Chargement...

Etude historique des constructions verbales de l’allemand du 9ème au 16ème siècle

de Thérèse Robin (Auteur)
©2022 Thèses postdoctorales 338 Pages
Série: Deutsche Sprachgeschichte, Volume 12

Résumé

Cet ouvrage décrit et analyse l’évolution des constructions de 82 verbes communs à 6 textes représentatifs de l’histoire de l’allemand, à savoir le Livre des Evangiles d’Otfrid, les Psaumes de Notker, les Sermons de Berthold von Regensburg et de Maître Eckhart, la traduction des Evangiles et les Sermons de Luther de 1545.
La théorie utilisée est la grammaire de construction (Goldberg 1995). Le caractère animé/non animé des groupes nominaux, hérité de l’indo-européen, joue un rôle important dans l’évolution des constructions dans le constructicon, passant d’une certaine complexité morpho-syntaxique à une simplification, accom-pagnée de l’émergence des fonctions syntaxiques sujet et objet et parfois de modifications sémantiques.

Table des matières

  • Cover
  • Titel
  • Copyright
  • Autorenangaben
  • Über das Buch
  • Zitierfähigkeit des eBooks
  • Préface
  • Remerciements
  • Table des matières
  • Liste des abréviations utilisées
  • Introduction générale
  • 1. Le cadre temporel et géographique
  • 1.1. La constitution de l’allemand comme langue vernaculaire
  • 1.2. La périodisation de l’allemand
  • 1.3. La perspective des langues germaniques anciennes
  • 2. L’état de la recherche
  • 2.1. L’utilisation de la théorie de la valence verbale en synchronie
  • 2.2. L’utilisation de la théorie de la valence verbale en diachronie
  • 2.3. Les concepts de polyvalence et de changement valenciel
  • 2.4. La grammaire de construction appliquée à l’allemand
  • I Du cadre théorique à la constitution de l’hypothèse de travail
  • 1. Le cadre et les outils théoriques
  • 1.1. La grammaire de construction : les grands principes
  • 1.2. L’intérêt de la grammaire de construction pour le sujet d’analyse
  • 1.3. L’importance de la morphologie
  • 1.4. Les fonctions syntaxiques
  • 1.5. Les rôles sémantiques
  • 1.6. Application de la grammaire de construction à une langue ancienne
  • 2. Les implications sur les plans linguistique et historique
  • 2.1. Le cadre linguistique : synchronie et diachronie
  • 2.2. Le cadre historique
  • 3. L’objet de l’étude et la définition de la problématique
  • 3.1. Construction et morphologie
  • 3.2. L’évolution, concept et mécanismes
  • 3.3. Changement et sens de l’évolution
  • 4. L’hypothèse : vers une simplification à partir d’une complexité attestée dans les textes
  • 4.1. La complexité de départ : diversité casuelle, syntaxique
  • 4.2. Vers une simplification du marquage casuel
  • 4.3. Vers une simplification des constructions
  • II Analyse du corpus
  • 1. La constitution du corpus
  • 1.1. Choix des textes et de leurs supports
  • 1.2. Choix des verbes et formes verbales
  • 1.3. Un réseau de constructions
  • 1.4. Relevé des constructions dans le corpus
  • 1.4.1. Les amalgames de constructions ditransitives et de constructions transitives « à mouvement provoqué » (caused-motion)
  • 1.4.2. Les constructions à double objet (ditransitives)
  • 1.4.3. Les constructions transitives « à mouvement provoqué » (caused-motion)
