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Élie le prophète. D'après les Pères de l'Église d'Orient et d'Occident

Textes présentés par les carmélites du Monastère Saint Élie Saint-Rémy-les-Montbard. Nouvelle édition mise à jour et augmentée par Sr Éliane Poirot ocd

de Éliane Poirot (Éditeur)
©2024 Monographies 750 Pages

Résumé

Ce livre rassemble les traductions françaises des commentaires des Pères de l'Église qui concernent le cycle biblique d’Élie, et des œuvres dont l’intitulé se réfère explicitement au prophète.
Cet ouvrage tient notamment compte des études parues les trente dernières années, durant lesquelles des textes alors inaccessibles ont pu être édités, et sont ici traduits en français pour la première fois, comme la première et longue homélie sur Élie de Jacques de Saroug, celle de Narsaï, « Sur Hénoch et Élie ». Le dossier liturgique d’Élie se trouve ainsi enrichi par la traduction d’une acolouthie grecque récemment éditée et par celle des hymnes géorgiennes de la liturgie, consacrées à Élie.
Enfin, un ensemble de textes grecs et syriaques offre une thématique commune : face au zèle intempestif d’Élie, Dieu apparaît comme amour miséricordieux pour les hommes, soumis au prophète qui est tout à Lui, et en qui les Pères reconnaissent le type du Christ.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • TABLE DES MATIÈRES
  • Avant-propos
  • Sigles
  • Abréviations des livres bibliques
  • Préface (J.-P. Houdret)
  • Introduction (É. Poirot)
  • Le cycle d’Élie selon la Septante (Ph. Lefèvre)
  • PÈRES GRECS
  • Vies des Prophètes (Élie et Élisée)
  • Recension d’Épiphane, CPG 3777 (trad. É. Poirot)
  • Recension de Dorothée (trad. É. Poirot)
  • Seconde recension d’Épiphane, CPG 3778 (trad. É. Poirot)
  • Recension anonyme (trad. É. Poirot)
  • Grégoire de Nazianze
  • Les miracles du prophète Élie et d’Élisée (trad. J. Bernardi)
  • Inscription pour le martyrium d’Élie qu’on appelle le monument de la veuve (trad. J. Bernardi)
  • Jean Chrysostome
  • Sur Élie et la veuve, et de l’aumône (trad. É. Poirot)
  • Pseudo-Chrysostome
  • Éloge sur le prophète Élie, CPG 5150.4 (trad. A. Boud’hors et H. Nagi)
  • Discours sur l’apôtre Pierre et le prophète Élie (trad. É. Poirot)
  • Discours sur le prophète Élie et sur Jézabel, CPG 4971 (trad. G. Papathomas)
  • Sermon sur le prophète Élie, CPG 4565 (trad. É. Poirot)
  • Sur Marthe, Marie, Lazare et le prophète Élie (trad. M. Canévet)
  • Basile de Séleucie
  • Sur le prophète Élie (trad. M.M. Vautrin)
  • Romanos le Mélode
  • Hymne sur le prophète Élie (trad. J. Grosdidier de Matons)
  • Anonyme
  • Cantique d’Élie, Kontakion, ton 4 (trad. D. Guillaume)
  • Acolouthie en l’honneur des prophètes Élie et Élisée (trad. B. Outtier)
  • Hymnes géorgiennes pour la fête de saint Élie (trad. B. Outtier)
  • Jean Damascène
  • Commentaire sur le grand prophète Élie le Thesbite (trad. M.-M. Vautrin)
  • Les Questions des auteurs grecs sur le cycle biblique d’élie :
  • Théodoret de Cyr : Questions sur les livres des Règnes et des Paralipomènes (trad. A. Rose)
  • Procope de Gaza : Commentaire sur les livres des Règnes (trad. É. Poirot)
  • Quaestiones et responsiones ad Orthodoxos, CPG 6285 (trad. J.-Ph. Houdret)
  • Maxime le confesseur : Quaestiones et dubia (trad. J.-Ph. Houdret)
  • PÈRES LATINS
  • Ambroise de Milan
  • Élie et le jeûne (trad. A. Rose)
  • Chromace d’Aquilée
  • Sermon sur saint Élie (trad. H. Tardif)
  • Augustin
  • Élie et la veuve de Sarepta (trad. A. Rose)
  • Chrysostome latin
  • Sermon sur l’ascension d’Élie (trad. A. Rose)
  • Sermon sur Élie (trad. A. Rose)
  • Césaire d’Arles
  • Sermon sur saint Élie et la veuve qui ramasse deux morceaux de bois (trad. J. Courreau)
  • Sermon sur saint Élie et les deux cinquanteniers (trad. J. Courreau)
  • Pseudo-Fulgence
  • Sermon 20, Élie et Élisée (trad. A. Rose)
  • Anonymes
  • Des deux témoins : Hénoch et Élie (trad. A. Rose)
  • Des miracles d’Élie et d’Élisée (trad. F. Dolbeau et É. Poirot)
  • Hénok et Élie (trad. M.-M. Vautrin)
  • Les Questions des auteurs latins sur le cycle biblique d’Élie :
  • Ambrosiaster : Questions sur l’Ancien et le Nouveau Testament (trad. A. Rose)
  • Augustin : Questions (trad. É. Poirot)
  • Isidore de Séville : Questions sur l’Ancien Testament (trad. A. Rose)
  • PÈRES SYRIAQUES ET ARMÉNIENS
  • Éphrem
  • Contre les doctrines erronées, Hymne 13 (trad. B. Outtier)
  • Sur les azymes, Hymne 17 (trad. B. Outtier)
  • Anonyme
  • Un fragment du manuscrit British Library, Add. 17,141.
  • Élie et la veuve de Sarepta (trad. F. Pacha Miran)
  • Éphrem grec
  • Poème sur saint Élie (trad. D. Guillaume)
  • Éphrem armÉnien
  • Hymne 18 (trad. A. Renoux)
  • Hymne 19 (trad. A. Renoux)
  • Hymne 20 (trad. J. Kelechian)
  • Hymne 21 (trad. J. Kelechian)
  • Hymne 28 (trad. J. Kelechian)
  • Pseudo-Éphrem
  • Sur les Livres des Rois (trad. B. Outtier)
  • Homélie sur Élie et la veuve de Sarepta (trad. B. Outtier)
  • Sur le prophète Élie et l’archange Michel (trad. B. Outtier)
  • NarsaÏ
  • Homélie 23, Sur Élie (trad. E.P. Siman)
  • Homélie 76, Sur l’enlèvement d’Énoch et d’Élie (trad. F. Gabriel et D. Rance)
  • Jacques de Saroug
  • Sur le prophète Élie et sur ses hauts faits (trad. M.-T. Elia)
  • Sur Élie, quand il s’enfuit de devant Jézabel (trad. M.-J. Pierre)
  • Sur Naboth d’Yizréel (trad. M.-J. Pierre)
  • Sur le prophète Élie et le feu qui est tombé sur les deux cinquanteniers (trad. F. Pacha Miran et F. Rilliet)
  • Sur saint Mar Élie le prophète et sur son ascension au ciel (trad. F. Rilliet)
  • Joseph Hazzaya
  • Discours sur la nature de l’Essence divine (trad. R. Beulay)
  • APOCRYPHE ARMÉNIEN
  • Brève Histoire du prophète Élie (trad. J. M. Rosensthiel et N. Mélik-Hacopian)
  • Tables et Index
  • Table des illustrations
  • Index scripturaire
  • Index des manuscrits
  • Index des auteurs anciens et médiévaux
  • Index des auteurs modernes

