Actions et conduites mimo-gestuelles dans l’usage conversationnel des relatives en français
Résumé
"L’auteur s’appuie sur le déploiement temporel de la parole en interaction et sur la mimo-gestualité pour élaborer une analyse holistique des relatives, qui met en évidence leur admirable malléabilité." (Gilles Corminboeuf)
"Rigoureusement empirique, ce livre offre une analyse détaillée des aspects situé, temporel et multimodal de la grammaire. C’est un jalon remarquable dans les études interactionnelles menées sur le français." (Elwys De Stefani)
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos de l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Conventions de transcription
- Liste des abréviations
- Équivalences terminologiques anglais – français
- Introduction
- 1. Le but de cet ouvrage et sa perspective sur un objet classique de la linguistique
- Le type de données utilisées
- La temporalité du langage
- Le potentiel praxéologique du langage
- Le langage dans son écologie multimodale
- 2. Le plan de ce travail
- Chapitre I Le caractère social du langage
- 1. La linguistique interactionnelle
- 1.1 Le tour de parole : une unité interactive
- 1.2 La dimension praxéologique du langage
- 1.2.1 La paire adjacente
- 1.2.2 La réparation
- 1.2.3 La notion de préférence
- 1.2.4 Les ressources grammaticales
- 2. Temporalité et séquentialité des tours et des actions
- 2.1 Émergence
- 2.2 Une grammaire sensible à la position séquentielle
- 2.3 Projection
- 2.4 Contingence
- 2.5 Incrémentation
- Chapitre II Les relatives : état de l’art et approche renouvelée de leur usage
- 1. L’approche syntaxico-sémantique
- 1.1 La théorie des deux types de relatives
- 1.2 Typologies alternatives à la théorie des deux types de relatives
- 1.3 La remise en question de la subordination des relatives
- 1.3.1 Survol de la subordination dans la littérature
- 1.3.2 Les relatives en tant que clauses autonomes
- 2. L’approche variationnelle
- 2.1 Variation morphosyntaxique et emploi “non standard” des relatives
- 2.2 Variation morphosyntaxique et tendance distributionnelle des relatives
- 3. L’approche interactionnelle
- 3.1 Jeanneret (1995, 1999)
- 3.2 Tao & McCarthy (2001)
- 3.3 Clift (2007)
- 3.4 Laury & Helasvuo (2015)
- 4. Pour une approche temporelle, interactionnelle et praxéologique des relatives
- 4.1 La base de données utilisée
- 4.2 La démarche méthodologique adoptée
- Chapitre III Les relatives en tant que produits d’un bricolage interactionnel en temps réel
- 1. Les relatives co-construites
- 2. Les relatives à constitution multimodale
- 3. Les relatives “non standard”
- 4. Les relatives auto-réparées
- 5. Synthèse et discussion intermédiaires
- Chapitre IV L’usage incrémental des relatives : une pratique interactionnelle au service des besoins locaux des locuteurs
- 1. Les incréments dans ce travail
- 2. Les fonctions interactionnelles des relatives auto-incrémentées
- 2.1 Réparer un problème d’identification référentielle
- 2.2 Poursuivre la réaction d’autrui par des élaborations référentielles
- 3. Les fonctions interactionnelles des relatives hétéro-incrémentées
- 3.1 Hétéro-initier la réparation d’un problème d’identification référentielle
- 3.2 Prendre position par rapport aux assertions d’autrui concernant des référents
- 4. La fonction interactionnelle commune aux relatives auto- et hétéro-incrémentées : ajouter un élément supplémentaire à une énumération de caractéristiques référentielles
- 5. Synthèse et discussion intermédiaires
- Chapitre V L’exploitation conversationnelle de la syntaxe des relatives
- 1. Relatives régies
- 1.1 Relatives non intégrées
- 1.2 Relatives intégrées
- 2. Relatives autonomes
- 2.1 Relatives connectées
- 2.2 Relatives hétéro-incrémentées
- 2.3 Relatives auto-incrémentées
- 3. Synthèse et discussion intermédiaires
- Chapitre VI Conclusion
- 1. Synthèse des résultats et leur apport à l’étude des relatives
- 2. Perspectives à explorer
- 3. Vers une grammaire multimodale et temporelle, articulée aux actions et contingences interactionnelles…
- Bibliographie
Conventions de transcription
Les données interactionnelles analysées dans ce travail ont été transcrites en utilisant les conventions de transcription en vigueur en analyse conversationnelle, décrites plus bas (voir aussi Ten Have 2005). D’après Hutchby & Wooffitt (2008), l’utilisation de ces conventions permet au chercheur de refléter deux aspects analytiques concernant le déroulement des conversations. Le premier se réfère à la dynamique de l’alternance des tours de parole. En ce sens, les conventions utilisées captent des détails relatifs aux débuts et aux fins des tours, y compris des détails minutieux tels que l’occurrence des chevauchements, la présence des pauses intra- et inter-tours, l’aspiration et l’expiration audibles. Le second aspect analytique reflété par l’usage de ces conventions a trait, quant à lui, aux caractéristiques de production de la langue parlée. Il s’agit ici notamment de l’accentuation, l’articulation, l’intonation, et le débit marqués dans les transcriptions.