  • 1.4.4. Les constructions résultatives
  • 1.4.5. Les constructions transitives
  • 1.4.6. Les constructions intransitives « à mouvement provoqué » (caused-motion)
  • 1.4.7. Les constructions à objet zéro (indefinite null complements et definite null complements)
  • 2. L’évolution morphologique dans les constructions
  • 2.1. Les facteurs d’évolution morphologique
  • 2.2. L’évolution des marquages morphologiques
  • 2.2.1. Le marquage morphologique du pronom sujet
  • 2.2.2. Le pronom es explétif
  • 2.2.3. L’émergence du pronom réfléchi
  • 2.2.4. Le marquage morphologique attaché au verbe
  • 2.2.5. Le marquage morphologique attaché au nom
  • 2.2.6. Complémentarité morphologie verbale-morphologie nominale
  • 3. Les constructions et leur évolution
  • 3.1. L’évolution morphologique des constructions
  • 3.1.1. L’évolution morphologique des constructions ditransitives
  • 3.1.2. Les constructions transitives « à mouvement provoqué »
  • 3.1.3. L’évolution morphologique des constructions transitives
  • 3.1.4. Des constructions transitives aux constructions intransitives « à mouvement provoqué »
  • 3.2. L’évolution syntaxique des constructions
  • 3.2.1. Des amalgames de constructions à des constructions intégrées
  • 3.2.2. Des constructions ditransitives vers des constructions au statut ambigu
  • 3.2.3. Des constructions transitives vers des constructions à objet zéro
  • 3.2.4. Les constructions à objet zéro
  • III Bilan
  • 1. Constructions et évolution des constructions verbales
  • 2. Verbes et constructions : stabilité et instabilité
  • 2.1. Les constructions ditransitives
  • 2.2. Les constructions transitives « à mouvement provoqué »
  • 2.3. Les constructions transitives
  • 2.4. Les constructions à objet zéro
  • 2.5. Des constructions « équivalentes » ?
  • 3. Phénomènes syntaxiques nouveaux
  • 3.1. Emergence du groupe infinitif
  • 3.2. Emergence de certaines fonctions syntaxiques
  • 3.3. Vers une syntaxe positionnelle signifiante
  • 4. La sémantique
  • 4.1. Les champs sémantiques
  • 4.2. La situation chez Otfrid
  • 4.3. Les changements dans le sens des verbes
  • 4.4. Les permanences dans le sens des verbes
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • 1. Sources
  • 2. Littérature secondaire
  • Liste des figures
  • Liste des schémas
  • Liste des tableaux
  • Sprachhistorische Studie zu deutschen Verbalkonstruktionen vom 9. bis zum 16. Jahrhundert
  • 1. Einleitung
  • 2. Fragestellungen
  • 3. Geschichte der deutschen Sprache und Konstruktionsgrammatik
  • 4. Verben und Sätze als Konstruktionen in einer historischen Perspektive
  • 5. Der Begriff der sprachlichen Entwicklung
  • 6. Korpuskonstituierung und Korpusanalyse
  • 7. Analyse einzelner Konstruktionen und deren Entwicklung
  • 8. Die Emergenz gewisser Funktionen
  • A Historical Study of Nineth- to Sixteenth-Century Verbal Constructions
  • 1. Introduction
  • 2. Research questions
  • 3. The History of the German and Construction Grammar
  • 4. Verbs and Sentences as Constructions
  • 5. The Concept of Linguistic Evolution
  • 6. Selecting and Analyzing the Corpus
  • 7. Analysis of Various Constructions and their Evolution
  • 8. The Appearance of Certain Functions
  • Reihenübersicht