Avant-propos de la nouvelle édition

Le saint prophète Élie d’après les Pères de l’Église, dans la collection Spiritualité orientale de l’abbaye de Bellefontaine, n° 53, a été édité en 19921. Cet ouvrage fut très vite épuisé et souvent demandé Aussi une réédition s’imposait Mais en trente ans, des textes inaccessibles en 1992 ont vu le jour Il fallait donc préparer non une réédition, mais une nouvelle édition.

Le présent ouvrage s’ouvre par la notice sur Élie dans les Vies des prophètes. Le texte anonyme Des miracles d’Élie et d’Élisée (CPL 1155e) a fait l’objet d’une édition critique, qui a permis de retrouver le texte complet et d’en fournir une nouvelle traduction2.

L’étude de Jean-Paul Bouhot sur l’homélie de Jean Chrysostome, Sur Pierre et Élie3, permet de la considérer maintenant non comme un écrit pseudo- chrysostomien, mais probablement comme un écrit authentique.

C’est la partie des Pères syriaques qui est substantiellement augmentée. En premier lieu par un texte sur la veuve de Sarepta que le Professeur Sebas¬tian Brock a édité en 2020 François Pacha Miran en donne ici une traduction -française.

De même il a assuré la traduction du début de l’homélie de Jacques de Saroug († 521), Sur le prophète Élie et le roi Ochozias, qui avait été publiée sans son début par P Bedjan En 2007, Stephen A Kaufman l’a éditée et traduite en anglais avec les 122 versets manquants4. Notre nouvelle édition du Saint prophète Élie d’après les Pères de l’Église comporte donc à présent l’homélie complète.

La première et longue homélie sur Élie de Jacques de Saroug, qui semblait non conservée, a été éditée en 20185. Grâce à l’enthousiasme d’une religieuse pour le saint prophète Élie, dont elle porte le nom, et spécialiste de Jacques de Saroug6, nous pouvons en offrir à présent une traduction.

Par la Clavis to the Metric Homilies of Narsai7, nous avons eu connaissance de l’édition de l’homélie 76 de Narsaï (399–502 ?), Sur Hénoch et Élie. Elle vient d’être traduite par les soins du P Fikri Gabriel, prêtre de l’Église syriaque, et du diacre Didier Rance.

La place du prophète Élie dans la liturgie byzantine a été étudiée dans le volume Le glorieux prophète Élie dans le culte byzantin, Spiritualité orientale, n° 82, Abbaye de Bellefontaine 2004 Maintenant, grâce à Bernard Outtier, éminent spécialiste des littératures orientales chrétiennes, le dossier liturgique d’Élie se trouve enrichi par la traduction d’une acolouthie grecque récemment éditée et par celle des hymnes géorgiennes de la liturgie, consacrées à Élie.

Aux illustrations de la première édition, datant des six premiers siècles de notre ère et de quelques manuscrits médiévaux, nous avons ajouté les huit fresques du cycle d’Élie de l’église du skite carmélitain de Stânceni (Roumanie), peintes en 2000, signe de l’actualisation du message élianique.

Nous remercions vivement tous ceux qui ont collaboré, d’une manière ou d’une autre, à cette nouvelle édition, dont les notices ont été mises à jour, selon les besoins.

Sr Éliane ocd schitulstanceni@yahoofr

1 Il fut suivi en 1993 par Le saint prophète Élisée d’après les Pères de l’Église, en pré¬paration à une thèse de doctorat soutenue à Strasbourg en 1994 Celle-ci fut édi¬tée en deux volumes : Élie, archétype du moine. Pour un ressourcement prophétique du monachisme, coll. Spiritualité orientale, n° 65, Abbaye de Bellefontaine 1995 et Les prophètes Élie et Élisée dans la littérature chrétienne ancienne, Brepols, Turn¬hout 1997.

