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Jean de Bertier (1877-1926)

Un aristocrate à la frontière. France, Allemagne, Luxembourg

by Stéphane Einrick (Author)
©2025 Monographs XII, 514 Pages
Series: Convergences, Volume 114

Summary

Jean de Bertier fut un personnage de second plan. Ni chef militaire, ni capitaine d’industrie, ni ténor politique, il ne parvint pas à inscrire durablement son nom dans la mémoire collective. Pourtant, les abondantes archives conservées au château de Lagrange (Manom, Moselle) révèlent que cet aristocrate établit partout ses réseaux, depuis ses électeurs mosellans jusqu’à ses maîtresses du grand et du demi-monde parisiens. Suivre Jean de Bertier permet ainsi d’atteindre une forme d’histoire totale, croisant les thématiques du militaire, du politique, de l’économique et du social. Entre fidélité(s) et opportunisme, entre France, Alsace-Lorraine et Luxembourg, ce représentant d’une élite traditionnelle réussit-il à préserver la fortune et la position sociale de sa famille ?

Table Of Contents

  • Couverture
  • Page de titre
  • Page de droits d'auteur
  • Dévouement
  • Sommaire
  • Préface
  • Introduction
  • 1. Les fantômes de Lagrange et la genèse d’un projet
  • 2. Les enjeux du récit biographique
  • 2.1. De la disgrâce au renouvellement : un genre revenu à la mode
  • 2.2. Pièges et difficultés de l’écriture biographique
  • 3. Une opportunité archivistique à saisir
  • 4. La question des limites et des échelles
  • 5. La convergence des thématiques
  • 6. Une structure classique pour des questionnements multiples
  • Prologue : la part des héritages
  • 1. Les valeurs traditionnelles : la foi, le roi et la terre
  • 1.1. La foi catholique
  • 1.2. Le roi légitime
  • 1.3. La terre familiale
  • 1.4. Des mariages homogamiques
  • 1.5. Exempla et comportements déviants
  • 2. Les nouvelles pratiques familiales
  • 2.1. Depuis la Révolution : l’engagement militaire
  • 2.2. À partir des années 1880 : les investissements industriels
  • 3. Sociabilités, nationalité et frontières
  • 3.1. Un double réseau, local et national
  • 3.2. La nationalité française et le sentiment patriotique
  • 3.3. Les frontières en question
  • Conclusion sur la part des héritages
  • Première partie : la Belle Époque de Jean de Bertier (avant 1914)
  • 1. Un mondain jouisseur
  • 1.1. Les années de jeunesse (1877-1903)
  • 1.2. L’argent, les chevaux et les femmes
  • 1.3. Le goût de la vie mondaine
  • Conclusion sur la personnalité de Jean de Bertier
  • 2. L’amour du métier
  • 2.1. Un officier de cavalerie appliqué et ambitieux
  • 2.2. L’expérience combattante au Maroc
  • 2.3. Des opinions politiques et religieuses dissimulées ?
  • Conclusion sur la carrière militaire
  • 3. Le recentrement du patrimoine vers Paris
  • 3.1. Les grandes propriétés foncières : bonnes ou mauvaises affaires ?
  • 3.2. La vente de Lagrange : un abandon de la Lorraine ?
  • 3.3. Un désengagement partiel du Luxembourg
  • 3.4. À la recherche des meilleurs placements mobiliers
  • Conclusion sur les réorientations patrimoniales
  • Conclusion sur la Belle Époque de Jean de Bertier
  • Deuxième partie : les chemins de la victoire (1914-1919)
  • 1. Améliorer la liaison avec les Britanniques (1914-1917)
  • 1.1. De l’ambassade de Washington à la boue des Flandres (1914-1915)
  • 1.1.1. Comment Jean de Bertier est entré dans la guerre (août-septembre 1914)
  • 1.1.2. Officier de liaison dans les Flandres (octobre 1914-mars 1915)
  • 1.1.3. Témoin de la violence des combats
  • 1.2. L’expédition des Dardanelles (1915)
  • 1.2.1. Chef de la liaison française…
  • 1.2.2. … Et officier de renseignement
  • 1.2.3. Les multiples versions de la vie quotidienne
  • 1.3. Au War Office, à Londres (1916-avril 1917)
  • 1.3.1. Au plus près des décideurs militaires
  • 1.3.2. Les limites à ne pas dépasser
  • Conclusion : Jean de Bertier et la liaison franco-britannique
  • 2. Instruire les Américains, puis les suivre (1917-1919)
  • 2.1. En attendant les Américains (avril-octobre 1917)
  • 2.1.1. Un commandement sur le front
  • 2.1.2. Blessure et convalescence
  • 2.2. Instructeur à l’école d’état-major de Langres (octobre 1917-juin 1918)
  • 2.2.1. Nécessité et modalités de l’instruction des troupes américaines
  • 2.2.2. Un enseignant apprécié
  • 2.3. Retour à la liaison (juin 1918-août 1919)
  • 2.3.1. Officier de liaison au 3e C.A.U.S.
  • 2.3.2. Avec les troupes d’occupation américaines à Coblence
  • 2.3.3. Démission et sortie de guerre
  • Conclusion : les années décisives
  • 3. Réalités et limites d’un engagement
  • 3.1. Jean de Bertier, un combattant comme les autres ?
  • 3.1.1. La réalité des risques encourus
  • 3.1.2. Les privilèges liés au grade et au statut social
  • 3.1.3. La guerre moderne, ou les multiples visages du combattant
  • 3.2. Ambiguïtés patrimoniales
  • 3.2.1. Difficultés et enjeux de la gestion du patrimoine en France
  • 3.2.2. Patrimoine luxembourgeois et effort de guerre allemand
  • 3.3. Le rôle croissant de Marie-Louise
  • 3.3.1. La défense active de son couple
  • 3.3.1. La protection des proches
  • 3.3.2. Les engagements caritatifs
  • 3.3.3. Jusqu’où ne montera-t-elle pas ?
  • Conclusion : Complexité des individus et nécessaires limites de l’engagement
  • Conclusion sur les chemins de la victoire
  • Troisième partie : la politique comme accomplissement (1919-1926)
  • 1. Le Luxembourg : safe-haven pour le patrimoine
