteban Restrepo interroge « La désobjectivation de l’architecture par le texte littéraire ». Le fait de faire entrer l’architecture en littérature transforme l’art présentatif primaire en art représentatif secondaire et par conséquent altère, voire transcende les principes architecturaux. Cette altération se trouve largement illustrée à travers les phénomènes suivants, observables dans le corpus choisi, Le Dépeupleur de Beckett : l’indétermination typologique, l’alternance de réseaux métaphoriques, la parodisation du discours scientifique, la conception d’ellipses, ou encore la variation syntaxique.
Pierre Manen investit « La fonction oblique ou la septième fonction du langage de l’architecture » grâce à une « Lecture linguistique d’Entrelacs de l’oblique de Claude Parent ». L’architecture ne se contenterait pas d’avoir une langue à soi mais représenterait une langue à part entière, composée d’un vocabulaire, d’une syntaxe, ou encore d’une grammaire architecturale. Cette fonction oblique, bien qu’utopique, rend compte d’une performativité de l’architecture-langue, propre à développer un monde nouveau qui reconfigure l’homme et l’univers.
Le troisième volet de l’ouvrage vise à interroger le principe métaphorique qui prévaut dans le discours de l’architecture. La métaphore se trouve au cœur d’un tel discours, qu’elle participe de la construction propre du discours architectural ou qu’elle permette d’infuser un modèle architectural dans des domaines aussi divers que la gouvernance, le texte ou la littérature. Ce faisant, elle rappelle que la valeur d’un espace ne réside pas que dans ses « perfections formelles » mais aussi « dans sa capacité à déclencher l’imagination créatrice qui surcharge le réel de symboles » (Bachelard, 1961).
Claire Kloppmann-Lambert interroge les « Métaphores en architecture : entre schémas partagés et licence créative ». C’est à partir de ce gradient qu’elle parcourt les différentes fonctions de la métaphore en architecture : rhétorique, didactique, évaluative ou encore persuasive. À partir d’un corpus composé de critiques d’architecture de la revue The Architectural Review, et après identification des métaphores, c’est l’architecture en tant que domaine cible qui est étudiée tant du point de vue linguistique que conceptuel.
Anna Riccio, Maria Di Maro et Valeria Cera étudient les « Expressions multi-sensorielles dans les Chartreuses de Campanie ». À partir d’une réflexion sur l’architecture « sensorialiste », différente de la simple l’architecture sensorielle, l’étude d’un corpus de textes architecturaux variés (descriptifs, explicatifs, argumentatifs, mixtes), à la lumière théorique de l’approche conceptuelle de la métaphore combinée à l’influence des cadres sémantiques, révèle une forte présence métaphorique dans les formes explicatives et dans le domaine du goût.
Dora Alexa-Morcov explore l’outil métaphorique architectural au profit de la gouvernance dans « Les architectures de la gouvernance. Imaginaire et discours de l’espace dans la construction du concept de la gouvernance ». La métaphore architecturale s’avère évolutive lorsqu’elle permet d’envisager une gouvernance en cube puis en réseaux. Sa visée est double car non seulement elle œuvre à la clarification d’un domaine cible complexe mais elle s’affiche également comme instrument politique de persuasion.
Florian Bulou Fezard articule deux univers distincts, celui de l’écriture et celui de l’architecture dans « De l’édification à l’édition : L’ambivalence technique d’un écrivain-bâtisseur ». Les regards croisés des participants d’une œuvre littéraire – auteur, éditeur, graphiste et lecteur – permettent de justifier l’analogie d’un texte-architecture où le lecteur-arpenteur se doit de se frayer un chemin à travers les interstices ou les cloisonnements textuels pour mieux appréhender l’œuvre proposée.
Adrien Chassain explore l’appropriation littéraire du dessin et de la maquette d’architecture dans « Dess(e)ins et maquettes de livres aux XVIe et XXe siècles : un trait architectural du discours de genèse ». Modernes ou renaissantes, les maquettes écrites ou desseins empruntent au domaine de l’architecture, pionnier en la matière. À partir d’un double corpus, l’étude d’un discours qualifié d’avant-textuel rend compte de la difficulté comme de la puissance pour l’auteur de prêter une existence sensible à des constructions provisoires ou pour jamais imaginaires.
L’ensemble de ces contributions permettra ainsi de montrer comment l’archilecte est une élaboration à partir d’expériences singulières d’architectes et artistes : un discours se développe alors dont l’une des caractéristiques essentielles semble être le recours à la métaphore.
1 Nous traduisons : « La grammaire n’est pas le bien immobilier du propriétaire ou du locataire. Mais celui qui conçoit l’habitat doit inévitablement parler et penser une langue consistante pour son architecture. Cela peut être et devrait être une langue propre si celle-ci demeure appropriée. S’il ne possède pas de langue propre, de grammaire donc, il doit en acquérir une, il parlera une langue ou une autre qu’il le veuille ou non ».
2 Nous traduisons : « La première conséquence de cette conception architecturale de la langue est la séparation de la partie du tout, du mot de la proposition. Ce modèle binaire caractérise l’analyse et l’utilisation de la langue à tous les niveaux. L’opération première, commune à la maçonnerie et au discours, est l’addition des parties ».
Ouvrages cités
- Bachelard, G., 1961, La Poétique de l’espace, Paris : Presses universitaires de France.
- Barthes, R., 1985, L’Aventure sémiologique, Paris : Éditions du Seuil.
- Hugo, V., 1831, Notre-Dame de Paris, Paris : Charles Gosselin.
- Pierson, J., 1946, 6–37-ter. Histoire d’une résistance, Gisors : Librairie Toussaint.
- Rener, F., 1989, Interpretation : Language and Translation from Cicero to Tytler, Amsterdam : Rodopi.
- Wright, F. L., 1954, The Natural House, New York : Horizon Press.
Cellule et cabane : mots pour un dialogue entre architectes et artistes
Charlotte Limonne
Résumé des informations
- Pages
- 414
- Année de publication
- 2023
- ISBN (PDF)
- 9782807616141
- ISBN (ePUB)
- 9782807616158
- ISBN (Broché)
- 9782807616134
- DOI
- 10.3726/b20707
- Langue
- français
- Date de parution
- 2024 (Mars)
- Published
- Bruxelles, Berlin, Chennai, Lausanne, New York, Oxford, 2023. 414 p., 5 ill. en couleurs, 10 ill. n/b, 2 tabl.