2 F. Dolbeau et É. Poirot, Sur les miracles d’Élie et d’Élisée (CPL 1155e), dans Sacris Erudiri, t 34, 1994, p 135–164

3 J.-P. Bouhot, « Adaptations latines de l’homélie de Jean Chrysostome sur Pierre et Élie (CPG 4513) », Revue Bénédictine 112, 2002, p 36–71 et 201–235

4 Jacob of Sarug’s Homilies on Elijah, traduction et introduction par Stephen A. Kauf¬man, coll. Texts from Christian Late Antiquity 18, Gorgias Press 2009.

5 Éd. R. Y. Akhrass and I. Syryany, 160 Unpublished Homilies of Jacob of Sarugh, II, Damascus 2018, p 352–386

6 Sr Marie-Thérèse Elia, religieuse basilienne chouérite (Université Saint-Esprit de Kaslik), Le mimro sur la foi de Jacques de Saroug, traduction et commentaire, thèse de doctorat en théologie, Paris 2019.

7 A. M. Butts, K S Heal, S P Brock, Clavis to the Metric Homilies of Narsai, CSCO 690 / Subsidia 142, Louvain 2021, p 71–72

Sigles

Abréviations des livres bibliques

Pour les Pères syriaques, nous indiquons entre parenthèses la référence propre à la Peshita lorsque celle-ci diffère de la Septante.

Préface

“Je brûle de zèle pour le Seigneur, le Dieu tout-puissant.”

(3 R 19,10.14. Devise de l’Ordre du Carmel)

Entre le prophète Élie et l’Ordre du Carmel, il existe un lien spirituel mystérieux, mais bien réel. Il s’est tissé dès les origines de l’Ordre. Nos premiers pères n’étaient-ils pas ces ermites latins qui, “à l’exemple et en imitation de cet homme saint et solitaire, le prophète Élie, vivaient solitaires sur le Mont Carmel, auprès de la fontaine d’Élie, (…) habitant dans les alvéoles de leurs petites cellules et, tels que les abeilles du Seigneur, faisant un miel d’une douceur toute spirituelle” ? Ainsi les décrit Jacques de Vitry, évêque de Saint-Jean d’Acre, au début du XIIIe siècle1.

Très tôt - nous le voyons dans la première rubrique de leurs Constitutions -, les Carmes se situent dans une lignée remontant aux prophètes Élie et Élisée, “dévots habitants du Mont Carmel”, et constituée par “des saints Pères tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, épris de la solitude de ce mont pour la contemplation des réalités célestes”. Comme il est donc antique et vénérable, cet Ordre du Carmel institué par le saint prophète Élie et son disciple, et prolongé sans interruption jusqu’à nous par “une sainte succession” !…

Dans la tradition carmélitaine médiévale, un épisode, apparemment sans éclat, de la vie du prophète prend un singulier relief : Élie se cachant auprès du torrent de Carith (cf. 3 R 17, 2–6). C’est “la forme de vie ou la Règle donnée du Ciel à notre Père Élie”, écrira Jean Soreth. L’Institution des premiers moines, publiée à la 򯬁n du XIVe siècle, développe un beau commentaire spirituel de l’épisode. Elle distingue une double 򯬁n de la vie prophétique ou érémitique, l’une que nous pouvons atteindre avec la grâce de Dieu : la pureté du cœur, la perfection de l’amour (c’est “se cacher en Carith”, rapproché de “caritas”, la charité) ; l’autre que nous recevons comme un pur don de Dieu : l’expérience de la présence et de la bonté de Dieu, la fruition - dès cette vie - de la gloire d’en haut (c’est “boire au torrent” de la Joie de Dieu).

À partir de la Réforme thérésienne, la tradition carmélitaine s’enrichit d’accents nouveaux : le prophète Élie est vu comme un modèle, non plus seulement de vie contemplative, mais de “vie mixte”, où l’action est un rejaillissement de la contemplation. Les grands spirituels du Carmel, aux XVIe et XVIIe siècles, manifestent bien l’attachement de l’Ordre au “Chef et Père du Carmel”. En Espagne, Thérèse de Jésus admire surtout le “zèle brûlant de la gloire de Dieu qui consumait notre Père Élie”, et Jean de la Croix est fasciné par sa rencontre avec Dieu au Mont Horeb, “lorsqu’il couvrit sa face, au doux sif򯬂ement de Dieu”. En France, Jean de Saint-Samson (l’âme de la Réforme de Touraine, chez les Grands Carmes) exalte la vie du prophète “dans une actuelle et continuelle présence de Dieu” et y voit “le fond de l’esprit de notre Ordre”.

Aujourd’hui encore, 򯬁dèle à ce patrimoine séculaire, le Carmel honore tout particulièrement le prophète Élie “contemplant le Dieu vivant et brûlant de zèle pour sa gloire”, il le vénère “comme l’inspirateur du Carmel” et considère “son charisme prophétique comme le modèle de la vocation carmélitaine” : écoute de la Parole et témoignage, en hommes “saisis par la présence et le mystère du Dieu vivant” (Constitutions O.C.D.).

*

Arrêtons ici cette brève évocation de la tradition élianique de l’Ordre. Pourquoi avoir rappelé ainsi le lien spirituel qui unit le Carmel au prophète Élie ? Simplement pour souligner combien l’initiative de ce recueil s’inscrit dans une longue tradition, toujours vivante, d’attachement au Père de l’Ordre. Sœur Éliane et ses sœurs du Monastère Saint-Élie ont patiemment, amoureusement cherché dans la foisonnante littérature patristique. Pour ce long labeur, signe de leur cœur 򯬁lial, elles ont bien droit à notre reconnaissance ! L’introduction présentera les textes réunis dans ce recueil et traduits grâce à une belle collaboration. Que tous en soient vivement remerciés !