  • 1.1. Faire face à l’inflation
  • 1.1.1. Se séparer du foncier en France
  • 1.1.1.1. Vendre au meilleur prix
  • 1.1.1.2. Une exception : le rachat de Lagrange
  • 1.1.1.3. Au-delà du redéploiement géographique, une reconversion
  • 1.1.2. Investissements mobiliers au Luxembourg
  • 1.1.2.1. Concentration sur la sidérurgie luxembourgeoise
  • 1.1.2.2. Des contextes général et local favorables
  • 1.1.2.3. Des obligations aux actions
  • 1.1.2.4. Investissements, opportunités et fluctuations monétaires
  • 1.2. Déjouer la fiscalité
  • 1.2.1. Nette augmentation de la pression fiscale
  • 1.2.2. Les contre-mesures
  • 1.2.2.1. Tarder à régler ses impôts
  • 1.2.2.2. Oublier de déclarer une partie de ses revenus
  • 1.2.2.3. Placer son argent à l’étranger
  • 1.2.2.4. Garder de l’opacité
  • 1.3. Bilan : maintien du patrimoine et du mode de vie ?
  • 1.3.1. Patrimoine et mode de vie : une définition
  • 1.3.2. Ce que les archives laissent entrevoir
  • 1.3.3. Ce que les études historiques permettent de déduire
  • 1.3.4. Les incertitudes quant à la vie quotidienne
  • 1.4. Jean de Bertier devint-il un décideur économique ?
  • 1.4.1. Un rôle très limité en dehors du champ industriel
  • 1.4.2. Un administrateur de multiples sociétés sidérurgiques
  • 1.4.3. Quelle proximité avec les dirigeants ?
  • 1.4.4. Des pouvoirs finalement restreints
  • Conclusion sur les optimisations patrimoniales
  • 2. En Moselle : une carrière politique réussie
  • 2.1. 1919 : l’engagement
  • 2.1.1. Un contexte local propice
  • 2.1.2. Des atouts personnels
  • 2.1.3. Premier échec : les législatives de novembre
  • 2.1.4. Premières victoires : les municipales et cantonales de décembre
  • 2.1.5. Second échec : les sénatoriales de janvier
  • 2.1.6. Raisons de l’insuccès
  • 2.2. 1920-1921 : les années d’apprentissage
  • 2.2.1. Construire et élargir ses réseaux associatifs
  • 2.2.2. Faire sa place au sein de l’URL
  • 2.2.3. Gagner de l’expérience par l’exercice de mandats locaux
  • 2.2.4. Points faibles et adversaires
  • 2.3. L’élection sénatoriale partielle du 26 février 1922
  • 2.3.1. Les enjeux de l’élection
  • 2.3.2. Le déroulement de la campagne
  • 2.3.3. Une victoire décisive
  • 2.4. 1922-1926 : Une figure établie de la vie politique mosellane
  • 2.4.1. En position de force
  • 2.4.2. De faciles réélections ?
  • 2.4.3. Quelles perspectives ?
  • 3. Actions et idées politiques
  • 3.1. Intercession et représentation
  • 3.1.1. De multiples sollicitations
  • 3.1.2. Inaugurations et autres cérémonies
  • 3.2. La défense des intérêts locaux
  • 3.2.1. Manom face à Thionville
  • 3.2.2. Thionville face à Metz
  • 3.2.3. La Moselle face à Strasbourg
  • 3.2.4. La Moselle et l’Alsace face à Paris
  • 3.3. Les autres domaines d’action
  • 3.3.1. Moderniser l’agriculture
  • 3.3.2. Promouvoir l’action sociale
  • 3.3.3. Rester vigilant face à l’Allemagne
  • 3.4. Un conservateur en politique
  • 3.4.1. Le ralliement au régime républicain
  • 3.4.2. L’opposition au communisme et au Cartel des gauches
  • 3.4.3. Jean de Bertier était-il un modéré ?
  • Conclusion sur la politique comme accomplissement
  • L’« affreuse nouvelle » du 26 septembre 1926
  • Épilogue : Marie-Louise ou la continuité des engagements (1926-1940)
  • 1. Un patrimoine sérieusement menacé
  • 1.1. Les conséquences du décès de Jean de Bertier
  • 1.2. Les effets de la crise économique mondiale
  • 1.3. Les contre-mesures possibles
  • 1.4. Un bilan difficile à établir
  • 2. Une femme politique ?
  • 2.1. Une femme d’influence
  • 2.2. Le combat pour les droits des femmes
  • 2.3. Entre modération et conservatisme
  • 3. Drame familial et drame national
  • 3.1. Le drame familial : la mort d’Arnaud (1935)
  • 3.2. Le drame national : la guerre recommencée
  • 3.2.1. Face à Hitler : le choix de la fermeté
  • 3.2.2. Pendant la drôle de guerre (septembre 1939-mai 1940) : l’action humanitaire en faveur des civils et des soldats
  • 3.2.3. Prise dans la tourmente (mai-août 1940) : la persévérance dans l’action
  • Conclusion : continuités et ruptures
  • Conclusion
  • 1. Prudence et précautions
  • 1.1. Une biographie définitive ?
  • 1.2. Une reconstruction partielle
  • 1.3. La part des aléas
  • 1.4. Une mémoire très estompée, ou partiale
  • 2. Des enseignements tous azimuts
  • 2.1. Un aristocrate au comportement social traditionnel
  • 2.2. Entre service, faculté d’adaptation et désir d’affranchissement : un individu opportuniste
  • 2.3. La Grande Guerre : une rupture… et des continuités
  • 2.4. De la biographie d’un homme à l’émergence d’une femme
  • 2.5. L’effondrement du patrimoine et sa relativisation
  • 2.6. Les réalisations du militaire et du politique
  • 2.7. Primat de l’économique
  • 2.8. D’une périphérie nationale à un espace central transnational
  • 3. Perspectives d’extension de la réflexion
  • 3.1. Approfondir et réorienter les questionnements
  • 3.2. Poursuivre l’enquête postérieurement
  • 3.3. Comparer, dans l’espace de la Grande Région
  • Postface
  • Sources et bibliographie
  • Sources
  • Archives publiques
  • Archives privées
  • Sources imprimées
  • Bibliographie
  • Ouvrages
  • Articles et chapitres d’ouvrages
  • Références en ligne
  • Remerciements
  • Index des noms
  • Liste des tableaux
  • Liste des schémas et cartes
  • Annexes: Toutes les annexes sont issues des Archives du château de Lagrange, Manom, Moselle
  • Table des matières

