Discours et terminologie dans la presse scientifique française (1699–1740)
La construction des lexiques de la botanique et de la chimie
Résumé
Cet ouvrage reconstruit la naissance du genre de la presse scientifique périodique en France qui participe à plein titre à la construction des réseaux conceptuels des sciences modernes, ainsi qu’à leur stabilisation et à l’usage des terminologies scientifiques modernes. Le choix des domaines de la botanique et de la chimie repose sur leur reconnaissance en tant que sciences à part entière en dehors des finalités médicales et thérapeutiques auxquelles elles ont été longtemps confinées par les savants. Par conséquent, de nouveaux besoins de dénomination découlent du positionnement de ces champs disciplinaires au sein de la topologie des savoirs scientifiques.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Liste des tableaux
- Remerciements
- Présentation (Maria Teresa Zanola)
- Préface (John Humbley)
- Liste des abréviations
- Introduction
- Première partie
- Chapitre 1: La naissance de l’idéal de « science moderne » et la conception des nouvelles pratiques savantes
- Chapitre 2: L’écriture de la science en France à la fin du XVIIe siècle et au début du siècle suivant
- Deuxième partie
- Chapitre 3: Prémisse méthodologique
- Chapitre 4: La langue scientifique au XVIIIe siècle : la construction des lexiques de la botanique et de la chimie
- Conclusion générale
- Annexe 1
- Annexe 2
- Bibliographie
- Index
- Titres de la collection
Cette publication a été réalisée grâce au soutien du Dipartimento di Studi Economici e Giuridici de l’Université de Naples « Parthenope ».
Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué avec leur encouragement à la réalisation de cet ouvrage. Toute ma gratitude va à ma directrice de thèse Jana Altmanova pour m’avoir guidé et conseillé avec générosité depuis mes années de formation universitaire.
J’adresse ma reconnaissance à Carolina Diglio et Maria Teresa Zanola pour leur soutien et leurs conseils qui m’ont permis d’avancer dans la réalisation de cette publication.
Mes remerciements vont également à John Humbley, qui m’a fait l’honneur de préfacer cet ouvrage et qui a suivi avec enthousiasme la finalisation de ce volume, et à Gabrielle Le Tallec, pour ses conseils précieux.
J’exprime enfin ma sincère gratitude à Serena, Magi, Michele, Silvia et Jacopo, pour leur support tout au long de mes recherches. ← xi | xii →
Les recherches de l’Auteur sont le fruit d’un travail novateur en terminologie diachronique dont le suivi est un enrichissement scientifique dû à la rigueur et au soin apportés dans sa démarche d’enquête, dans le foisonnement d’idées et de suggestions évoquées, dans la pénétration intellectuelle et l’effort pointu pour atteindre les résultats que ce volume nous présente.
Cet ouvrage a pour objet central l’analyse du rapport étroit entre la structuration des connaissances et l’évolution terminologique et langagière recensée dans les genres textuels adoptés par la communauté scientifique au cours des premières quarante années du XVIIIe siècle. Le choix très heureux d’élection du genre de la presse scientifique périodique constitue à lui seul un aspect de forte originalité qui réserve à plusieurs reprises beaucoup d’autres remarques d’authenticité et de traits inédits.
La reconstruction du cadre historique et culturel de l’évolution de la science, dans les domaines de la botanique et de la chimie notamment, accompagne la construction d’un corpus textuel significatif pour une analyse terminologique systématique. Cela conduit l’Auteur à développer – pour chaque source et à chaque pas de son enquête – un examen critique des informations pertinentes qu’il fournit : le corpus terminologique ainsi constitué puise dans les pages des centaines d’articles du Journal des savants et des Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences de 1699 à 1740, des lieux d’analyse précieux, jusqu’ici nullement considérés pour des recherches terminologiques.