Il me reste à souhaiter aux lecteurs la joie de découvrir, à travers ces commentaires ou homélies des Pères, la personnalité, la vie et les hauts faits de cet “homme semblable à nous” (Jc 5,17), de ce prophète dont “la parole brûlait comme une torche” (Si 48,1), de ce témoin du Dieu vivant, emporté dans une gloire dont l’éclat fulgurant annonçait déjà la Trans򯬁guration lumineuse de notre Sauveur.

Fr. Jean-Philippe Houdret, o.c.d.

Provincial d’Avignon-Aquitaine

Naissance d’Élie (fresque de Morača, XIIIe s.)

Naissance d’Élie (fresque de Morača, XIIIe s.)


1 Jacques De Vitry, Histoire orientale 52.

Introduction générale

À la suite de saint Athanase (Vie d’Antoine, § 7), les Pères de l’Église considèrent souvent Élie, prophète biblique, présent tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, comme le modèle de la vie ascétique, l’initiateur de la vie monastique. Vers 1209, la Règle donnée par saint Albert, patriarche latin de Jérusalem, con򯬁rme le “propos” des ermites du Mont Carmel qui, dès la seconde moitié du XIIIe siècle, vénèrent saint Élie comme leur “Dux et Pater”1. Ce faisant, ceux-ci se situent bien dans la tradition patristique.

Figure biblique d’Élie

La 򯬁gure d’Élie marque profondément l’histoire biblique. Les Livres des Règnes2 relatent ses hauts faits, l’Ecclésiastique (48,1–12) et le premier livre des Maccabées (2,58) en font l’éloge, le second livre des Paralipomènes (21,12–15) rapporte la condamnation d’Élie contre le roi Joram, le prophète Malachie annonce son retour comme précurseur du Messie (4,5). Les Évangiles témoignent de l’attente de son retour : Jean-Baptiste ou même Jésus sont-ils Élie ? Avec Moïse, Élie est présent aux côtés du Christ lors de la Trans򯬁guration. Beaucoup le reconnaissent comme l’un des deux témoins de l’Apocalypse (11,3–12).

Élie le Thesbite apparaît subitement au chapitre 17 du troisième livre des Règnes, sous le règne d’Achab, pour proférer l’oracle annonçant une sécheresse. Puis il s’enfuit au torrent de Chorrath, où Dieu prend soin de le nourrir par l’intermédiaire de corbeaux. Le torrent s’étant desséché, la parole du Seigneur l’envoie à Sarepta, où il est l’hôte d’une veuve pour laquelle il multiplie farine et huile, et dont il ressuscite un 򯬁ls.

La foi d’Élie au Dieu vivant est confrontée au culte des faux-dieux de la reine Jézabel, au Mont Carmel. À la prière d’Élie, l’holocauste est consumé par le feu. Les prophètes de Baal sont égorgés. C’est la 򯬁n de la sécheresse.

Mais Élie s’enfuit devant les menaces de Jézabel. Il retourne vers le Mont Horeb. Découragé, il est réconforté par un ange qui lui procure galette et cruche d’eau. Il marche alors quarante jours et quarante nuits vers la montagne de Dieu où se déroule une théophanie. Dieu n’est pas dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans le bruit d’une brise légère. Il renvoie alors le prophète pour oindre Azaël, Iou et Élisée.

Élie intervient dans l’épisode de la vigne de Naboth ; puis sous le règne d’Ochozias, le feu du ciel descend à sa parole sur deux cinquanteniers et leurs cinquantaines.

L’enlèvement par un char de feu et le legs du manteau à Élisée ne marquent pas la 򯬁n de son histoire. Il est attendu avant le Jour du Seigneur.

Pour comprendre certaines citations bibliques et leur commentaire chez les Pères gréco-latins, il importe de se reporter à la version grecque des Septante qui présente quelques variantes importantes par rapport au texte hébreu. C’est pourquoi la traduction du cycle biblique d’Élie, selon la Septante, ouvre ce recueil. Mais dans les différents textes, nous n’avons pas cherché à uni򯬁er les diverses traductions d’un même passage biblique, car leur diversité est une richesse qui permet des approches complémentaires.

Choix des textes patristiques traduits

Les Saints Pères de l’Église, tant orientale qu’occidentale, qui ont longuement médité la Parole de Dieu, l’Ancien et le Nouveau Testament, ont ainsi rencontré la 򯬁gure biblique d’Élie et l’ont comprise à travers leurs différentes formes d’exégèse.

Dans l’ensemble de la littérature patristique, nous avons relevé près de trois mille références relatives au prophète Élie. Toutes ne présentent pas le même intérêt. Certaines évoquent simplement Élie au cours d’une énumération de personnages bibliques, d’autres analysent plus longuement tel ou tel aspect de la vie du prophète.

Dans cet ouvrage, nous présentons la traduction française des commentaires et de quelques Quaestiones relatifs aux chapitres des Livres des Règnes, qui concernent le cycle d’Élie, et des œuvres dont l’intitulé se réfère explicitement au prophète, soit une quarantaine de textes. Certains étaient déjà traduits en français, d’autres en latin ou en une langue moderne, d’autres étaient édités, mais non traduits, d’autres en򯬁n n’étaient pas encore édités.

Cependant, nous omettons une homélie inédite. Elle n’est en fait qu’une version d’un texte déjà édité : Homilia de miraculis Eliae prophetae (CPG 3105). Il s’agit de la version syriaque du Carmen I,1,16 de Grégoire de Nazianze, ici traduit (véri򯬁cation faite par A. de Halleux, sur un micro򯬁lm du manuscrit Vat. Syr. 96, fol. 96).

Il ne nous a pas semblé nécessaire de traduire le Sermo in Enoch et Eliam du Pseudo-Éphrem, dans Ephraem. Opera armena IV, Mechitaristae, Venise, 1836, p. 79–97 (CPG 4140.1), car ce texte est consacré en fait à Hénok, avec seulement quelques allusions à Élie, p. 92–94.