JEAN DE BERTIER (1877-1926)

UN ARISTOCRATE À LA FRONTIÈRE.
FRANCE, ALLEMAGNE, LUXEMBOURG

Stéphane Einrick

Bruxelles · Berlin · Chennai · Lausanne · New York · Oxford

« Die Deutsche Bibliothek » répertorie cette publication dans la « Deutsche National-bibliografie » ; les données bibliographiques détaillées sont disponibles sur le site <http://dnb.ddb.de>.

©Archives du château de Lagrange, Manom, Moselle Publié avec le soutien financier de l’Université de Lorraine.

ISSN 1421-2854

ISBN 978-3-0343-5081-5

ISBN 978-3-0343-5083-9 E-PUB

ISBN 978-3-0343-5082-2 E-PDF

DOI 10.3726/b22677

D/2025/5678/02

Publié avec le soutien financier de l’Université de Lorraine.

Publié par Peter Lang Éditions Scientifiques Internationales - P.I.E., Bruxelles, Belgique

Cette publication a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’éditeur ou de ses ayants droit, est illicite.

Cette publication a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

À mes grands-parents

Sommaire

Préface, par Bertrand Goujon

Introduction

Prologue : la part des héritages

Première partie : la Belle Époque de Jean de Bertier (avant 1914)

Deuxième partie : les chemins de la victoire (1914-1919)

Troisième partie : la politique comme accomplissement (1919-1926)

Épilogue : Marie-Louise ou la continuité des engagements (1926-1940)

Conclusion

Postface, par Marie-François de Selancy

Sources et bibliographie

Remerciements

Index des noms

Liste des tableaux

Liste des schémas et cartes

Annexes

Préface

Encore une biographie d’aristocrate de l’ère proustienne ? Telle pourrait être la première réaction face à une étude qui s’attache, de surcroît, à reconstituer la trajectoire d’un « illustre inconnu » n’ayant pas eu la gloire d’inspirer l’un des personnages de la Recherche du Temps perdu (ou même de frayer avec son auteur) et apparaissant, à bien des égards, comme un « second couteau », que ce soit dans la phalange des « barons du fer »1 de l’espace lotharingien, au sein des états-majors ou parmi les parlementaires français de son temps. Une telle appréciation ne rendrait toutefois pas justice au livre, tiré de sa thèse de doctorat, que Stéphane Einrick a consacré au comte Jean de Bertier de Sauvigny (1877-1926). Certes, ce dernier a occupé des positions – et joué un rôle – souvent secondaire dans les divers secteurs d’activité dont il a été partie prenante. Certes, il a promptement sombré dans l’oubli collectif après son décès prématuré. Pour autant, ce rejeton d’une famille d’ancienne noblesse de robe reconvertie dans le métier des armes, qui n’est ni un self-made-man, ni un héritier cantonné à la seule perpétuation des pratiques et des considérations des générations l’ayant précédé, se retrouve dans d’opportunes positions d’interface, voire de nodalité, dans les champs économique, militaire et politique à la croisée desquels est envisagée son existence.

Les qualités de l’ouvrage dont il constitue le pivot sont d’abord d’ordre épistémologique et méthodologique. Loin de succomber aux pièges de l’idéalisation ou de l’illusion biographique, Stéphane Einrick parvient à construire une véritable « biographie herméneutique » – dans le sens entendu par François Dosse – et à articuler dans leurs spécificités les divers contextes multiscalaires au sein desquels la trajectoire de Jean de Bertier se déploie, sans survaloriser la singularité de cette dernière, mais sans chercher non plus à en faire un simple cas représentatif ou significatif du milieu social et du cadre spatio-temporel dans lesquels elle s’inscrit. La tension entre l’individuel et le collectif est ainsi appréhendée grâce à une reconstitution minutieuse des multiples réseaux – à la fois successifs, cumulatifs et imbriqués – dans lesquels s’intègre le protagoniste de l’étude et qui constituent pour lui un faisceau d’opportunités et de contraintes dont il se saisit avec une persévérance et un succès fluctuants. Par la mise au jour des limites, des échecs et des ambivalences des stratégies qu’il met en œuvre, les « champs des possibles » qui pouvaient encore s’offrir à un aristocrate dans l’Europe du tournant des XIXe et XXe siècles se donnent ainsi à voir.

Une telle étude n’a été possible que par la rigoureuse exploitation des archives privées que les descendants de Jean de Bertier conservent au château de Lagrange, dans la commune mosellane de Manom. Celle-ci devient le « fief » électoral à partir duquel le comte amorce un cursus honorum politique qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mène au Sénat. Inédit, ni classé, ni trié, ce fonds a été étudié avec une minutie qui force le respect, en particulier pour ce qui est de nombreux documents d’ordre financier ou gestionnaire. Stéphane Einrick a réussi le tour de force d’en tirer la matière d’une très vivante et stimulante restitution des stratégies d’investissement ou d’optimisation financière et fiscale dont les détails s’y cachaient au détour – ou dans l’implicite – d’actes apparemment arides. Il est vrai que les sources du for privé étaient a contrario assez rares à Lagrange, si l’on excepte quelques agendas ou des épaves de correspondance. Si cela a pu limiter les investigations dans une perspective d’histoire culturelle – laquelle n’est toutefois pas absente des investigations, loin s’en faut, avec l’étude des modes de vie et pratiques de consommation, de la mondanité parisienne ou des aventures extra-conjugales du comte –, Stéphane Einrick n’en a été que plus incité à moissonner, avec le plus grand profit informatif, dans les archives publiques françaises et luxembourgeoises.

Les recherches qu’il y a menées en mobilisant une documentation bilingue lui ont permis de restituer une trajectoire qui illustre à la fois les pratiques, les opportunités et les ambivalences de la multiterritorialité transfrontalière caractérisant une partie des noblesses européennes2. Jean de Bertier n’appartient certes pas à ce gotha d’envergure transnationale qui cultive un cosmopolitisme distinctif et exclusif et qui déploie jusqu’en 1914 (voire au-delà) un train de vie ostentatoire dont les détails peuplent les pages des mémorialistes et les lignes de la chronique mondaine à travers tout le continent européen. Mais son ascendance est prestigieuse, il est introduit dans la plus « haute société » et il reste riche en dépit des soubresauts économiques et monétaires de son temps, grâce à de judicieux redéploiements patrimoniaux qui ne s’encombrent pas de considérations sentimentales ou sociosymboliques. En témoigne la vente du château familial de Lagrange en 1911, à une époque où le « retour à la France » de la Moselle semble hors de portée, où le centre de gravité de son existence et de ses affaires se recentre vers Paris et la Bretagne et où les valeurs mobilières et prêts hypothécaires apparaissent plus lucratifs que l’immobilisation du capital dans des propriétés immobilières grevées de charges…, mais qu’il peut devenir opportun de racheter, à bon prix, lors de la liquidation des biens « ennemis » après le traité de Versailles !

Force est par ailleurs de constater que sa carrière d’officier, puis de maire de Manom, de conseiller général de Thionville et de sénateur de la Moselle s’effectue dans un cadre institutionnel strictement hexagonal. Issu d’une famille de tradition légitimiste et catholique, « rallié » pour sa part à la République, économiquement conservateur, mais socialement progressiste, Jean de Bertier s’intègre à l’Union Républicaine Lorraine, après de premières tentatives avortées en 1919 et au prix de durables réticences envers sa personne et ses ambitions au sein même de cette organisation politique qui entend concilier patriotisme « bleu-horizon » et préservation des intérêts mosellans. Il n’en reste pas moins que ses horizons restent internationaux, ce que facilitent sa maîtrise de plusieurs langues étrangères, son intégration dans la sociabilité élitaire et son goût des voyages et de l’itinérance résidentielle – et ce qui interdit de voir en lui une simple notabilité provinciale ou nationale. Il en va ainsi des missions qu’il a assurées comme officier breveté stagiaire au Maroc et comme attaché militaire à Washington durant les dernières années de la « Belle Époque », puis en tant qu’agent de liaison auprès d’états-majors britannique et américain avant de devenir en octobre 1917 instructeur de troupes étatsuniennes aux côtés desquelles il entre en Allemagne après l’armistice de Rethondes.

