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La santé publique sous Georges Pompidou

Politique, recherche et société (1962-1974)

de Christine Manigand (Éditeur de volume) M. Pascal Griset (Éditeur de volume)
©2024 Collections 244 Pages
Série: Georges Pompidou - Études, Volume 13

Résumé

Ce volume est le fruit d’une collaboration entre l’Institut Georges Pompidou et le Comité pour l’Histoire de l’INSERM. Il résulte d’un constat commun : les questionnements relatifs à la santé n’avaient été qu’effleurés lors des travaux précédents, pourtant particulièrement riches, de l’Institut Georges Pompidou. Ce paradoxe était d’autant plus fort, qu’au cours des années 1960 à 1974, période traditionnellement couverte par ces travaux, les mutations du système de santé français furent considérables.
Cet ouvrage présente les recherches les plus spécifiques sur la période en les replaçant dans le contexte d’une époque qualifiée de conservatrice par nombre d’analystes, alors qu’elle est, dans bien des domaines, une époque de changements décisifs.
Hôpital, recherche, prise en compte des populations les plus fragiles, diplomatie, environnement, jeunesse, consommation… Tous les domaines sont concernés par des réformes de fond ou par des initiatives marquantes. La loi Neuwirth autorisant la pilule contraceptive symbolise cette rupture qui intervient dans bien des domaines de la santé. Ce mouvement semble cependant incapable de satisfaire durablement les aspirations d’une population qui, au-delà de la prise en compte des fléaux sociaux, souhaite être plus largement protégée.
Humanisme et lucidité caractérisent la pensée de Georges Pompidou en matière de santé, intégrant les axes forts des principes qu’il applique dans le domaine économique et social. Le système de santé français en fut totalement transformé.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • La pensée de Georges Pompidou en matière de santé : humanisme et lucidité
  • Financer la modernisation de l’hôpital public sous Georges Pompidou (1962–1974)
  • Pour une microhistoire de la création des centres hospitalo-universitaires : premières pistes à partir du cas de Besançon (1955–1967)
  • La fin de l’hygiène sociale ? Dispensaires et prévention de la tuberculose en France (années 1950–1960)
  • De la santé publique à l’environnement : politiques de lutte contre la pollution atmosphérique sous Georges Pompidou (1961–1974)
  • « À votre santé ! » La sûreté alimentaire en France durant les mandats de Georges Pompidou
  • Objets et produits de consommation de masse : un risque sanitaire quotidien, 1962–1974
  • La contraception au cœur de l’agenda des politiques publiques pendant les années Pompidou
  • Au croisement des vulnérabilités sanitaires et sociales : comment les personnes âgées deviennent-elles une cible prioritaire des pouvoirs publics (1962–1974) ?
  • La santé publique des jeunes : entre nécessités et difficultés
  • L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : origines, création et premiers développements
  • Comment concilier recherche et expertise ? La santé publique en France des années 1950 au milieu des années 1970
  • La Françafrique du vaccin
  • La santé publique européenne et internationale sous Georges Pompidou : partages, experts et perspectives d’action au Conseil de l’Europe
  • Conclusion Une transformation sans précédent du système de santé sous l’impulsion de Georges Pompidou

Introduction

Pascal GRISET

Professeur à Sorbonne Université (SIRICE/CRHI)

Président du Comité pour l’Histoire de l’Inserm

Ce volume est issu d’une collaboration entre l’Institut Georges Pompidou et le Comité pour l’Histoire de l’Inserm. Il résulte d’un constat commun : les questionnements relatifs à la santé n’avaient été qu’effleurés lors des travaux, pourtant particulièrement riches, de l’Institut Georges Pompidou. Ce paradoxe était d’autant plus fort, qu’au cours des années 1960 à 1974, période traditionnellement couverte par ces travaux, les mutations du système de santé français furent considérables.