←18 | 19→

Introduction générale

Après avoir étudié, pour le doctorat, la syntaxe et la sémantique de la langue du Heliand, poème en vieux-saxon (vsax) datant du 9ème siècle, quasi contemporain du Livre des Evangiles d’Otfrid en vieux-haut-allemand (vha), lidée est venue de continuer à travailler en syntaxe et en sémantique en allemand ancien, tout en prenant en compte une particularité frappante des textes en langue germanique ancienne, voire dans dautres familles de langues indo-européennes : limportance de la morphologie. Avoir choisi comme sujet de cet ouvrage l’étude historique des constructions verbales en allemand ancien se situe dans la continuité de nos travaux de recherche, dans le domaine de la linguistique historique comparée des langues germaniques anciennes, et plus précisément en ce qui concerne le germanique occidental. Notre étude de la langue du Heliand a conduit à constater la récurrence de combinaisons casuelles et prépositionnelles avec les verbes, simples ou complexes, attestés dans le texte. Le travail postérieur au doctorat, sur des textes en allemand ancien et en anglais ancien, conduit à constater cette même récurrence que celle qui ressortait du texte en vsax. Même si l’étude objet de cet ouvrage concerne lallemand ancien, elle peut renvoyer également à des phénomènes similaires attestés dans des langues germaniques parentes. En effet, bien que Joseph Embley Emonds et Jan Terje Faarlund (2014)1 aient récemment remis en cause la répartition des différentes branches du germanique commun entre elles, la parenté des diverses branches du germanique comme sous-famille de la famille des langues indo-européennes reste un fait établi. Ainsi, l’éclairage apporté par l’étude dune langue germanique ancienne peut profiter à une autre langue germanique ancienne, tout en prenant en compte les réalisations particulières propres à telle ou telle langue. Cest la démarche, par exemple de Jóhanna Barðdal2, qui travaille, en linguistique historique, sur les langues germaniques nordiques, en sappuyant aussi sur langlais ou lallemand.

Les avancées théoriques ont, à lheure actuelle, surtout lieu dans les pays anglo-saxons. Pouvoir les lire dans la « langue de Shakespeare » est un atout, donnant ainsi accès à la recherche écrite en anglais. Cela ouvre aussi ←19 | 20→les perspectives danalyse de textes rédigés dans des langues germaniques anciennes. Cela permet en même temps de renouer avec les travaux en linguistique comparée des langues germaniques anciennes qui, pour la France, étaient représentés avant tout par Jean Fourquet. Jean Fourquet reste encore connu, aujourdhui, pour ses travaux sur lallemand actuel, sa Grammaire de lallemand (1952), ses divers articles, son polycopié (1966), Les groupes syntaxiques en allemand, publié de façon posthume (2000/2001), ses Prolegomena (1970). Sa conception nouvelle dune syntaxe sémantique ainsi que sa vision didactique dune grammaire fondée sur la théorie des groupes syntaxiques, constituent encore maintenant une base théorique importante. Cette base théorique est celle qui est utilisée dans cette étude, en même temps que la grammaire de construction. Elle nentre pas en conflit avec cette dernière. La remise en cause de la notion de mot par Jean Fourquet dans son analyse du verbe, et du nom, est comparable à lanalyse constructionnelle dun verbe ou dun nom, et ce, davantage encore en linguistique historique quen linguistique moderne, par le fait que la morphologie dans les langues germaniques anciennes joue un rôle majeur. La notion de groupe syntaxique, avec une base, un membre, voire des catégories, peut être reprise pour lallemand ancien, par exemple, si on admet que la syntaxe dans cette langue est encore plus souple quaujourdhui. La dimension dhistorien des langues germaniques de Jean Fourquet apparaît dans sa thèse dEtat (1938), sur Lordre des éléments de la phrase en germanique ancien. Etudes de syntaxe de position. Ce titre affirme en soi une dimension comparatiste des langues germaniques anciennes propre à la France. Or, depuis quelques décennies, l’étude même des langues germaniques anciennes, y compris de lallemand ancien, est, en France, en voie de disparition, malgré lapport de linguistes comme Philippe Marcq ou Yvon Desportes, successeurs de Jean Fourquet, ayant occupé sa chaire à la Sorbonne.

Si lon ajoute que les études actuelles sur langlais ancien, par exemple, prennent appui sur des théories linguistiques contemporaines anglo-saxonnes, comme la grammaire générative de Noam Chomsky (1957, pour le début) et ses diverses adaptations, comme la sémantique des cadres de Charles Fillmore (1988), ou la grammaire de construction d’Adele Goldberg (1995), ainsi que ses applications, alors on peut affirmer quil en résulte un apport intéressant pour la linguistique historique même, à condition de prendre en compte, comme le fait la recherche la plus récente, les caractères propres aux langues germaniques anciennes, aux stades anciens des langues germaniques, et non pas de considérer ces stades anciens de la même façon que les stades actuels des mêmes langues. Ainsi, par « allemand ancien », on entendra, dans cette étude, ←20 | 21→lallemand tel quil se présente à divers stades de son histoire, depuis son début, avec Otfrid, jusqu’à Luther.