Si le constat de l’ouverture internationale est moins net dans ses prises de position politiques, Jean de Bertier n’étant ni un « homme des frontières » comme Robert Schuman, ni un « homme de la frontière » comme Raymond Poincaré (deux de ses contemporains, Lorrains comme lui, qui ont contribué à son occultation historiographique et mémorielle), il est en revanche frappant sur le terrain économique. Grâce au dépouillement des archives de l’ARBED (le groupe sidérurgique luxembourgeois qui devait être intégré en 2002 dans Arcelor), Stéphane Einrick révèle un homme qui, dépourvu de compétences techniques en matière industrielle, sait parfaitement « rester noble dans le monde des affaires »3 au sein de ces structures qui incarnent sur le plan affairiste une Lotharingie transfrontalière préfigurant l’intégration économique de l’espace européen après 1945. Administrateur prompt à cumuler les jetons de présence, habile à ménager les susceptibilités de ses collègues et à user d’un entregent qu’a conforté son habitus notabilitaire, Jean de Bertier sait y ménager au mieux ses intérêts financiers, en période d’inflation galopante et de différenciation des politiques fiscales et monétaires entre la France et le Luxembourg. Héritier de terrains à Dudelange, il les convertit sans état d’âme pour des usages industriels ou spécule sur leur lotissement pour financer le train de vie distinctif par lequel il maintient le lustre de son lignage, sinon parmi les « deux cents familles », du moins parmi les franges les plus aisées de la société française. Actionnaire apte à saisir les informations d’initiés et les conseils avisés d’experts patentés, contribuable jouant volontiers la montre pour s’acquitter de ses impôts et dissimulant sciemment ses placements à l’étranger qui en ont fait un discret « profitant de guerre », il ne s’encombre pas des considérations patriotiques au nom desquelles il appelle ses électeurs à souscrire à des emprunts nationaux qu’il dédaigne dans son propre portefeuille mobilier.

Sans doute son cas n’est-il ni généralisable, ni emblématique des mutations effectuées par les aristocrates français dans les premières décennies du XXe siècle – et telle n’est pas, d’ailleurs, l’ambition de la démonstration rigoureusement et très pédagogiquement effectuée par Stéphane Einrick. L’écriture fine et prudente que ce dernier met en œuvre permet de penser la complexité et l’ambivalence d’un homme qui apparaît singulièrement opportuniste et flexible, que ce soit dans sa carrière militaire, dans ses engagements et calculs politiques, dans ses stratégies patrimoniales et fiscales ou dans ses amours. À la fois brillant et limité dans ses ambitions comme dans ses réalisations, sérieux et dilettante, séducteur et manipulateur, parfois attachant et souvent horripilant, Jean de Bertier révèle les ambiguïtés d’un groupe social qui sait ne plus pouvoir s’en remettre au seul « plaisir de Dieu »4 pour maintenir ses positions dans la France de la Troisième République, mais qui n’en persiste pas moins à (prétendre) se jouer des règles communes, à se distinguer dans la quête de formes d’excellence et d’illustration partiellement inabouties, mais qui n’attestent pas moins que l’Histoire n’est pas (seulement) un « cimetière d’aristocraties »5.

Bertrand Goujon

Professeur d’histoire contemporaine

Université de Reims Champagne-Ardenne (CERHiC, UR-2616)

Reims, le 22 septembre 2024

Introduction

1. Les fantômes de Lagrange et la genèse d’un projet

Ma première rencontre avec Jean de Bertier date du 16 septembre 2001. Dans le cadre des journées du patrimoine, le château de Lagrange, à Manom, en Moselle, proposa son traditionnel spectacle, intitulé « les fantômes de Lagrange ». Il s’agissait de faire revivre, grâce à l’illusion théâtrale, des ancêtres défunts, et, à travers eux, de permettre aux visiteurs de découvrir un peu de l’histoire du château et de la région. Ce jour-là, je fus moi-même l’un de ces fantômes. J’incarnai le représentant en France de la Gutehoffnungshütte et donnai la réplique, dans la chambre dorée, à un certain Jean de Bertier1. Ce premier face-à-face ne dura qu’une journée.

Au cours des éditions suivantes, je continuai à me prêter au jeu. Les rôles changeaient et Jean de Bertier disparut de la distribution. En 2014, lors de la préparation du spectacle, le comte et la comtesse de Selancy m’apprirent que le château abritait les archives familiales. Je décidai immédiatement de travailler sur ces sources, inédites et abondantes. Je me consacrai d’abord à la biographie d’Anne-Pierre de Bertier de Sauvigny (1770-1848)2. Ensuite, je retrouvai Jean de Bertier, la figure la mieux documentée des archives de Lagrange. Ce second face-à-face allait durer 10 ans.

Toute biographie approfondie requiert en effet du temps. David Bates le souligne expressément : « depuis la publication de William the Conqueror en 2016, on m’a souvent demandé combien de temps avait pris sa rédaction. Elle a demandé 50, 16 et 3 ans »3. Les 50 ans se réfèrent à ses premiers contacts d’historien avec la figure de Guillaume le Conquérant, les 16 ans au contrat passé avec l’éditeur et les 3 ans au débouché de sa réflexion. Dans une formulation parallèle, je pourrais affirmer que la rédaction de Jean de Bertier me prit 23, 10 et 2 ans : 23 ans depuis le premier contact, 10 ans depuis les débuts de mon exploration des archives et 2 ans de réagencement de mes résultats.

La nécessaire maturation du travail implique la maturité de l’auteur. François Dosse y voit une condition du travail biographique. Il cite les points de vue convergents de Jean-Pierre Azéma : « écrire une biographie ne peut être qu’une entreprise de la maturité » et d’Anthony Rowley : « la biographie est un genre casse-gueule et c’est pour cela que c’est une œuvre de la maturité »4. Toutefois, si l’on se réfère à l’avis de Pierre Chaunu, lui-aussi cité par François Dosse : « la démarche (biographique) convient peut-être mieux à la vieillesse, car il faut avoir expérimenté le chemin de la vie pour être un bon biographe »5. Ayant consacré moins de temps à Jean de Bertier qu’Anthony Bates à Guillaume le Conquérant, j’achève donc mon travail à l’âge trop jeune de 44 ans !

2. Les enjeux du récit biographique

2.1. De la disgrâce au renouvellement : un genre revenu à la mode

La biographie est une forme très ancienne d’écriture de l’Histoire. Dans son genre héroïque, elle présentait des modèles de comportement, en revêtant un aspect hagiographique. À l’échelle de la famille Bertier, une œuvre se rapproche de cette tradition. Il s’agit des deux tomes publiés en 1899, sous la plume de Jean Charles Kohn, et intitulés Histoire des seigneurs et de la seigneurie de Lagrange6. Cet ouvrage, sans doute commandé par la famille, ne fait apparaître aucune des sources utilisées. Il se concentre sur la période antérieure au XIXe siècle, et notamment sur les questions familiales et matrimoniales. Il est donc de peu de secours pour une étude scientifique des Bertier.

Au cours du XIXe siècle, le genre de la biographie héroïque perdit son prestige. L’histoire cherchait à se légitimer comme science sociale. Pour cela, elle tendit à « affirmer l’impersonnalité comme critère fondamental de scientificité »7. Le discrédit fut renforcé à l’époque de la domination de l’école des Annales, des années 1930 aux années 1980. Reprenant la proposition du sociologue François Simiand de se détourner des trois « idoles » chronologique, politique et biographique, les historiens mirent l’accent sur une histoire économique et sociale, orientée vers l’étude des structures, des espaces et de la longue durée8. La société primait sur l’individu. Ce dernier, dans une vision déterministe, subissait l’action de structures le dépassant. Le travail biographique se trouva dévalué, réduit à la compilation d’anecdotes9.

