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Numérique et réel

Quand le numérique nous fait changer de monde

de Renaud Hétier (Éditeur de volume) Alexandre Lévy (Éditeur de volume)
©2023 Collections 228 Pages

Résumé

La montée en puissance du numérique s’est opérée très rapidement dans le monde, qu’elle modifie radicalement. Communiquer, travailler, s’informer, se cultiver, jouer, s’orienter ; tout cela se fait à présent de façon « virtuelle ». On voit ce qu’on y gagne, en facilités nombreuses, et il est difficile de s’en passer ; mais on commence aussi à s’apercevoir de ce qu’on peut y perdre.
Cet ouvrage, fruit d’échanges et de dialogues inter ou transdisciplinaires, vise à appréhender les déclinaisons du numérique, entendu comme appareillage quel qu'il soit, physique ou symbolique, venant suppléer aux limites de l'humain. Il traite notamment de la question sensible de la place du corps à l’heure de la virtualisation. Il aborde aussi le problème des territoires et des frontières face à une technologie « sans limites ». Il pose enfin la question de la qualité de nos liens et de notre faculté de penser en contexte numérique

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • I. Le corps et le virtuel
  • Quand l’adolescent investit le « corps » de l’avatar
  • Du réellement confiné au finement joué. Le jeu vidéo comme un béquillage face à l’angoisse de l’existence
  • Langage binaire et autisme : une troublante contemporanéité
  • Vers une subjectivité augmentée ? Le cas de Chris Dancy, un cyborg conscient
  • L’humain augmenté : du handicap à la compétition ?
  • Et si nous devenions des cyborgs ? Une anthropologie de l’éducation par-delà des dominations
  • II. Territoires et numérique
  • L’îléité réunionnaise confrontée à la mobilité virtuelle
  • Au-delà des territoires, au-delà du corps
  • Expansion obscène de la scène virtuelle : De la parodie pornographique à la parade numérique
  • Rendre la population conforme par les algorithmes : le cas chinois
  • Faire religion en ligne : le cas de l’Islam
  • III. Les liens et la pensée à l’ère du numérique
  • Instant de voir, processus de pensée. Avatars des images psychiques au temps du numérique
  • Numérique, lien aux autres et exposition de soi
  • De l’hypercommunication numérique à une présence retrouvée
  • Peut-on s’ennuyer au temps du numérique ?
  • Conclusion

Introduction

« L’ère numérique est advenue » annonce-t-on et pourrait même être dépassée par celle du « post-digital ». Derrière ces formules, se compile un certain nombre de phénomènes, d’effets, voire de symptômes qui viennent caractériser notre époque. Nous assistons à des transformations profondes dans les différents domaines de notre existence (couple, famille, santé, travail, loisirs, habitat, modes de consommation, etc.), mais également dans les liens interpersonnels, jusqu’à établir de nouvelles modalités d’appréhension du monde, tant dans les sphères politiques et institutionnelles que dans les sphères privées ou encore dans le rapport au langage et aux autres.

Ces rapports engendrent de nouvelles frontières et de nouvelles questions : dans ces recompositions des manières de travailler, de soigner, d’éduquer, de transmettre, de consommer, de se déplacer ou bien encore d’envisager une prévention et une gestion systématisée du vivant, quelles sont les positions nouvelles et possibles pour les sujets, les individus, les groupes ou les collectifs ?

Notre société devenue numérique met en tension les rapports, individuels et sociaux, au temps et à l’espace, c’est-à-dire au monde et aux autres. L’intimité, les relations sociales, le positionnement à l’égard de la loi, mais aussi les modalités de la rencontre, la relation au plaisir et à la jouissance, à l’information et au savoir, l’engagement, l’identité, et bien d’autres aspects encore du lien à soi-même et à l’autre, semblent profondément modifiés.

Les outils numériques composent l’interface de nos relations et de nos activités. Ils permettent de développer et/ou de maintenir une culture du lien, d’entretenir une socialité par la construction d’échanges permanents avec les proches. Ils ouvrent hors des frontières habituelles l’appartenance au groupe. Ces nouvelles dynamiques prennent ainsi part aux recompositions des identités (identités réelles, identités virtuelles).