L’histoire de l’idéal de science moderne, dans le dialogue entre théorie et pratique, entre expérimentation et institutionnalisation des pratiques savantes, entre Académies d’État et provinciales, devient le terrain spécial pour donner naissance aux formes de narration qui se révèlent les plus adéquates. Entre histoire des sciences et histoire des idées, l’Auteur sait nous fournir les idées clés du contexte vers lequel il va introduire le lecteur. ← xiii | xiv →
La presse scientifique analysée documente ce tournant décisif au niveau européen, qui formalise des modèles privilégiés pour la diffusion des savoirs aussi bien que pour l’histoire des genres textuels de la communication scientifique du XVIIIe siècle. Une des contributions majeures de ce travail est constituée par la discussion, riche et détaillée, de la terminologisation conceptuelle d’un nouveau système ontologique qui va vers la systématisation : des « termes d’auteur » (placenta, verticillé) à des formations populaires (belle-de-nuit, nopal, cytise) aux travaux collectifs (dissolubilité, malléabilité, talqueux, glutineux, entre autres), sont illustrées les modalités du développement de la pensée par le développement du vocabulaire et les différents types d’évolution terminologique dans la tranche diachronique évaluée.
La clarté de l’analyse est une qualité qui sait restituer une démarche ardue de manière passionnante et très intéressante pour le lecteur. Une des clefs de la démonstration est l’exposition de l’état de la langue scientifique de la botanique avec la classification linnéenne et de la langue de la chimie avant la méthode de terminologie chimique de Lavoisier. La démonstration, parfaitement bouclée, vise à identifier les apports spécifiques des articles de la presse scientifique du corpus identifié pour la circulation des savoirs et pour la structuration discursive de la langue scientifique.
Ce volume contribue à déployer un véritable trésor de contenus variés, riche en collecte d’informations et en données analysées, mais aussi complet dans ses analyses lexicologiques et terminologiques et dans ses sources documentaires et sa bibliographie approfondie.
L’Auteur traverse en profondeur un contexte de savoirs complexe et savant, et pour lequel seule une approche textuelle terminologique et culturelle permet de faire avancer la connaissance et le questionnement de façon décisive. C’est une réponse documentée sur l’intérêt des données produites à partir du dépouillement – manuel surtout et très rigoureux – de la presse scientifique à ses débuts, nous permettant l’accès à des sources qui ne sont pas encore numérisées.
En 2003, l’Association des Sciences du langage organisait un colloque intitulé Mais que font les linguistes ?1 Le but était de montrer que les linguistes, outre leur travail théorique sur la langue, avaient également vocation à jouer un rôle plus large dans la société, notamment en apportant leur savoir et leur méthodologie à des projets transdisciplinaires. Ainsi leur collaboration aux domaines de l’histoire des sciences s’est révélée particulièrement fructueuse. En effet, la principale trace de l’innovation scientifique du passé est à chercher dans le langage qui l’exprime : nous connaissons l’évolution des sciences grâce aux écrits que nos prédécesseurs nous ont laissés. L’historien se focalise sur les faits, les méthodes, les hypothèses ; le linguiste sur la façon de les exprimer. La démarche de l’un éclaire la recherche de l’autre.
La prise en compte de la dimension linguistique de l’évolution des sciences est devenue aujourd’hui une évidence, et les exemples de collaboration se multiplient. L’Italie joue depuis longtemps un rôle clé dans ces explorations pluridisciplinaires, menées en particulier par l’Istituto per il Lessico Intellettuale Europeo e Storia delle Idee (ILIESI),2 animées par Giovanni Adamo, et illustrées plus récemment par les travaux de Maria Teresa Zanola,3 pour ne nommer que ceux qui ont directement orienté les recherches présentées dans cet ouvrage. C’est donc dans ce terreau que ← xv | xvi → Claudio Grimaldi a mûri son projet d’étudier l’émergence de deux langues de spécialité, celles de deux disciplines clés du XVIIIe siècle : la botanique et la chimie. À partir de l’hypothèse d’une collaboration entre le linguiste et l’historien des sciences, il démontre que la néologie, l’innovation dans la langue, représente la trace visible et analysable de l’innovation scientifique. On peut, selon cette hypothèse, suivre et mieux comprendre l’évolution de la pensée scientifique en étudiant celle de la langue utilisée.