Les années 1980 marquèrent le renouvellement de la biographie. Deux nouveaux modes d’écriture s’imposèrent. Le premier fut la biographie modale, dans laquelle le sujet choisi est représentatif d’une catégorie sociale donnée, à une époque donnée. Le présent ouvrage ne relève pas de cette catégorie. Jean de Bertier évolue dans un espace et des champs d’action trop spécifiques pour être caractéristique d’un large groupe. Il faut donc, pour l’étudier, choisir le second mode d’écriture, la biographie herméneutique10. Elle est liée au développement, à partir des années 1970, en Italie, d’un nouveau courant historique, la micro storia (micro-histoire). Cette dernière mit justement l’accent sur les « logiques individuelles, singulières, qui s’insinuent à l’intérieur même des logiques structurelles »11. Étudier Jean de Bertier n’est donc plus anecdotique. C’est le moyen de révéler les interactions entre lui-même et la société de son temps, sans postuler de priorité de l’un(e) sur l’autre. Il ne s’agit pas d’une restriction de la réflexion, puisqu’un individu peut être plus complexe que l’ensemble social dont il fait lui-même partie12.

La légitimité du travail biographique ne se limite donc pas aux seuls idéaux-types (biographie modale), mais s’étend potentiellement à chaque individu (biographie herméneutique). Alain Corbin s’intéressa même à un parfait inconnu, choisi au hasard, si bien qu’il commença son propos par la formule suivante, surprenante : « Louis-François Pinagot a existé »13. Avec Jean de Bertier, nous avons un individu au positionnement intermédiaire, entre anonymat et célébrité. Sa carrière politique lui procura, de son vivant, une notoriété et une visibilité locales, mais dont la mémoire fut perdue. L’éloignement temporel faisant aussi son effet, Jean de Bertier est aujourd’hui oublié, même en Moselle, et même à Thionville. Ce travail lui offre une existence nouvelle, et, permet, pour reprendre les mots d’Alain Corbin, « de le re-créer, de lui offrir une seconde chance […] d’entrer dans la mémoire de son siècle »14.

2.2. Pièges et difficultés de l’écriture biographique

Sur le plan épistémologique, le travail biographique présente de nombreux risques. Un premier écueil consiste à réduire la biographie à « une sorte de test pour confirmer ce que l’on sait déjà par ailleurs d’une époque […] le risque étant dans ce cas de ne rien apporter de nouveau à la connaissance historique »15. J’ai donc veillé à ne jamais restreindre Jean de Bertier au rôle de banc d’essai des thèses dominantes de l’historiographie actuelle. Une deuxième difficulté ressort de la complexité de toute trajectoire individuelle. Claire Bidart invite à dépasser le sujet biographié, en prenant en compte les « vies reliées »16. Ainsi, écrire la biographie de Jean de Bertier impose d’étudier les réseaux dans lesquels il fut intégré et donc d’envisager, au-delà de sa personne, toute une galaxie de portraits annexes.

Il convient de s’attarder davantage sur la troisième difficulté. L’historien, dans une démarche scientifique, doit faire preuve d’objectivité, ou, pour utiliser un vocable plus judicieux, d’impartialité17. Ce nécessaire détachement serait difficile à conserver. L’écriture biographique crée, entre l’historien et son sujet d’étude, un rapprochement, une connivence qui rendrait l’impartialité impossible18. Pour ma part, je me reconnais, vis-à-vis de Jean de Bertier, dans le sentiment exprimé par Alain Corbin envers Louis-François Pinagot : « un être […] auquel aucun lien affectif ne me rattache ; avec lequel je ne partage, a priori, aucune croyance, aucune mission, aucun engagement »19. Contrairement à Jean de Bertier, je n’appartiens pas à l’aristocratie. Je ne suis ni officier, ni homme d’affaires. Je n’envisage pas de carrière politique. Enfin, et surtout, je vis à une époque très éloignée de la sienne. À y bien réfléchir, notre seul point commun serait d’avoir, en partie, grandi et vécu dans le même espace, la région de Thionville, et de nous identifier comme Mosellans, ou Lorrains. Je confesse donc une certaine empathie pour Jean de Bertier lorsqu’il batailla pour défendre les intérêts mosellans face à Strasbourg, ainsi que les intérêts de la Moselle et de l’Alsace face à Paris. Toutefois, ce sentiment d’impartialité ne serait-il pas une illusion, une sorte de satisfecit que je m’accorderais, pour me dédouaner, à bon compte, de l’inévitable parti-pris du biographe ? Martine Boyer-Weinmann, en s’intéressant plus spécifiquement aux biographies littéraires, définit ce qu’elle appelle la « relation biographique » :

La relation biographique qui s’instaure entre pairs, un biographe et un biographié écrivains, repose en effet sur une transaction complexe, aux enjeux symboliques différents, parfois opaques, où l’un comme l’autre doit trouver plus de gain de reconnaissance que de perte20.

Jean de Bertier et moi-même ne sommes pas des écrivains, et donc, à ce titre, pas des pairs. Il n’empêche que je fus – et que je suis encore – en « relation biographique » avec lui. Nous en tirons tous deux avantage. J’y obtiens une audience scientifique. Il y acquiert une visibilité historiographique. Inévitablement, je me présente sous un jour favorable, et je veille à le rendre intéressant. Je dois donc convenir d’une partialité dans mon travail, même limitée, même inconsciente.

Une quatrième et dernière difficulté se rapporte à la manière de rédiger. Faut-il privilégier le style ou, au contraire, s’en tenir à une rigoureuse sobriété scientifique ? La question dépasse la biographie. L’histoire reste, avant tout, un récit, relevant des règles de la littérature. Nicolas Offenstadt propose une attitude à suivre, pour conserver un maximum de scientificité : « aujourd’hui, il est généralement considéré que l’écriture de l’histoire se doit d’être avant tout précise et claire, sans trop d’effets de style »21. Je me suis efforcé de suivre ce conseil, en donnant au texte produit un double caractère : intelligent pour l’historien, et intelligible pour le novice.

3. Une opportunité archivistique à saisir

Pour les grandes figures, maintes fois étudiées, l’historien bénéficie des travaux de ses prédécesseurs. Philippe Contamine l’avoue sans ambages : « tant de biographies [de Charles VII], dont quatre ou cinq servent toujours de référence (j’y ai puisé sans scrupules) »22. Pour Jean de Bertier, je devais construire, sans appui, une première biographie. Il me fallait donc « fouiller toutes les sources »23. Il s’agissait essentiellement des archives de Lagrange, hébergées au grenier du château, dans de grandes malles et de grands cartons. Le volume des archives utilisées pour ce travail peut être estimé à environ 60 boîtes de dimensions 33,5 × 25 × 10 cm, soit 6 mètres linéaires24. Je les complétai par des recherches dans des fonds publics, à savoir les archives du Service historique de la Défense, à Vincennes, les archives du Sénat, à Paris, les archives nationales du Luxembourg et les archives départementales de la Moselle et des Côtes-d’Armor.

Les archives de Lagrange sont des archives privées. Elles sont la propriété du comte de Selancy. Ce dernier peut librement décider de leurs conditions de consultation25. Sa confiance en moi m’a permis d’y accéder sans aucune restriction. Il m’a même été possible d’emprunter les différents cartons d’archives pour les étudier chez moi. De plus, je n’ai jamais perçu de volonté de contrôle, ni de censure, de sa part. Enfin, Jean de Bertier et tous les protagonistes mentionnés dans ce travail étant décédés, je n’ai pas été soumis au respect de leur vie privée26. J’ai ainsi bénéficié d’une totale liberté, condition indispensable à toute recherche historique efficace.