Les travaux constituant l’historiographie de la santé et de la recherche biomédicale adoptent très fréquemment des focales temporelles très larges, mettant en lumière les évolutions du long terme. Ils peuvent également, en choisissant une échelle de temps différente, développer des questionnements centrés sur des domaines particulièrement précis en adoptant des approches sociologiques et culturelles, voire anthropologiques, qui s’articulent mal aux questionnements plus politiques et institutionnelles susceptibles de permettre une meilleure compréhension de l’action de Georges Pompidou. Les travaux plus généraux sur la période accordent symétriquement assez peu de place aux questions relatives à la santé. Ce domaine semble comme éclipsé par d’autres secteurs plus emblématiques de la période. Il peut également être considéré comme secondaire lorsque les problématiques se fixent sur les enjeux politiques et sociétaux.

Ce volume se propose de corriger, certes partiellement, cette situation. Il présente les recherches les plus spécifiques sur cette période en les replaçant dans le contexte d’une époque qualifiée de conservatrice par nombre d’analystes, alors qu’elle est, dans bien des domaines, une époque de changements décisifs. Humanisme et lucidité ont caractérisé la pensée de Georges Pompidou en matière de santé. Son action dans le domaine est marquée par cette vision tout comme elle intègre les axes fort des principes qu’il appliqua dans le domaine économique et social.

Le système hospitalier est marqué par la réforme Debré et la création des CHU puis par la réforme hospitalière promulguée par la loi du 31 décembre 1970. Sous l’égide d’une Direction spécifique créée au sein du ministère de la Santé, les hôpitaux ont radicalement changé au cours de la période. Ils deviennent le lieu privilégié de prise en charge de la santé des populations. Tout n’est pas simple. Robert Debré doit batailler pour convaincre ses confrères du bien-fondé des changements apportés par la loi. Sa mise en place bute au niveau des établissements sur une multitude de pratiques et de normes locales car l’individualisation des services est presque toujours mal vue par l’administration locale. La réforme permet cependant à l’État de réaliser une réelle modernisation du système en affirmant de manière beaucoup plus nette son pouvoir dans le champ hospitalier. Alors que la médecine évolue radicalement et dispose de nouveaux outils, ces changements touchent l’ensemble du système de santé. C’est le cas des dispensaires antituberculeux qui doivent s’adapter dans le cadre de nouvelles concurrences entre institutions et des changements intervenant dans les activités prophylactiques prioritaires. Les responsables de la lutte antituberculeuse doivent ainsi gouverner un domaine dont ils ne sont plus les seuls propriétaires, tout en adaptant leurs activités au déclin épidémiologique de la tuberculose enregistré en France métropolitaine depuis la fin des années 1940. Si certaines maladies régressent, au point de penser qu’elles pourraient totalement disparaître, d’autres préoccupations émergent. Loin d’être nouvelle l’inquiétude des populations face aux pollutions s’articule de plus en plus fortement à des préoccupations liées à leur santé. La structuration d’une administration centrale en charge de la pollution industrielle marque la période sans cependant prendre en compte l’ensemble des problèmes. Le mécontentement des Français ordinaires persiste. Pétitions et manifestations expriment le besoin d’un aménagement du territoire réalisé en concertation avec les populations locales. En une dizaine d’années, les enjeux sanitaires ont changé de dimension. Portés presque exclusivement par des experts de la santé publique jusqu’à la fin des années 1950, les enjeux liés à la consommation, à l’environnement et à la santé sont de manière croissante intégrés aux périmètres d’autres acteurs tels que les associations de consommateurs, les médias, les administrations en charge de l’environnement et de la consommation. La période produit donc de nouveaux savoirs, – médicaux mais également sociaux et politiques, – sur ces questions de santé liées au cadre de vie quotidien et aux objets matériels qui s’y trouvent. La toxicité des produits du quotidien ouvre bien davantage la production d’incertitudes que la production de doutes, situation qui justifie les engagements croissants dans la recherche médicale.