Il ne s’agit pas toutefois, on s’en doute bien, d’une correspondance directe entre innovation scientifique et néologie linguistique, d’où la nécessité d’une collaboration étroite entre le linguiste et l’historien. Ainsi, la définition du terme acide, pour prendre un exemple connu, n’a cessé d’évoluer en fonction du progrès des connaissances scientifiques, de telle sorte que c’est l’analyse de tout le contexte textuel disponible qui s’impose pour détecter l’évolution de la pensée. Parmi les genres textuels qui jouent un rôle dans la transmission de l’évolution des idées, il convient de signaler et d’explorer celui de l’article de recherche. Or, c’est précisément une des originalités de la démarche de Claudio Grimaldi que d’étudier l’évolution de la terminologie de ces deux disciplines, en prenant comme corpus un type de publications que l’on peut considérer comme l’ancêtre de l’article scientifique. Il a donc retenu comme base de son corpus Le Journal des sçavans, première publication en France, voire en Europe, consacrée à la divulgation de la recherche, fondée en 1655, ainsi que les Histoire et Mémoires de l’Académie royale des sciences, publiés à partir de 1699.
Le choix des disciplines de cette étude linguistique n’est pas dû au hasard. Ces deux sciences alors en plein développement avaient comme point commun le besoin impérieux de classification et surtout la nécessité de définir des critères clairs permettant ces classifications. Or, pour l’essentiel, ces critères ont été fixés, en France tout au moins, après la période étudiée par l’auteur, qui s’est imposé la date de 1740 comme limite de sa recherche actuelle. À cette époque, la révolution linnéenne n’est pas encore connue en France, et celle de la chimie devra attendre la période pré-révolutionnaire. Les analyses des deux périodiques savants révèlent donc non l’achèvement de cette réflexion mais les prémisses de ce qui provoquera d’importants bouleversements scientifiques. Les tentatives de classification botanique, pour n’en donner qu’un exemple, avaient connu des avancées significatives ← xvi | xvii → pendant la période retenue, et les travaux de Tournefort continuaient de dominer la réflexion botanique de la première moitié du XVIIIe siècle. Le système proposé par ce botaniste se révéla finalement ou trop complexe pour être opérationnel ou trop peu pertinent, mais il avait préparé le terrain pour l’application d’autres critères, notamment ceux de la reproduction sexuée des plantes. Voilà ce que nous disent les livres d’histoire. Mais, ce que nous montre l’auteur, c’est que cet effort de conceptualisation était déjà inscrit dans le langage des scientifiques de ce début du XVIIIe siècle : si l’on commence, pendant cette période, à forger des adjectifs de relation, construits sur les modèles des langues classiques (essentiellement du grec), c’est que les scientifiques passent du stade de la description, exprimée par des formulations analytiques (« … les graines de la plante sont exposées … »), à celui de la classification, réalisée au moyen d’une de ces constructions savantes (plante gymnosperme). Ce n’est pas encore la classification linnéenne, mais du point de vue linguistique et conceptuel, la voie était désormais ouverte. Et ce qui vaut pour les adjectifs de relation sera également développé pour d’autres innovations linguistiques qui concourront à la création du français de la botanique … et des sciences en général.
La finesse de l’étude de Claudio Grimaldi et son choix du corpus nous donnent un aperçu privilégié de la pensée des scientifiques dont les écrits ont été préservés dans les articles analysés : en effet, les savants de l’époque sont amenés à expliquer leurs choix terminologiques, à les justifier, et parfois à employer les termes vulgaires, faute d’autre solution. Ce sont leurs écrits qui révèlent les méthodes de conceptualisation exprimées par le langage. C’est en même temps un aperçu d’un moment privilégié du passage du latin comme langue scientifique, de plus en plus concurrencé par les vernaculaires, à la constitution du français scientifique, qui s’appuie fortement sur l’héritage gréco-latin.
Résumé des informations
- Pages
- XXVI, 234
- ISBN (PDF)
- 9781787079243
- ISBN (ePUB)
- 9781787079250
- ISBN (MOBI)
- 9781787079267
- ISBN (Broché)
- 9781787079236
- DOI
- 10.3726/b11676
- Langue
- français
- Date de parution
- 2017 (Novembre)
- Mots clés
- terminologie diachronique genre textuel presse scientifique
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Wien, 2017. XXVI, 234 p., 6 tabl.