En revanche, nous insérons dans cet ensemble un long passage du mystique nestorien Joseph Hazzaya, sur l’ascension d’Élie et son retour, extrait du Discours sur la Nature de l’Essence divine, œuvre qui n’est pas consacrée à Élie, mais ce texte présente des aspects importants de la mystique syro-orientale.

Les homélies patristiques d’Élie dans la liturgie byzantine3

Parmi les textes ici traduits, sept sont indiqués, dans les manuscrits des homéliaires byzantins, comme lecture prévue pour la fête de saint Élie, le 20 juillet : celui attribué à Jean de Damas (CPG 8083, BHG 573), celui d’Éphrem (CPG 4024, BHG 574), celui de Basile de Séleucie (CPG 6656.11, BHG 575), quatre homélies attribuées à Jean Chrysostome (CPG 4513, BHG 1488 ; CPG 4565, BHG 576 ; CPG 4971, BHG 577b ; BHG 577 f). En effet, BHG 577 f est un sermon inédit et attribué à Jean Chrysostome ; il constituerait le corps de In Martham, Mariam et Lazarum et in Eliam prophetam, BHG 2219p (= CPG 4639), soit PG 61,703,55–706,364. Il est possible que les besoins liturgiques soient à l’origine de cet “extrait”, à moins qu’au contraire CPG 4639 ne soit formé à partir de BHG 577 f.

A. Ehrhard5 signale huit autres lectures pour le 20 juillet, à la louange de saint Élie. Elles ne comportent pas de nom d’auteur ou sont postérieures à l’époque patristique, c’est pourquoi elles ne 򯬁gurent pas dans ce recueil. Ce sont :

  • BHG 572y, récit inédit, fait à partir du quatrième livre des Rois ;
  • BHG 573b, commentaire inédit de Marc Eugénicos, archevêque d’Éphèse, théologien grec de la première moitié du XVe siècle ;
  • BHG 573c, commentaire inédit ;
  • BHG 573d, récit inédit des miracles d’Élie et d’Élisée ;
  • BHG 573e, commentaire anonyme6 ;
  • BHG 577, discours de Léon le Sage7 ;
  • BHG 577c, louange de Théophane Protothronos, texte inédit ;
  • BHG 577e, discours anonyme sur la vie et les miracles d’Élie et d’Élisée, inédit.

La vie d’Élie

Le choix limité des textes de ce recueil ne peut permettre une synthèse de la pensée patristique concernant le prophète Élie. Cependant, il procure un échantillon des grands thèmes élianiques qui parcourent la patristique.

La naissance d’Élie décrite dans le commentaire attribué à Jean de Damas8 n’est pas relatée dans la Bible, mais dans les Vies des prophètes, qui font écho au midrash sur le psaume 42 [43],3, dans lequel Élie, de la maison d’Aaron, est la lumière, et le Messie, la vérité. Jusqu’à la réforme liturgique du concile Vatican II, ce passage des Vies des prophètes était lu, à l’of򯬁ce des matines, dans l’Ordre du Carmel, sous le nom d’Épiphane. Dans les textes carmélitains du Moyen Âge, ce récit de la naissance d’Élie est repris avec des variantes9.

À la suite d’Aphraate10, plusieurs passages des textes syriaques présentent Élie comme prêtre (cf. Pseudo-Éphrem, Commentaire sur les Livres des Rois ; Homélie sur Élie et la veuve). Cette donnée provient de la tradition juive et se retrouve dans les Vies des prophètes, pour lesquelles Élie appartient à la tribu d’Aaron. En effet, le sacerdoce étant héréditaire, déterminer la tribu à laquelle appartient Élie revient à le considérer comme prêtre ou non. Dans les écrits rabbiniques, trois opinions s’affrontent11. Pour les uns, Élie appartient à la tribu de Gad, car, d’après Jos 13,25, le pays de Galaad où se trouve Thesbé lui appartient. Pour d’autres, il est un descendant de Benjamin, c’est-à-dire de Rachel. Pour d’autres en򯬁n, comme rejeton de Lévi, sa généalogie remonte à Léa et il est alors considéré comme prêtre.

Les Pères de l’Église grecque et latine ont cependant évité de présenter Élie comme prêtre. Parmi les Pères grecs, seul Eusèbe d’Émèse, né d’ailleurs à Édesse (Mésopotamie), le nomme grand-prêtre et parmi les Pères latins, trois auteurs disent explicitement qu’Élie est prêtre (Prudence, Verecundus de Junca et Isidore de Séville)12.

Un autre caractère, d’origine juive aussi, est celui d’Élie détenteur de la clé des cieux. Pour expliquer comment la pluie est retenue dans le ciel ou en descend, les Sémites imaginaient une sorte de trappe dans le 򯬁rmament. D’où l’idée d’une clé pour sa fermeture et son ouverture, dont dépendaient les précipitations atmosphériques. La littérature rabbinique attribue cette clé à Élie13. À sa parole viennent la sécheresse et la pluie. Élie ne peut détenir en même temps la clé de la pluie et celle de la mort. Aussi pour retrouver la clé des cieux, Dieu imagine la ruse de faire mourir le 򯬁ls de la veuve nourricière d’Élie. Ce dernier, a򯬁n de pouvoir ramener le mort à la vie, permet à Dieu de donner la pluie à la terre.

Parmi les textes ici traduits, quatre textes grecs en dépendance l’un de l’autre ou dérivés d’une même source (Basile de Séleucie, Romanos le mélode, Pseudo-Chrysostome – CPG 4565 et 4639), trois textes attribués à Éphrem (une hymne conservée en version grecque, l’homélie syriaque sur Élie et la veuve de Sarepta et le Commentaire du 1er livre des Rois) décrivent cette scène qui magni򯬁e l’amour de Dieu pour les hommes. Le kontakion anonyme sur Élie et la veuve se rattache sans doute à cette même thématique, mais son état fragmentaire ne permet pas une comparaison complète. Le scénario commun à ces textes est d’origine juive : Élie, le prophète de la contestation, doit apprendre la compassion14.