Demblée, la perspective est large, celle de lhistoire des langues germaniques anciennes, avec un focus particulier sur lhistoire de lallemand. Les recherches les plus récentes en linguistique, comme l’utilisation de la théorie de la grammaire de construction, adaptée aux diverses situations en question, à partir des travaux fondateurs d’Adele Goldberg (1995), enrichissent la description, ainsi que lanalyse et la compréhension de faits de langue anciens.

Il sagit d’étudier les constructions verbales dans leur histoire. Le rôle du verbe dans les langues indo-européennes est un fait linguistique remarquable. Il explique le postulat de départ de la théorie de la valence verbale, initiée en France par Lucien Tesnière, dans son ouvrage posthume Eléments de syntaxe structurale (1959), qui met le verbe au cœur de la phrase, en fait le soleil autour duquel tournent tous les autres éléments de la phrase, tels des satellites. Le verbe est ainsi le centre de la phrase. Selon Lucien Tesnière (1959 : 238), pour reprendre une autre de ses métaphores, le verbe est “une sorte d’atome crochu susceptible d’exercer son attraction sur un nombre plus ou moins élevé d’actants, selon qu’il comporte un nombre plus ou moins élevé de crochets pour les maintenir dans sa dépendance.” Cest le verbe qui détermine le nombre d’« actants » de la phrase, et, dans une langue à cas, à quels cas sont les actants, en fonction de leur caractère syntaxique de « prime actant », « second actant », « tiers-actant ». La théorie de la grammaire de construction, qui constitue le fondement théorique de cette étude, est à lheure actuelle la théorie la plus récente à laquelle la théorie de la valence verbale se confronte3. Un historien de lallemand, Albrecht Greule, prend actuellement en compte (2016) la grammaire de construction, en étudie lapport face à la théorie de la valence verbale, quil applique depuis 1982 à des textes en allemand ancien. On a voulu examiner ce quil en est des constructions verbales en allemand ancien, du 9ème au 16ème siècle, du verbe, des groupes nominaux à des cas précis, des groupes prépositionnels4. Cet ouvrage inédit est ainsi une étude historique des constructions verbales en allemand ancien, entre le 9ème et 16ème siècle.←21 | 22→

On va commencer par préciser le cadre temporel et géographique de ce travail, avant de faire le point sur l’état de la recherche dans ce domaine.

1. Le cadre temporel et géographique

La première question qui se pose est celle du choix du cadre temporel : pourquoi avoir choisi le 9ème siècle, d’un côté, le 16ème siècle, de l’autre ? Puis, pourquoi une telle extension temporelle ? L’allemand pendant cette période se constitue en tant que langue vernaculaire, est sécable en diverses époques, s’inscrit dans une perspective ouverte sur les langues germaniques « cousines ». C’est là qu’apparaît l’importance du cadre géographique dans lequel se situe l’allemand ancien par rapport à ses langues « cousines » de la même époque.