Comme le montre la multiplication des textes réglementaires, la sûreté alimentaire est une priorité nouvelle des années 1960–1970. L’action gouvernementale en rend aussi compte de manière structurelle. En 1968, le gouvernement dote le ministère de l’Agriculture d’une direction des industries agricoles et alimentaires. Les nouvelles procédures de contrôle de la qualité adoptées en 1971 concrétisent la prise en compte des inquiétudes en fixant par arrêtés les normes sanitaires et qualitatives des denrées. La reconnaissance de cette science de la nutrition apporte de nouveaux repères sur l’hygiène alimentaire. La sûreté alimentaire est donc devenue un nouveau sujet relié à la santé d’un côté, aux enjeux économiques internationaux de l’autre, dans un cadre ou l’Europe commence à jouer un rôle normatif plus sensible. Les questions de santé croisent des enjeux sociétaux particulièrement sensibles. La question de la contraception connaît au cours de cette période une spectaculaire accélération du calendrier. Réprimée, interdite, rejetée, la contraception dite « moderne », à savoir l’utilisation de pratiques non naturelles et surtout chimiques, devient en effet un droit le 19 décembre 1967 avec le vote de la loi Neuwirth. Autre retournement historique, l’attention portée aux personnes âgées et aux personnes handicapées qui tend à les placer pour la première fois au centre de l’action sociale de l’État-providence. Des mesures majeures sont prises, notamment en matière de services à domicile et de sectorisation, mais elles restent insuffisantes. Les tentatives pour réformer les hospices échouent. La question de la fragilité des populations avec des incapacités est loin d’être résolue et la situation des personnes âgées en institution connaît peu d’amélioration. La création de la Fondation Claude Pompidou en 1970, destinée à développer le bénévolat d’accompagnement et à contribuer à la création d’établissements spécialisés dans le domaine du handicap et du grand âge, démontre que d’autres initiatives sont sans doute encore nécessaires.

Au cours des années 1960, la jeunesse est identifiée de manière croissante comme une force sociale avec laquelle il faut compter. Un consensus se forme pour engager une véritable politique de santé à son égard. Il se fonde sur les notions de protection, de dépistage et de prévention qui légitiment le sens même d’une santé publique pour les jeunes. La population des mineurs bénéficie d’un « progrès médical » qui change profondément sa situation face à la maladie. Cette évolution est cependant estompée par l’apparition de nouvelles préoccupations, comme les accidents de la route, les addictions, voir même le « mal-être » d’une jeunesse sur laquelle on s’interroge.

La recherche biomédicale devient au cours de la période un domaine privilégié par les efforts d’organisation et de financement. La création de l’Inserm en 1964 dote la France d’une institution soutenue par un financement très significatif. Elle s’organise de manière moderne à partir de 1969 et contribue de manière majeure à ce rapprochement entre la recherche et l’hôpital, favorisé par la réforme Debré. Certes, la cohésion du dispositif entre médecins hospitaliers et nouvelle génération de chercheurs s’avère difficile, mais l’avancée est décisive. Les questions de santé sont également bien présentes dans le domaine des Affaires étrangères. En Afrique, en contrepartie du soutien matériel, financier et humain aux politiques africaines de développement, les intérêts français maintiennent leurs positions. Cette influence doit cependant composer avec la présence accrue d’experts internationaux, missionnés par l’OMS ou par d’autres gouvernements qui utilisent, eux aussi, la science comme un levier diplomatique. Au sein des institutions européennes, la France cherche également à occuper des positions d’influence en matière de santé. Entre Conseil de l’Europe et OMS, les stratégies sont parfois difficiles à mettre en place, mais les délégués français dans ces organisations constituent des agents d’une « Health Diplomacy » discrète mais pionnière et bien menée.

Alors que les succès font naître d’autres attentes, les politiques de santé menées par Georges Pompidou, Premier ministre puis président de la République, semblent, malgré leur ampleur, poursuivre sans cesse un objectif inatteignable. Au cours de la période, on passe ainsi progressivement d’une époque où la santé publique devait lutter contre les fléaux sociaux à un temps où elle semble devoir prendre en charge l’équilibre et le bien-être individuel. Cette tendance se poursuivra d’ailleurs par la suite et fait de ce moment un véritable tournant.