Cette même problématique est traitée différemment dans une autre famille de textes (Pseudo-Chrysostome, CPG 4513 et 4971). Ce n’est plus la mort du 򯬁ls de la veuve, mais la faiblesse d’Élie fuyant Jézabel, qui revêt le prophète de philanthropie divine.

Le rapprochement de la sentence de sécheresse (3 R 17, 1) du ciel d’airain et de la terre de fer (Dt 28,23) qui se trouvent dans plusieurs textes grecs et syriaques15 peut avoir aussi une source juive. Le Targum du Deutéronome associe en effet ce verset à l’absence de pluie et de rosée : “Les cieux qui sont au- dessus de vous seront comme l’airain, (trop) durs pour faire descendre pour vous la rosée et la pluie, et la terre qui est au-dessous de vous comme le fer (trop) endurcie pour faire pousser pour vous herbes et plantes”16.

Le thème du sacri򯬁ce d’Élie est développé dans la catéchèse baptismale des trois Pères cappadociens, Basile le Grand, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse. On le trouve déjà chez Origène (Commentaire sur saint Jean 6,125) et il apparaît aussi à la 򯬁n de l’homélie d’Ambroise sur Élie et le jeûne17. Le sacri򯬁ce d’Élie comme typologie du baptême souligne que celui-ci est rupture dé 򯬁nitive avec le paganisme18. La traversée du Jourdain par Élie est interprétée aussi comme typologie baptismale (Pseudo-Fulgence), de même l’eau demandée à la veuve de Sarepta (Pseudo-Chrysostome, CPG 4639). Et l’entrée au ciel est fruit du baptême, à l’image de l’enlèvement d’Élie19.

Le zèle semble la caractéristique du prophète que certains Pères appellent tout simplement “le zélé” (cf. p. 123–24, n. 3).

La rencontre de Dieu à l’Horeb est peu commentée. La sobriété des Pères sur cet épisode de la vie d’Élie rejoint la pratique des Pères du désert qui préfèrent parler des conseils ascétiques plutôt que de leur vie intérieure, de leur “activité secrète”. Le deuxième discours sur Élie, quand il s’enfuit de devant Jézabel, de Jacques de Saroug n’en est que plus remarquable.

L’enlèvement du prophète est décrit avec force détails par bien des écrivains anciens (Chrysostome latin, Jacques de Saroug, Joseph Hazzaya). Cette montée 򯬂amboyante vers le ciel est image de l’ascension spirituelle que peut faire tout 򯬁dèle sur le char des vertus, image de l’ascension du Christ (Chrysostome latin, Césaire d’Arles ; illustration pl. 4). Elle constitue par excellence la représentation d’Élie dans l’art paléochrétien (cf. illustrations pl. 2, 3, 4) et dans la miniature byzantine (cf. illustration pl. 8).

Ce recueil n’offre que de brèves allusions à la présence d’Élie aux côtés du Christ trans򯬁guré. Mais Joie de la Trans򯬁guration et Grâce de la Trans򯬁guration20 présentent de nombreux textes patristiques sur cette manifestation glorieuse. Élie et Moïse y représentent respectivement les Prophètes et les vivants, la Loi et les morts (cf. illustrations pl. 5 et 6).

Pour certains Pères, la prophétie de Malachie 4,5 se trouve réalisée en Jean-Baptiste, le nouvel Élie, comme l’af򯬁rme Jésus lui-même21. Mais d’autres attendent le retour d’Élie à la 򯬁n des temps, selon l’af򯬁rmation de Jean-Baptiste, niant être Élie22. Cette interprétation est tenue par bien des auteurs. Pour les Latins, citons Tertullien, Commodien, Victorin de Pettau, Lactance, Hippolyte de Rome, Ambroise de Milan, Apponius, Augustin, Quodvultdeus, Jérôme, Cassiodore, Isidore de Séville, Grégoire le Grand. Pour les Grecs : Origène, Jean Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie, Cosmas Indicopleustès, Théodoret de Cyr, Jean de Damas. Les auteurs syriaques développent longuement leur vision du retour d’Élie. Il faudrait citer Éphrem, mais surtout Narsaï et Joseph Hazzaya.

Élie, initiateur de la vie monastique

Comme la Sainte Écriture ne dit pas qu’Élie eut une femme et des enfants, bien des Pères chantent la virginité du prophète. Les textes ici traduits y font quelquefois allusion (Maxime le Confesseur, Question 192 ; Jacques de Saroug).

Son zèle sans partage pour le Seigneur, son obéissance à la volonté de Dieu, lui confèrent une grande “parrèsia” - audace, familiarité, liberté de parole - envers son Créateur. Celui-ci respecte son serviteur qu’il sait tout à lui. Il exauce aussitôt la prière de celui qui “sait obéir en tout à celui qui l’appelle” (Jean de Damas, § 4). Aussi Dieu ne peut-il aller à l’encontre de la sentence qu’Élie a prononcée, bien que celle-ci heurte son amour pour les hommes. Nous avons déjà signalé la mise en scène du “champion de Dieu” et des ruses du Seigneur pour 򯬂échir la rigueur d’Élie, dans les traditions syriaque et grecque.

La pauvreté d’Élie est chantée par Jean Chrysostome et la simplicité de son habit est souvent soulignée.