1.1. La constitution de l’allemand comme langue vernaculaire

Cet espace temporel est pour l’allemand, celui de la constitution de l’allemand comme langue vernaculaire, c’est-à-dire d’une langue compréhensible par tous ceux à qui elle s’adresse, sans être particulièrement lettrés et versés dans les langues savantes. C’est une langue qui se constitue en tant que telle, dans sa dimension orale, certes, mais aussi écrite, par rapport aux langues savantes, voire sacrées, que sont le latin, et que sont aussi le grec et l’hébreu. D’ailleurs, le terme « deutsch » renvoie étymologiquement à la notion de « peuple » (thiot). L’allemand est ainsi la langue du peuple5. La problématique commune qui traverse les huit siècles de cette période danalyse est celle de la constitution de lallemand comme langue commune du peuple au travers de la question de la traduction. La notion de traduction, pour la période médiévale, nest pas à comprendre comme on lentend au sens moderne. Cest là toute la difficulté. Lallemand se constitue comme langue allemande par opposition surtout au latin, mais aussi en prenant appui sur le latin. On constate une volonté unificatrice de lallemand au-delà des dialectes, à plusieurs reprises dans lhistoire de lallemand, ce dont témoigne encore Luther par le biais de sa traduction de la Bible.

Le premier texte allemand date de la fin du 8ème siècle et est la traduction en allemand du texte latin dIsidore de Séville, De fide catholica contra Judeos. Mais le premier texte dimportance en vha non discutable sur le plan de la « traduction » est le Livre des Evangiles dOtfrid (9ème siècle) (O). Cest le premier des six textes de travail choisis. Le Livre des Evangiles est considéré comme le ←22 | 23→premier grand monument à la fois littéraire et poétique de la période du vha, daté denviron 8706. Cest une œuvre de grande ampleur et exceptionnelle à plusieurs points de vue. Le Livre des Evangiles dOtfrid ne suit pas de modèle latin, au contraire par exemple de lHarmonie des Evangiles de Tatien, et nen est donc pas une traduction. Certes, Otfrid cherche, dans un but d’évangélisation, à traduire, cest-à-dire à écrire, les textes bibliques en langue vernaculaire, en francique, bien quil soit conscient du caractère « barbare » de la langue francique et tout aussi conscient des difficultés de lentreprise. Mais on peut considérer la langue quil emploie comme une langue populaire, différente de la langue savante quest le latin. Otfrid compare même à certains endroits latin et francique :

« Interdum enim masculinum latinae linguae in hac feminino protuli, et cetera genera necessarie simili modo permiscui ; numerum pluralem singulari, singularçm plurali variavi, et tali modo in barbarismum et solœcismum saepius coactus incidi. (98–101)7 »

Otfrid ne traduit pas le texte tel quel, mais lesprit du texte. La préface en latin est à mettre en rapport avec certaines réflexions dOtfrid sur son travail, dans le Livre des Evangiles, notamment dans le premier livre. Michel Banniard (2003) a particulièrement étudié cet aspect. Ce poème denviron 7 400 vers narre et dépeint de façon épique la vie de Jésus. A la description se mêlent des passages particuliers de réflexion8, des observations sur lhomme de cette époque. Otfrid utilise la rime finale, mais on perçoit encore dans son texte quil ne laisse pas pour autant de côté le principe de lallitération, base de la poésie germanique ancienne. L’écriture en vers ne doit pas étonner. En effet, les vers furent, dans les débuts de la littérature allemande, voire germanique, le mode d’écriture en ←23 | 24→soi. Daprès Anne Betten (1987), qui se réfère également à Stefan Sonderegger, la littérature dans les débuts de la langue allemande est constituée de gloses, de prières, en allemand, et surtout de textes de traduction, et spécifiquement, de traduction de textes religieux, latins, ainsi que de textes prosaïques tels les textes juridiques. Les textes littéraires en prose ne sont apparus que vers les 13ème et 14ème siècles. Certes, des textes juridiques comme le célèbre Miroir des Saxons de Eike von Repgow9, en prose, sont attestés depuis le 9ème siècle. Les sermons en tant que genre littéraire existent à peine en vha, daprès Anne Betten (1987 : 17).