On peut ainsi se demander si les outils et les activités numériques nous éloignent voire nous coupent du réel, en nous installant devant des écrans, des images virtuelles, des abstractions, en nous faisant tourner le dos à la nature, en nous faisant communiquer à distance, au risque de nous faire perdre corps. Ou bien si outils et activités numériques ouvrent une nouvelle dimension du réel humain, prolongeant seulement la capacité anthropologique à instrumenter les activités, à communiquer à distance et ouvrant en fait à de nouvelles formes de travail, d’activité, de loisir et de socialisation, qui sont bien constitutives du réel (cela ne relève pas d’un rêve, d’une hallucination ou d’un fantasme).

La prégnance numérique actuelle, en interrogeant notre rapport au « réel », interroge nécessairement aux conditions objectives de notre environnement, aujourd’hui marqué par l’Anthropocène. Or, cet Anthropocène se caractérise précisément par la dégradation de notre milieu de vie, par une perte d’habitabilité, par une menace sur l’avenir. On peut alors interpréter l’investissement massif des activités virtuelles comme des tentatives d’échapper à la confrontation à ce réel, à habiter d’autres espaces, sans aucun doute plus « plastiques », plus malléables.

Cet ouvrage, fruit d’échanges et de dialogues inter ou transdisciplinaires, vise à appréhender les déclinaisons du numérique, entendu comme appareillage quel qu’il soit, physique ou symbolique, venant suppléer aux limites de l’humain. Il cherche à interroger les incidences du numérique sur le psychisme, l’identité et le lien social.

L’accent est mis ici sur la recomposition et les transformations des rapports individuels et sociaux, des relations sociales et des interactions dans les manières de travailler, de soigner, d’éduquer et de transmettre avec la donne nouvelle du champ numérique. Dans cette optique, s’associent diverses disciplines pour appréhender ces perspectives : philosophie, psychopathologie clinique et psychanalyse, sociologie et anthropologie, sciences de l’éducation. Cette association tente de répondre aux questions suivantes : en quoi le numérique et les nouvelles technologies qui y sont reliées contribuent à construire une représentation de soi et de l’autre ? Quels sont leurs places et leurs rôles dans les processus d’identification, d’intégration, mais aussi dans l’exclusion et la fragilisation du lien social ? Quelles sont les incidences du numérique sur les pratiques et la pensée dans les domaines de l’éducation, de la psychologie, et du social ? Quelles sont ses répercussions au plan éthique ? Quels en sont les écueils, les excès et les risques ?

Aussi, cet ouvrage contribue à un état des lieux, mesurant autant les risques que les vertus de l’usage du numérique, tel un digne représentant du pharmakon de notre modernité.

Une première partie, intitulée « Le corps et le virtuel », permet d’approcher les différentes déclinaisons offertes par l’usage du numérique. Les perspectives ouvertes par les outils et applications, les déclinaisons du virtuel, les simulations, les avatars, sont une autre face de la thématique, permettant de considérer les enjeux liés aux jeux vidéo, mais également la question des violences dans et par le numérique. Les travaux de Camille Khounchef sur l’avatar dans le jeu vidéo, ainsi que de Benoiste Salembier sur la manière dont l’angoisse est mise en jeu dans les jeux vidéo permettent d’approfondir cette question. L’articulation proposée par Virginie Martin-Lavaud entre autisme et langage/codage binaire permet de questionner autrement divers aspects psychopathologiques. Nous pouvons également nous demander quels sont les apports et les changements opérés du numérique sur le rapport au corps ? Les problématiques autour du corps augmenté et des possibles hybridations, dont les dispositifs prothétiques, palliatifs, et ceux visant l’amortalité, mais aussi les traitements de la pulsion relèvent d’un questionnement de plus en plus présent. Les travaux d’Olivier Beaucé autour l’augmentation par hyperconnexion de Chris Dancy, ainsi que de Delphine Bonnichon sur l’hybridation dans le cadre de la rééducation fonctionnelle permettent de prendre part à la discussion. La question du cyborg est envisagée dans le champ de l’anthropologie de l’éducation avec la contribution de Nathanaël Wallenhorst.