[ | début du chevauchement |
] | fin du chevauchement |
= | enchaînement rapide |
& | continuation du tour après chevauchement |
(.) | micro-pause non mesurée (jusqu’à 0.3 sec) |
(..) | micro-pause non mesurée (jusqu’à 0.6 sec) |
(0.7) | pause mesurée en secondes et dixièmes de secondes |
mo- | troncation d’un mot |
mo:t | allongement syllabique |
? | intonation finale montante |
¿ | intonation finale légèrement montante |
. | intonation finale descendante |
, | intonation continuative |
>mot< | accélération du débit |
<mot> | ralentissement du débit |
MOT | voix plus forte |
°mot° | voix moins forte |
mot | accentuation |
(mot) | (transcription incertaine) |
^ | liaison |
↑↓ | montée/chute intonative de la syllabe précédée de la flèche |
.h | aspiration |
h. | expiration |
xxx | segment incompréhensible (x = syllabe) |
((rire pour 0.2)) | commentaire du transcripteur |
+mot ((riant))+ | indique le début et la fin d’un segment concerné par un commentaire |
La transcription de la conduite non verbale des locuteurs a été réalisée en utilisant des conventions inspirées de celles développées par Lorenza Mondada pour la transcription multimodale (version 3.0.1, 20141). Ces conventions ont été utilisées comme suit :
* * | indication du début et de la fin du regard du locuteur A ou du regard et d’autres conduites mimo-gestuelles (par ex., haussement de tête) du locuteur A |
ↄ ↄ | indication du début et de la fin d’une conduite mimo-gestuelle supplémentaire du locuteur A (par ex., sourire) |
× × | indication du début et de la fin d’une conduite mimo-gestuelle supplémentaire du locuteur A (par ex., posture du corps) |
∆ ∆ | indication du début et de la fin d’une conduite mimo-gestuelle du locuteur B |
§ § | indication du début et de la fin d’une conduite mimo-gestuelle supplémentaire du locuteur B |
± ± | indication du début et de la fin d’une conduite mimo-gestuelle mutuelle des locuteurs A et B (par ex., A et B se regardent réciproquement) |
£ £ | indication du début et de la fin d’une conduite mimo-gestuelle du locuteur C |
*----> | continuation de la conduite mimo-gestuelle décrite |
---->* | fin de la conduite mimo-gestuelle décrite |
Liste des abréviations | |
l. | ligne (de transcription) |
LI | linguistique interactionnelle |
PP | proposition principale |
SN | syntagme nominal |
UCT | unité de construction de tour |
Équivalences terminologiques anglais – français | |
positionally sensitive grammar | grammaire sensible à la position séquentielle |
recipient-designing | orientation en fonction du récepteur |
transition relevance place | point pertinent de transition |
turn constructional unit | unité de construction de tour |
1 La version citée a été consultée et téléchargée du lien suivant : https://franz.unibas.ch/fileadmin/franz/user_upload/redaktion/Mondada_conv_multimodality.pdf
Introduction2
1. Le but de cet ouvrage et sa perspective sur un objet classique de la linguistique
La conception praxéologique du langage, selon laquelle l’usage du langage est un moyen non seulement pour communiquer mais également pour agir dans la société, est un fait acquis, tant en philosophie du langage ordinaire (Wittgenstein 1953) qu’en linguistique. Elle a influencé notamment la théorie des actes de langage, qui a été développée par Austin (1962) et Searle (1969), et qui a ensuite été intensivement exploitée en pragmatique du discours.