Les archives de Lagrange sont aussi des archives familiales, à l’intérêt double. Le premier est leur quantité et leur très grande diversité, permettant d’explorer des champs thématiques multiples. Claude-Isabelle Brelot qualifie même d’« irremplaçable » l’apport des archives familiales privées pour l’étude des élites des XIXe et XXe siècles27. Elles peuvent être utilement complétées par la mémoire familiale. La distanciation temporelle vis-à-vis de Jean de Bertier a cependant réduit son recours à l’épilogue28. Le second intérêt des archives de Lagrange est qu’il s’agissait de sources jamais encore exploitées. Ainsi, Jean de Bertier restait une figure méconnue. La seule publication dans laquelle il apparaît vraiment est l’œuvre d’une historienne britannique, Elizabeth Greenhalgh29. Elle avait, pour ce faire, eu recours à des fonds publics, sans connaître l’existence d’archives familiales. Je me trouvais donc dans une configuration archivistique exceptionnelle.

Toutefois, les archives de Lagrange présentent des limites. Comme n’importe quel fonds d’archives, elles ne peuvent être exhaustives. Leur état actuel résulte, sans doute, de sélections ou d’épurations antérieures, dont nous ne savons rien. Ces éventuelles pertes peuvent aussi résulter d’une dispersion des archives au cours du temps, au gré des déménagements et des héritages. Les archives de Lagrange présentent aussi des contraintes. Elles ne sont pas classées. Elles étaient même mélangées. Il s’agit d’une situation fréquente dans les fonds privés des familles de la noblesse. On y distingue traditionnellement les « archives », rares, anciennes et précieuses, des « papiers », plus nombreux et récents, datant des XIXe et XXe siècles, et auxquels peu d’attention est portée30. Ce sont justement ces « papiers » qui tiennent lieu de source à ce travail, et que je désigne moi-même sous le vocable d’« archives ». Pour pouvoir structurer mon travail, j’opérai un classement qui, sans respecter les règles d’un archivage professionnel, permet de retrouver rapidement un document.

Il faut rappeler que les archives de Lagrange ne constituent pas l’unique source de ce travail. Celles du Service historique de la Défense s’imposent, en raison de la carrière militaire de Jean de Bertier. En plus de son dossier personnel d’officier, les principales ressources sollicitées furent les séries GR 7N (état-major de l’armée, 1872-1940), GR 16N (grand quartier général, 1914-1920) et GR 17N (missions militaires françaises, 1914-1923). Il faut accorder une mention spéciale à la cote GR 7N 2170, permettant d’accéder à 29 longues lettres manuscrites de Jean de Bertier, relatives à son activité de renseignement au cours de l’expédition des Dardanelles en 1915. Les archives du Sénat furent également interrogées, puisque Jean de Bertier y fut élu en 1922 et réélu en 1924. Les débats en séance plénière étant numérisés à partir des journaux officiels, ils sont facilement accessibles sur le site internet de la bibliothèque nationale de France31. Ce n’est pas le cas des débats en commission. Je me suis donc rendu au palais du Luxembourg, afin de consulter les procès-verbaux des délibérations des commissions dont Jean de Bertier fut membre : Alsace-Lorraine, armée et affaires sociales32. Quant à son engagement politique local, il peut être documenté grâce aux archives départementales de la Moselle, tant par les procès-verbaux des assemblées dont il fut membre (conseil général de la Moselle et conseil consultatif d’Alsace-Lorraine) que par les articles de presse relatifs à sa carrière politique. D’autres fonds publics permettent de compléter les archives de Lagrange au niveau des questions économiques. Il s’agit, en France, des archives départementales. J’ai eu recours à celles des Côtes d’Armor, pour mieux comprendre les évolutions du patrimoine foncier détenu en Bretagne. Celles de la Moselle ont été fondamentales pour mieux analyser les successions. Les archives nationales du Luxembourg ont été précieuses pour vérifier certaines interprétations et tenter d’approfondir la réflexion sur le rôle de Jean de Bertier et de son père Anatole dans la sidérurgie luxembourgeoise.

4. La question des limites et des échelles

L’explication d’un parcours individuel requiert de mobiliser toutes les échelles de temps. Robert Belot indique que le temps court correspond aux émotions, aux réactions face aux événements de la vie ; que le temps moyen serait celui de l’organisation, de l’affirmation, dans le cas notamment d’un homme politique ; et, enfin, que le temps long conviendrait aux valeurs, au milieu social, au contexte33. Il faut évidemment adapter ce modèle au sujet biographié. La moyenne durée me servit de cadre temporel général. Dès que nécessaire, je basculai vers le temps court, pour analyser par exemple l’élection de Jean de Bertier au Sénat en février 1922. L’intérêt de mettre en évidence ce qui relève du temps long m’amena à dépasser l’existence propre de Jean de Bertier (1877-1926), pour ajouter prologue et épilogue, et ainsi doubler l’extension temporelle de mon étude (vers 1840-1940). Bien sûr, je n’atteignis pas un temps absolument long, pluriséculaire, mais un temps relativement plus long, suffisant pour une mise en perspective pertinente, entre Jean de Bertier d’une part, et ses prédécesseurs et successeurs d’autre part.

Le prologue (vers 1840-1903) couvre les générations précédentes. Il permet de mettre en scène le contexte familial et les héritages reçus par Jean de Bertier. On remarque que ce prologue déborde sur la jeunesse de Jean de Bertier (1877-1903). Il convient de déterminer s’il s’inscrivit ou non dans la continuité de ses parents et de ses ancêtres, autrement dit, si ces données du temps long restèrent valables au cours de sa vie, et même au-delà. L’épilogue, de façon simplifiée, procède de la réflexion inverse. Il s’agit de réfléchir aux continuités entre Jean de Bertier et son épouse Marie-Louise, de 1926 à 1940. En plus de leur pertinence biographique, prologue et épilogue présentent un intérêt archivistique. Ils sont l’occasion d’exploiter, autour du grand pôle documentaire que représente Jean, les archives intermédiaires subsistantes34. Si on y ajoute mes travaux précédents centrés sur Anne-Pierre (1770-1848), j’aurai ainsi, en m’appuyant sur les archives de Lagrange, étudié la dynastie nobiliaire des Bertier sur un très long XIXe siècle, de 1789 à 1940.

Venons-en maintenant au cadre spatial. L’échelle nationale, longtemps dominante, a perdu sa suprématie. Pour illustrer cette réalité, citons deux ouvrages : Histoire mondiale de la France et C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France35. Un exemple encore plus fort de ces jeux d’échelles est la publication Le cinéma à Metz : 1908-1919. Une histoire locale du cinéma mondial 36. Le travail biographique s’inscrit aisément dans ce décloisonnement. Pour étudier Jean de Bertier, il faut en effet multiplier les échelles, qu’elles soient locale (par exemple, à Manom), régionale (en Moselle, en Bretagne, en Alsace-Lorraine), nationale (en France, au Luxembourg) ou internationale (dans l’Europe en guerre, et dans une économie déjà mondialisée).