Une deuxième partie, intitulée « Territoires et numérique », permet de penser les différentes manières dont le numérique configure ou reconfigure des frontières et des territoires, qu’ils soient physiques ou psychiques, matériels ou symboliques. Aussi, les questions autour de l’insularité et du voyage, les questions des racines et du dépaysement, du passage de frontières spatiales ou symboliques, de la présence du numérique au sein du logement, des contractions et des distorsions de l’espace et du temps liées au numérique sont des enjeux bien réels. Les travaux d’Hélène Jarousseau sur « l’îléité réunionnaise » devant l’offre du numérique envisagent cette dimension. La contribution de Fred Poché aborde l’articulation entre corps, déterritorialisation et territoires du numérique. Ces derniers sont approchés également par le travail de Pascale Peretti, autour de la question de l’hypervisibilité et de la « pornographisation » du lien social dans le champ numérique. Sur le plan géopolotique, le champ des Big data et de ses incidences est développé : l’exploitation des données « de masse », l’usage des algorithmes, ainsi que les diverses intentionnalités qui les soutiennent questionnent tout autant que l’économie numérique de la surveillance et de prédictibilité, des rapports biopolitiques et des enjeux de la communication. Les travaux de Vincent Guérin concernant l’ingénierie sociale en Chine et la gouvernementalité fondée sur les algorithmes en est un développement. Enfin, la question du traitement des religions et du religieux et de sa possible instrumentalisation, de par un nouveau rapport de communication avec le numérique apparaît importante : à travers le cas de l’islam, les travaux de Mostfa Ali développent cette perspective.

Enfin, une troisième partie, intitulée « Les liens et la pensée à l’ère du numérique », envisage les outils numériques comme des accélérateurs et des amplificateurs de communication. Messageries, textos, partage de photos et de vidéos, réseaux sociaux, jeux en ligne, etc. « Tout communique », comme on le dirait d’une maison dont toutes les pièces seraient liées entre elles. Cela pose cependant au moins deux problèmes majeurs. Dans une « maison où tout communique », peut-on encore trouver une pièce où « demeurer en repos » (Pascal), un lieu où s’isoler, pour penser, pour méditer, pour contempler. Le numérique engendre et fait l’objet de bon nombre de fantasmes et de nouvelles mythologies, tout en produisant un bouleversement du traitement de l’information (réseaux sociaux, fake news, images virales, etc.) et du statut de la vérité. Les travaux de Lucienne de Mélo Paz, Véronique Donard et Maria de Fátima Vilar de Melo sur la question de l’image venant concurrencer la pensée, forment une première approche réflexive sur cette thématique. Par ailleurs, que fait-on pour être en relation ? Communiquer – à distance – suffit-il à faire relation ? L’intensification communicationnelle numérique rend-elle la présence corporelle – et le corps-à-corps de la rencontre – moins importants ? Les travaux de Titouan Kéribin et d’Imogen Scott sur les conséquences du numérique sur le lien social, mais aussi ceux de Renaud Hétier sur l’hypercommunication, ainsi que ceux de Patrick Martin-Mattera sur la question de l’ennui au temps du numérique permettent de cerner ces différents aspects.

Quand l’adolescent investit le « corps » de l’avatar

Camille Khounchef1

Résumé des informations

Pages
228
Année
2023
ISBN (PDF)
9782875746597
ISBN (ePUB)
9782875746603
ISBN (Broché)
9782875746580
DOI
10.3726/b21040
Langue
français
Date de parution
2023 (Octobre)
Mots clés
Numérique réel virtuel lien social corps jeu big data ingénierie sociale langage territoires pensée augmentation hyperconnexion hypervisibilité ennui Numérique et réel Renaud Hétier
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2023. 228 p., 5 ill. n/b, 1 tabl.

Notes biographiques

Renaud Hétier (Éditeur de volume) Alexandre Lévy (Éditeur de volume)

Renaud Hétier est Professeur à l’UCO (Angers), collaborateur scientifique au CREN, EA 2661 (Nantes) et membre associé au LISEC UR 2310 (Université de Haute Alsace). Il développe une réflexion sur l’attention, la présence et la médiation en éducation, sur la portée anthropologique et psychologique des usages numériques, ainsi que sur la préparation de l’avenir en temps d’effondrements. Alexandre Lévy est Maître de conférences HDR en Psychopathologie Clinique à l’UCO Angers et responsable de la composante RPpsy UCO (Recherches en Psychopathologie et Psychanalyse) dans le laboratoire multisites RPpsy (anciennement EA 4050).

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Titre: Numérique et réel