Georges Pompidou n’était pas toujours en phase avec les mutations que sa politique accompagnait. L’homme sut mettre de côtés certaines de ses convictions profondes pour répondre autant que possible aux besoins d’une société en quête d’une santé de plus en plus globale. Ainsi, la puissance publique sut répondre de manière massive et innovante à une multitude de défis qui font de cette quinzaine d’années un moment de profond changement. Celui-ci fut mené avec la volonté de maîtriser les moyens engagés et, comme dans d’autres domaines, la politique menée par Georges Pompidou fut pensée et financée.

La pensée de Georges Pompidou en matière de santé : humanisme et lucidité

Sylvie GUILLAUME

Analyser la pensée d’une personnalité très présente dans nos mémoires est un exercice complexe d’autant que s’il fallait comptabiliser les occurrences des termes « santé » et « politique de santé publique » dans les discours de Georges Pompidou le calcul serait très rapidement fait. Ce n’est que très rarement que Georges Pompidou, Premier ministre puis président de la République, utilise directement ces mots.

Faut-il en déduire un manque d’intérêt de sa part. Certainement pas. Par exemple il inclut la santé dans sa présentation des grands problèmes de l’heure dans son entretien télévisé du 8 février 1973 et dans son message au Parlement du 3 avril 1973. De même dans ses vœux présidentiels de 1970, il souhaite aux Français « santé, bonheur familial ». Mais comme toujours et sur tous les sujets abordés Georges Pompidou a une approche plus philosophique que technocratique des problèmes et sa conception de la santé découle d’une pensée humaniste autour des concepts de bien-être, de bonheur et de foi en l’avenir. Tels sont les mots utilisés encore une fois dans ses vœux annuels. La politique de « santé publique » est indissociable d’« une politique sociale hardie et généreuse ». Georges Pompidou1 n’est ni un doctrinaire, ni un idéologue.

Néanmoins par ses fonctions il assume pleinement ses responsabilités politiques et sans se référer à une idéologie il a, sur la politique de santé, un regard concret, conscient des problèmes, tout en reconnaissant volontiers les acquis qui sont liés au progrès social visant à amoindrir les inégalités. Georges Pompidou est soucieux des deniers publics, des équilibres budgétaires et son inquiétude porte sur d’une part le déficit croissant de la Sécurité sociale, et d’autre part sur la nécessité de réformer l’hôpital. Après les années de croissance, la crise de 1973 pose le problème de la régulation des dépenses en matière de santé. Ainsi on ne peut sous-estimer les préoccupations du Premier ministre puis du chef de l’État en matière de santé publique2. On lui doit l’extension de la couverture sociale, des réformes structurelles pour améliorer la gestion de la Sécurité sociale. Ce sera mon deuxième point.

Résumé des informations

Pages
244
Année de publication
2024
ISBN (PDF)
9783034349345
ISBN (ePUB)
9783034349352
ISBN (Broché)
9783034349338
DOI
10.3726/b21919
Langue
français
Date de parution
2024 (Août)
Mots clés
La santé publique Georges Pompidou Le système de santé français
Published
Bruxelles, Berlin, Chennai, Lausanne, New York, Oxford, 2024. 244 p., 6 ill. n/b, 1 tabl.

Notes biographiques

Christine Manigand (Éditeur de volume) M. Pascal Griset (Éditeur de volume)

Christine Manigand est professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, spécialiste d’histoire politique et de la construction européenne. Elle préside le Conseil scientifique de l’Institut Georges Pompidou. Pascal Griset est professeur à Sorbonne Université (Sirice/CRHI). Spécialiste d’histoire de l’innovation et des institutions de recherche scientifique, il préside le Comité pour l’histoire de l’INSERM.

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Titre: La santé publique sous Georges Pompidou