Il est donc impossible de cantonner Jean de Bertier à une échelle donnée, ni à un espace défini. La région de Thionville et le sud du Luxembourg peuvent cependant être considérés, du point de vue de ses activités et préoccupations, comme un espace central. Au gré des modifications de frontière de 1871 et 1918, cette terre d’entre-deux, ou Zwischenraum, mit en contact, d’une part, la France ou l’Alsace-Lorraine allemande et, d’autre part, le Luxembourg. En ce sens, écrire la biographie de Jean de Bertier revient à faire de l’histoire transnationale. Cette dernière repose justement sur l’étude d’acteurs non étatiques, agissant de part et d’autre des frontières traditionnelles37. Histoire transnationale et biographie fonctionnent donc bien ensemble38. Elles résonnent avec le développement actuel des eurorégions, comme la Grande Région, regroupant Sarre, Rhénanie-Palatinat, Wallonie, Luxembourg et Lorraine39. Dans le cadre plus général des border studies, des espaces longtemps étudiés séparément et vus comme périphériques sont désormais reliés. La présente biographie s’inscrit totalement dans ce mouvement. Par la suite, les archives familiales de Lagrange, bien que privées et donc potentiellement difficiles d’accès, pourraient nourrir de futures recherches sur ces questions transnationales, toujours dans le cadre de la Grande Région.

Il faut cependant nuancer. Jean de Bertier représente un cas-limite. Au niveau de sa carrière, au niveau de son identité comme de sa culture, il se définit dans un cadre national français. Mes travaux restent fondamentalement axés sur des archives et une bibliographie françaises. Il faudrait sans doute parler de pratiques transfrontalières plutôt que d’un positionnement transnational, cette dernière grille de lecture étant surtout valide dans le domaine économique, à propos de la gestion de la fortune. Tout dépend donc de la thématique envisagée.

5. La convergence des thématiques

La mémoire familiale désigne Jean de Bertier comme « le sénateur », mais il est difficile de le réduire à sa seule activité politique, relativement brève (1919-1926). Il faut aussi étudier sa longue carrière militaire (1896-1919) et s’interroger, à travers lui, sur l’évolution de la noblesse, dans une dimension sociale. Enfin, les questions financières et économiques s’ajoutent aussi, en raison de sa fortune, des investissements réalisés et de sa participation à la gestion de grandes entreprises.

Les multiples facettes de Jean de Bertier ont donc laissé des traces relevant, avant tout, du social, du militaire, du politique et de l’économique. Or, l’historiographie est, depuis une vingtaine d’années, largement dominée par les thématiques culturelles. Mon travail est-il, dès lors, dépassé ? En réalité, il a pu bénéficier de renouvellements récents. L’histoire militaire s’est profondément transformée, sous des vocables multipliés (war studies, imperial studies). Les recherches intègrent notamment les questionnements économiques et sociaux (relevant des sociétés) tout comme le sujet de l’expérience combattante (relevant des individus). Les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale furent l’occasion d’une intense production scientifique. En histoire politique, de nouvelles pistes de réflexion ont émergé, orientées vers les partis et mouvements politiques, les réseaux, les circulations et les transferts40. L’université de Lorraine a renouvelé l’histoire des modérés, par des travaux biographiques, dans la lignée desquels cet ouvrage s’inscrit. Dans le domaine économique, l’histoire des entreprises et des innovations est en essor41. L’échelle micro a suscité de nouvelles recherches, en portant la focale, à une échelle locale, sur les réseaux, les produits et les patrimoines. Parallèlement, le développement de l’histoire globale revivifie l’histoire financière42. Étudier le patrimoine de Jean de Bertier, dans une perspective transnationale, correspond donc bien aux problématiques actuelles. Enfin, l’histoire sociale a bénéficié de multiples travaux au cours des dernières années. Remarquons d’ailleurs qu’Éric Mension-Rigau développe dans son ouvrage de 2019, Enquête sur la noblesse. La permanence aristocratique, une notion proche de celle employée par Alice Bravard en 2013, dans Le grand monde parisien. La persistance du modèle aristocratique43. La mesure de cette persistance et de cette permanence, appliquée à Jean de Bertier, résonne donc avec les réflexions actuelles des spécialistes. En outre, cette biographie opère le croisement des thématiques, prônée par certains historiens. Steven Pincus et William Novak proposent une nouvelle histoire totale, plus intégrative (integrative history), refusant les divisions sectorielles44. Une biographie reposant essentiellement sur les champs politique, militaire, économique et social, et les croisant, a donc toute sa validité.

Une autre critique, bien différente, serait relative à mon objet d’étude lui-même. L’histoire globale promeut une rupture avec le paradigme de l’européocentrisme. Ceci favorise l’émergence de branches annexes, telles les postcolonial studies ou les subaltern studies, désireuses de pratiquer le décentrement à tout niveau social, en mettant l’accent sur les dominés, longtemps délaissés par l’historiographie45. Rédiger la biographie d’un homme, blanc, européen et fortuné paraît tout à coup démodé, pour ne pas dire à contre-courant. J’assume ce choix. Il serait dommage que les nouvelles approches de l’histoire globale entraînassent un effacement des réflexions sur les individus et les groupes déjà précédemment étudiés. La complémentarité doit primer, tant au niveau des secteurs de l’histoire que des focales et des objets d’étude. Plus fondamentalement, l’historien doit toujours disposer d’une liberté de choix de ses sujets : « historians should be free to choose the problems that interest them, provided they can persuad the non-specialist that the question is one worth answering »46. Je souscris totalement à cette déclaration. Il me reste donc à convaincre le lecteur du bien-fondé des problématiques envisagées.

6. Une structure classique pour des questionnements multiples

André Ségal rappelle les deux principes fondamentaux de la recherche historique : « “Pas de documents, pas d’histoire” disaient les historiens positivistes du XIXe siècle. Les historiens du XXe siècle, comme Lucien Febvre, ont ajouté “pas de problème, pas d’histoire” »47. Dans une biographie, il s’agit d’expliciter le parcours de l’individu choisi, révélateur de faits et de facteurs sociaux qui le dépassent48. Au-delà de cet objectif intrinsèque, quelle problématique plus spécifique est-il possible de définir ?

Une problématique unique peut être adoptée dans le cas d’un idéal-type, « révélant au lecteur le comportement moyen [d’une] catégorie sociale d’un moment »49. Ainsi, Éric Phélippeau utilise-t-il Armand de Mackau pour résoudre la question de la professionnalisation du personnel politique50. Une telle démarche est impossible dans le cas de Jean de Bertier. Dans sa vie, les variables l’emportent sur les constantes, ce qui réduit drastiquement la taille du groupe dont il pourrait être représentatif. En outre, il fallait partir d’un fonds ni classé ni inventorié pour arriver à une biographie herméneutique, ou totale. À une problématique unique, j’ai donc privilégié la multiplicité des questionnements. Tout document, même inattendu, put ainsi être rattaché à l’une des problématiques provisoires. Ces dernières, dans un stimulant dialogue avec les sources progressivement révélées, furent régulièrement complétées et réorientées.