La marche d’Élie vers l’Horeb est décrite comme un jeûne de quarante jours et quarante nuits. La littérature patristique associe souvent ce jeûne d’Élie à celui d’autres personnages de la Bible. Entre parenthèses, nous indiquons le nombre de fois où nous avons relevé le rapprochement; certes, ce calcul n’est pas exhaustif, mais il donne une idée de l’orchestration scripturaire du jeûne d’Élie : Moïse (91 fois), Jésus (69), Daniel (22), les Ninivites (16), les trois enfants (13), Jean-Baptiste (9), Anne (6), David (5), Élisée (3), Isaïe, Jérémie, Jonas, Josué, Judith (4), Esther (1) et Mardochée (2), Noé (1), Abraham (1), Loth (1), Joseph (1), Israël (1), Jacob (1), Salomon (1), la mère de Samson (1), Paul (1) et même Adam au Paradis (5). Le jeûne d’Élie est aussi rapproché de celui des animaux - la baleine qui n’a pas mangé le prophète durant trois jours, les lions qui ne dévorèrent pas Daniel - et d’un élément naturel, le feu qui a épargné les trois Hébreux dans la fournaise ! Élie et le jeûne de saint Ambroise fournit un bel exemple de cette orchestration scripturaire du jeûne d’Élie. Les fruits du jeûne sont multiples. Le jeûne peut rendre la prière d’Élie efficace pour arrêter la pluie ou la sécheresse. Le lien entre le jeûne, l’enlèvement, la rencontre avec Dieu à l’Horeb et le zèle, est très souvent exprimé.

La paternité spirituelle d’Élie envers son disciple Élisée est présentée de manière très concrète et absolue dans le commentaire attribué à Jean de Damas. C’est par une obéissante désobéissance qu’Élisée reçoit le manteau d’un tel maître, gage d’une double part de son esprit.

Tous ces éléments ont fait d’Élie un modèle de vie monastique. Aussi est-il bien compréhensible que l’Ordre du Carmel, qui est né sur le Mont Carmel, ait revendiqué la paternité spirituelle du prophète qui y vécut dans la solitude et y manifesta la puissance du vrai Dieu.

Élie et la Trinité

La triple inclination du prophète sur l’enfant mort manifeste le mystère de la Trinité (Pseudo-Chrysostome, CPG 4639). Il en est de même pour la triple immersion de l’autel, lors du sacri򯬁ce sur le Mont Carmel (Théodoret de Cyr, Procope de Gaza). Pour Isidore de Séville, la famine de trois ans représente la privation de la foi en la Trinité23.

Depuis Cyprien de Carthage, les Pères ont vu en Élie, un “typum Christi”24, et en la veuve de Sarepta, l’image de l’Église. Sans doute est-ce Césaire d’Arles qui a poussé le plus loin la typologie, à laquelle le personnage d’Élie a donné lieu, dans le sermon 124.

Les Pères et le Judaïsme

Par leur présentation hostile du judaïsme, plusieurs passages peuvent choquer un chrétien formé à la pensée de la déclaration conciliaire (Vatican II, Nostra aetate 4). Il est nécessaire de les situer dans le contexte de la période patristique, d’une polémique anti-juive qui varie selon les époques, les régions et les auteurs.

Ainsi l’introduction du sermon sur Élie du Pseudo-Chrysostome va-t-il jusqu’à accuser les Juifs de “theomachia”, de combat contre Dieu. Jean Chrysostome (Élie et la veuve, 5), Chromace d’Aquilée (Serm. 25,4–6) et Césaire d’Arles (Serm. 124,1) développent longuement l’opposition entre la Synagogue et l’Église, à travers les 򯬁gures de Jézabel et de la veuve de Sarepta. Comme Élie est parti vers la veuve étrangère, ainsi le Christ, rejeté par les Juifs, est accueilli par les Gentils. Les corbeaux sont aussi l’image de l’Église des Gentils. L’agressivité de l’hymne 17 d’Éphrem, Sur les azymes, est blessante.

En insistant fortement sur la nouveauté apportée par le Christ, les Pères ont dévalorisé le peuple juif. Mais, comme l’af򯬁rme saint Paul, “les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance” (Rm 11,25). L’élection de l’Église ne contredit pas la permanence de l’élection d’Israël.

Élie est un prophète très vénéré dans le judaïsme. Chaque soir du sabbat, son retour est attendu. Il est celui qui doit précéder la venue du Messie. Une meilleure connaissance du prophète peut aider les chrétiens à mieux comprendre le mystère d’Israël.

Ce recueil est l’œuvre d’une équipe œcuménique composée d’un arménien, d’un copte, d’un syriaque, d’un grec orthodoxe, d’un protestant et de catholiques de divers rites. Or si nous pouvons considérer la rupture entre Israël et l’Église comme le premier schisme, cette approche de la 򯬁gure d’Élie, réalisée par des chrétiens encore séparés, ne peut-elle pas être germe d’unité ?

*

Que soient vivement remerciés tous ceux et celles qui ont collaboré à ce travail. En premier lieu, les professeurs de la faculté de théologie catholique de Strasbourg, Mariette Canévet et Marcel Metzger, doyen de la faculté, qui m’ont encouragée et conseillée dans la recherche patristique sur le prophète Élie ; les traducteurs et traductrices du grec, du latin, du syriaque, du copte, de l’arménien, du géorgien et de l’arabe :