En analyse conversationnelle (Sacks, Schegloff & Jefferson 1974, 1979) et, plus récemment, en linguistique interactionnelle (Ochs, Schegloff & Thompson 1996 ; Couper-Kuhlen & Selting 2018), la conception praxéologique voit dans le langage des ressources linguistiques que les participants mobilisent pour l’accomplissement local de différentes ←1 | 2→actions conversationnelles ou sociales (telles que lancer une invitation, accepter ou refuser une proposition, se plaindre, etc.). Dans l’analyse de ces actions conversationnelles, les linguistes s’intéressent essentiellement à deux aspects, qui distinguent d’ailleurs cette approche de celle adoptée dans l’examen des actes de langage. Il s’agit, d’une part, d’une attention minutieuse que les analystes prêtent aux détails linguistiques, prosodiques et mimo-gestuels des pratiques discursives sur la base desquelles une action (par ex., formuler un accord) est reconnue en tant que telle dans une conversation. D’autre part, il s’agit également d’examiner la position séquentielle de l’action en question, soit le moment précis de son occurrence dans l’échange verbal, avant ou après une certaine autre action (par ex., produire une évaluation positive), à laquelle elle est liée par une dépendance conditionnelle (la seconde action étant occasionnée par la production de la première) (voir chap. I § 1.2.1). Dans cette perspective, la dimension praxéologique du langage est conçue comme étant foncièrement interactionnelle, son interprétation ne reposant plus uniquement sur la production linguistique d’un seul locuteur mais également sur la réaction que celle-ci suscite, de manière locale et située, auprès de l’interlocuteur. Le caractère interactionnel du langage comme action devient dès lors démontrable par l’examen de la temporalité de la conversation, de l’émergence pas à pas des structures linguistiques mobilisées par les locuteurs pour initier ou réagir à des actions conversationnelles.
Ce travail se propose d’étudier la dimension temporelle, interactionnelle et praxéologique du langage, telle qu’elle est observable dans l’usage conversationnel des relatives. Celles-ci sont des propositions introduites par un pronom relatif (‘que’ dans l’ex. 1 ci-après), qui se comporte en subordonnant, dans ses emplois classiques, mais qui peut aussi parfois introduire des clauses autonomes (voir Deulofeu 1999, 2011 ; Groupe de Fribourg 2012).
Alors qu’un nombre impressionnant de travaux a été dédié à l’étude des formes syntaxiques et des fonctions sémantiques des relatives (voir l’état de l’art présenté au chap. II), la présente recherche se propose d’aborder l’étude de ces constructions grammaticales sous un ←2 | 3→jour différent. Elle vise à examiner environ 200 relatives3, sélectionnées à partir d’une base de données comportant dix-neuf heures de conversations en français, à la lumière du déroulement temporel, moment par moment, de l’interaction, et de l’enchaînement séquentiel des tours de parole (dans le sens qu’une réponse, par exemple, suit une question formulée dans un tour précédent). La prise en compte de la temporalité du langage, comprise à la fois en tant qu’émergence en temps réel de la parole (Auer 2009) et en termes de ce qui est produit d’abord et ce qui est ajouté ensuite dans la composition d’un tour de parole (Pekarek Doehler, De Stefani & Horlacher 2015), nous révèle des aspects encore inexplorés dans l’étude des formes et des fonctions des relatives. Prenons, en guise d’illustration, l’extrait ci-après :
Dans cet extrait, on constate que la relative (présentant une forme dite “non standard”, voir chap. II § 2.1) utilisée à la ligne 03 est produite, du point de vue du déroulement temporel de l’interaction, après une pause (voir ligne 02). Du point de vue de l’enchaînement séquentiel des tours de parole, elle est énoncée après la complétion syntaxique, pragmatique et prosodique (signalée par le point à la fin de la ligne 01) du tour de David. Notre recherche se propose de montrer qu’une telle occurrence de la relative, après une pause et dans la continuation d’un tour de parole potentiellement complet, n’est pas anodine mais foncièrement motivée ←3 | 4→par ce qui se produit, d’un point de vue interactionnel, durant la pause qui précède sa production. Notre travail vise ainsi à montrer que l’usage de la relative et l’action conversationnelle qu’elle sert à accomplir sont intrinsèquement liés au déroulement temporel des contingences interactionnelles qui peuvent se produire au cours d’une conversation et qui peuvent se manifester autant sur le plan verbal que sur le plan mimo-gestuel (voir notamment chap. IV). Cette étude cherche ainsi à montrer que la prise en compte des conduites non verbales des locuteurs rend non seulement possible une compréhension approfondie du fonctionnement interactionnel des relatives mais elle rend également visible la diversité dans la variation formelle de ces constructions grammaticales, qui peuvent parfois être formulées entièrement à l’aide de ressources mimo-gestuelles (voir chap. III § 2).
Résumé des informations
- Pages
- XIV, 292
- Année de publication
- 2020
- ISBN (PDF)
- 9783034339766
- ISBN (ePUB)
- 9783034339773
- ISBN (MOBI)
- 9783034339780
- ISBN (Broché)
- 9783034339384
- DOI
- 10.3726/b16516
- Open Access
- CC-BY-NC-ND
- Langue
- français
- Date de parution
- 2020 (Février)
- Mots clés
- référence réparation incréments multimodalité subordination autonomie syntaxique émergence projection conversation interaction
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. XIV, 292 p., 56 ill. en couleurs, 1 ill. n/b.