Au départ, il y a la mémoire familiale, présentant Jean de Bertier comme « le sénateur ». Il fut le premier des Bertier à s’engager en politique. Il paraissait surprenant de voir un aristocrate, de tradition légitimiste, réussir à faire carrière, alors que le régime républicain, consolidé par la victoire de 1918, était solidement installé. N’y avait-il pas là aussi un contre-exemple de l’idée d’un renouvellement du personnel politique sous la IIIe République, avec l’essor de « nouvelles couches » au détriment des élites traditionnelles51 ? Peut-être la carrière de Jean de Bertier s’expliquait-elle par un cadre spatio-temporel spécifique ? Toute une partie du patrimoine familial se situait en effet en Alsace-Lorraine, devenue allemande en 1871 et redevenue française en 1918. Il fallait donc étudier les conséquences multiples de ces changements de frontière à l’échelle de l’individu. On rejoint ici les questionnements de l’histoire transnationale et le nécessaire croisement des thématiques. Il s’agissait de questionner les conciliations possibles entre intérêts locaux et engagements nationaux, entre conservation du patrimoine et poursuite de la carrière.

Une deuxième interrogation se rapportait à la noblesse et à la fortune, assurant l’appartenance des Bertier à une élite sociale et économique. J’avais, dans un travail antérieur, mis en évidence les inquiétudes du couple Anne-Pierre – Reinette quant à la conservation du patrimoine et des valeurs familiales52. Or, le château de Lagrange est, aujourd’hui encore, propriété de leurs descendants. Tout cela donne l’impression d’une position sociale maintenue. Il fallait donc examiner les générations suivantes pour vérifier la thèse de la persistance du modèle aristocratique. En cas de réponse positive, il convenait de préciser les stratégies mises en œuvre, y compris dans un cadre spatial transnational. Une interrogation parallèle est bien sûr, derrière le patrimoine, celle des revenus, en exploitant notamment les travaux de Thomas Piketty pour déterminer la position et l’évolution des Bertier dans la hiérarchie des fortunes53.

Cette idée de persistance conduisit à poser la question des ruptures et des continuités, tant à l’échelle de la vie de Jean de Bertier que du temps long familial. La Première Guerre mondiale occupa une position centrale dans sa vie et engendra de profonds bouleversements : démission de l’armée, engagement en politique, recentrement sur Lagrange. Il faut donc analyser la sortie de guerre de Jean de Bertier, puis, en explorant les années 1920 comparées aux années d’avant-guerre, déterminer la portée du conflit sur les données du temps long familial. Il est nécessaire de rester attentif à tout autre potentiel moment de rupture ne répondant pas à des logiques globales, mais plus locales et/ou individuelles. De tels moments seraient l’année 1903 (décès de ses parents) ou bien l’année 1911-1912 (vente de Lagrange). D’autres ruptures encore sont non réductibles à un événement précis mais relèvent de la moyenne durée. Il faudrait alors plutôt parler d’évolutions, d’adaptations. Jean de Bertier disposa tout au long de sa vie de hauts revenus, mais comment évolua la composition de ces derniers, entre revenus fonciers, revenus mobiliers et revenus d’activité ? Il faut aussi se demander s’il devint un véritable décideur économique, ou s’il resta un simple investisseur, uniquement soucieux de ses intérêts patrimoniaux.

Finalement, tous ces questionnements peuvent être rassemblés dans une seule problématique globale, qui demanderait comment Jean de Bertier combina les trois domaines d’action du militaire, du politique et de l’économique ainsi que des interfaces géographiques et culturelles multiples, pour maintenir, voire améliorer, sa position de représentant d’une élite traditionnelle confrontée à de nouveaux cadres politiques (enracinement de la République), socio-économiques (industrialisation, mondialisation, urbanisation) et culturels (déchristianisation, essor de nouveaux médias).

Toute première biographie d’un individu requiert de la prudence. J’ai donc choisi un plan chronologique classique. Bartolomé Bennassar l’associe aux usages des historiens anglo-saxons : « la méthode anglo-saxonne s’apparente au tissage. L’historien saisit les fils pour composer une vie »54. Il attribue au plan chronologique un bon rendu de la complexité de l’individu, mais lui reproche un manque de hauteur. Lui-même préfère donc commencer sa biographie de Don Juan d’Espagne par le jour des obsèques, tout comme Marc Ferro avait commencé la sienne de Pétain par l’année 194055. Cette optique nécessite l’existence préalable d’un corpus de faits bien établis. Elle n’est valable que pour les grands personnages. Sans être impossible, une telle démarche aurait été, dans mon cas, inutilement compliquée56.

La première partie (1877-1914), intitulée « la Belle Époque de Jean de Bertier », est généraliste. Elle analyse notamment la personnalité de Jean de Bertier. La deuxième correspond à la Grande Guerre (1914-1919) et aux expériences militaires, sociales et culturelles en lien avec le conflit. Enfin, la troisième partie traite des années d’après-guerre (1919-1926), dominées par l’engagement politique de Jean de Bertier. La progression chronologique s’adapte donc bien à ses deux carrières successives. Quant aux questions patrimoniales, elles traversent toute l’étude et sont à chaque fois présentées en une sous-partie autonome. Un regroupement de toutes les questions économiques en une seule partie indépendante eût été possible, mais au détriment des croisements thématiques et des interactions chronologiques.

Le plan adopté, équilibré dans son dessein, ne l’est pas dans sa concrétisation : chacune des parties est plus longue que celle qui la précède. Cette inflation interprétative est à l’image de l’inflation documentaire qui accompagne la carrière de Jean de Bertier. On peut y voir une ascension, une montée en puissance, culminant avec son élection au Sénat en 1922. Il faut toutefois se garder de toute reconstruction a posteriori d’une cohérence ou d’une progression continue. Ce serait tomber dans le piège de l’« illusion biographique », décrit par Pierre Bourdieu57. Je m’efforcerai donc de pointer les doutes, les erreurs, les interruptions, les échecs qui peuvent être éventuellement révélés. Cette dernière précaution étant prise, il est désormais temps, avant de rencontrer Jean de Bertier lui-même, de faire connaissance avec ses parents et ses grands-parents, et de s’immerger dans le contexte du milieu du XIXe siècle.

Details

Pages
XII, 514
Publication Year
2025
ISBN (PDF)
9783034350822
ISBN (ePUB)
9783034350839
ISBN (Hardcover)
9783034350815
DOI
10.3726/b22677
Language
French
Publication date
2025 (November)
Keywords
Biographie noblesse militaire politique patrimoine Robert Schuman frontière border studies histoire transnationale Grande Région Moselle Alsace-Lorraine Luxembourg Belle Époque Première Guerre mondiale années 1920
Published
Bruxelles, Berlin, Chennai, Lausanne, New York, Oxford, 2025. xii, 514 p., 4 ill. en couleurs, 17 ill. n/b, 59 tabl.
Product Safety
Peter Lang Group AG

Biographical notes

Stéphane Einrick (Author)

Stéphane Einrick est agrégé, docteur en histoire et membre associé du Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire (CRULH, UR 3945). Il a publié Le général de Bertier de Sauvigny (1770-1848). Un royaliste au temps des révolutions (2016). Il poursuit aujourd’hui ses travaux dans une optique transnationale, dans le cadre de la Grande Région.

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Title: Jean de Bertier (1877-1926)