  • – Philippe Lefèvre (Fribourg), pour la traduction du cycle d’Élie, selon la Septante ;
  • – Jean Bernardi (Paris), pour Grégoire de Nazianze ;
  • – Anne Boud’hors (Paris), avec la collaboration d’Henein Nagi (Le Caire), pour la version copte de l’éloge sur Élie attribué à Jean Chrysostome ;
  • – Grigorios Papathomas (Thessalonique), pour CPG 4971 ;
  • – Mariette Canévet (Strasbourg), pour CPG 4639 ;
  • – Marie-Madeleine Vautrin (Nancy), pour Basile de Séleucie, Jean de Damas et le poème latin Hénok et Élie ;
  • – Denis Guillaume (Rome), o.s.b., pour les hymnes grecques ;
  • – André Rose (Namur), pour Théodoret de Cyr et la plupart des textes latins ;
  • – Jean-Philippe Houdret (Montpellier), o.c.d., pour Maxime le Confesseur et les Quaestiones ad orthodoxos ;
  • – Joël Courreau (Ligugé), o.s.b., pour Césaire d’Arles ;
  • – Bernard Outtier (Lavau), pour Éphrem et le Pseudo-Éphrem, en syriaque, géorgien et arabe ;
  • – Athanase Renoux (abbaye d’En-Calcat), o.s.b., pour les hymnes 18–19 de l’Éphrem arménien ;
  • – Joseph Kéléchian (Paris), pour les hymnes 20–21 et 28 de l’Éphrem arménien ;
  • – Emmanuel Pataq Siman (Paris), o.p., pour l’homélie 23 de Narsaï ;
  • – Fikri Gabriel (Liège) et Didier Rance (Nancy) pour l’homélie 76 de Narsaï ;
  • – Marie-Joseph Pierre (Paris), pour le Deuxième discours sur Élie, quand il s’enfuit de devant Jézabel et Sur Naboth d’Yizréel de Jacques de Saroug ;
  • – Marie-Thérèse Elia (Kaslik), pour la première homélie sur Élie de Jacques de Saroug ;
  • Frédéric Rilliet (Genève), pour Sur le prophète Élie et le roi Ochozias, Sur saint Mar Élie le prophète et sur son ascension au ciel de Jacques de Saroug, et François Graf򯬁n (Paris), s.j., pour la révision de la traduction de ces deux homélies ;
  • – François Pacha Miran (Paris), pour plusieurs textes syriaques ;
  • – Robert Beulay (Bagdad), o.c.d., pour Joseph Hazzaya.

Sauf indication contraire, j’ai rédigé toutes les notices qui introduisent les textes traduits.

Nous n’oublions pas tous ceux qui ont participé à divers titres à cette recherche, spécialement Jean-Paul Bouhot (Lyon), pour son aide, dans la compréhension des textes anonymes latins, du Pseudo-Fulgence et du Chrysostome latin ; Marcel Metzger, pour la révision de ma traduction de CPG 4565 ; Michel Aubineau (Paris), pour ses indications sur CPG 4971 ; Micheline Albert (Paris), pour son aide précise sur Jacques de Saroug ; tous nos amis pour leur concours multiple et dévoué. Que le saint prophète Élie, “Guide et Père”, accorde à chacun une double part de son esprit !

“Quiconque s’appliquera à écrire en ton nom un livre de lecture et le dédicacera à ton sanctuaire, j’écrirai son nom dans le livre de vie et le ferai hériter des biens du royaume des cieux” (paroles de Dieu à Élie).

Pseudo-Chrysostome, (Éloge d’Élie, version copte).

Sœur Éliane Poirot, o.c.d.


1 Cf. R. Hendriks, “La succession héréditaire”, dans Élie le prophète, t. 2, Études carmélitaines, Paris 1956, p. 34–81 ; J.-Ph. Houdret, “L’imitation du prophète Élie chez les Carmes du XIIIe au XVIIe siècle”, dans Carmel, 1983, p. 208–226.

2 Nous suivons les appellations et la numérotation de la Septante, Bible utilisée par les Pères grecs. Cette numérotation diverge du texte massorétique pour les chapitres 20 et 21 du troisième livre des Règnes et pour la référence à Élie dans Malachie (LXX, 3 R 20 = TM, 1 R 21 ; Vulgate Ml 4,5 = TM, Ml 3,23–24 = LXX, Ml 3,22–23).

3 Cf. É. Poirot, “Le saint prophète Élie dans la liturgie byzantine”, dans Ecclesia orans, Rome 1992, p. 173–199.

4 Cf. M. Sachot, L’homélie pseudo-chrysostomienne sur la transfiguration, CPG 4724, BHG 1975, Francfort/Main-Berne 1981, p. 473. Après vérification sur deux manuscrits (Vat. gr. 455 et Paris. gr. 1556), nous indiquons bien l. 55 au lieu de l. 25, référence donnée dans cet ouvrage.

5 Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche von den Anfängen bis zum Ende des 16. Jahrhunderts, TU 50–52, Leipzig 1937–1952.

6 Édité par B. Latysev, Menologii anonymi byzantini … quae supersunt, t. 2, Saint- Pétersbourg 1912, p. 188–194.

7 Édité par le moine Akakios, Athènes 1868, p. 259–262, par Th. Moschonas, Alexandrie 1950, p. 2–5, par G. Strano, Orpheus 2001, p. 214–230, par Th. Antonopoulou, CCSG 63, Turnhout 2008, p. 447–450.

Résumé des informations

Pages
750
Année de publication
2024
ISBN (PDF)
9783631904831
ISBN (ePUB)
9783631904848
ISBN (Relié)
9783631904770
DOI
10.3726/b21144
Langue
français
Date de parution
2024 (Juillet)
Mots clés
Prophète Élie Pères grecs Pères latins Pères syriaques Éliane Poirot Élie, le Prophète
Published
Berlin, Bruxelles, Chennai, Lausanne, New York, Oxford, 2024. 750 p., 10 ill. en couleurs.

Notes biographiques

Éliane Poirot (Éditeur)

Éliane Poirot, docteur en théologie de l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg, membre de l’Association Internationale des Études Patristiques est co-fondatrice du Carmel byzantin de Saint-Remy (1974), de la Fraternité Saint-Élie (1991) et du skite roumain de Stânceni (1994). Elle a publié une douzaine de livres sur les prophètes Élie et Élisée.

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Titre: Élie le prophète. D'après les Pères de l'Église d'Orient et d'Occident