La borne finale de ce travail est Luther, le Luther de 1545, peu de temps avant sa mort, en 1546. Son œuvre a évolué jusqu’à sa mort. Luther est une borne symbolique, représentant, pour beaucoup, les débuts de lallemand. Or, il nen est rien. Et la question à laquelle Luther est confronté, à savoir, rendre la parole de Dieu accessible au plus grand nombre, nest pas nouvelle, elle est celle des « auteurs »10 des textes les plus anciens dans les différentes langues germaniques. La langue que Luther utilise nest pas normalisée. Luther na pas inventé lallemand tel que nous le connaissons. Les textes de Luther se présentent sous leur forme la plus tardive, à savoir 1545, sous deux aspects différents :

Entre ces deux bornes, 870 et 1545, et entre ces deux auteurs, Otfrid et Luther, comparables à bien des égards, ont été choisis, pour pouvoir cerner de plus près les phénomènes linguistiques à l’œuvre autour des constructions verbales, trois autres textes : les Psaumes de Notker (11ème siècle), (N), les Sermons de Berthold von Regensburg (13ème siècle) (BvR), les Sermons de Maître Eckhart (14ème siècle) (ME). Chacun des auteurs se situe par rapport à la tension entre latin et allemand. Notker traduit les psaumes du latin en allemand, en dialecte alémanique. Le texte contient à la fois le latin et lalémanique, lui-même mêlé de latin parfois, comme pour justifier la traduction en lancrant dans le latin. Le texte latin peut être directement traduit, il peut être mêlé au commentaire ou inséré en tant que latin dans le commentaire allemand. Pour Stefan Sonderegger, Notker fait œuvre à la fois de pédagogue et de traducteur. La richesse du vocabulaire utilisé est soulignée (Sonderegger 32003 : 110). Notker commente aussi le texte quil traduit, et lexplique à partir de Saint-Augustin. Notker rejoint Otfrid dans ses passages interprétatifs. Notker serait le seul de son époque à percevoir avec autant dacuité les différences linguistiques entre le latin et lallemand (Sonderegger 1987 : 852).

Les Sermons de BvR et de ME sont en allemand, mais ces deux « auteurs » en ont tenu, voire écrits, en latin. Né en 1210 et mort en 1272 à Ratisbonne, Berthold von Regensburg, ce moine franciscain qui prêcha à partir de 1240 environ, pour la pénitence, contre lhérésie et pour les Croisades, fut lun des prédicateurs les plus connus du Moyen Age. On peut considérer les Sermons de BvR et de ME comme presque contemporains, dautant que les Sermons de BvR posent certains problèmes, qui seront détaillés dans la partie suivante sur la périodisation de lallemand.

Les six textes choisis présentent des particularités communes, à savoir la matière traitée, religieuse. Quils soient en vers pour Otfrid, ou en prose pour les autres textes, ils contiennent des liens intertextuels. Ces textes ne se rattachent en apparence pas tous au même type de texte. Mais la notion de type de texte est quelque chose qui semble se mettre en place progressivement dans lhistoire de la littérature allemande. On ne peut savoir quels textes existaient en vha hormis ceux que lon connaît à lheure actuelle, en petit nombre, et qui sont principalement des textes religieux. Mis à part la Règle de St Benoît, aucun texte ←25 | 26→nest attesté de façon continue du 9ème au 16ème siècle. Le tableau de Jürg Fleischer (2011 : 75) montre très clairement le problème des corpus pour le 9ème siècle :

Tableau n° 1: Les corpus allemands structurés du 9ème siècle (Fleischer 2011 : 75)

Ostfränkr.

Südrheinfr.

Aleman.

Bair.

Prosa

Poesie

Prosa

Poesie

Prosa

Résumé des informations

Pages
338
Année
2022
ISBN (PDF)
9783631862155
ISBN (ePUB)
9783631862162
ISBN (Relié)
9783631854549
DOI
10.3726/b18712
Langue
français
Date de parution
2022 (Février)
Mots clés
grammaire de construction constructicon évolution complexité simplification syntactisation langues germaniques allemand ancien
Published
Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 338 p., 60 ill. n/b, 12 tabl.

Notes biographiques

Thérèse Robin (Auteur)

Thérèse Robin est ancienne élève de l’E.N.S. de Fontenay-St Cloud. Maître de Conférences HDR à l’INSPE de Créteil, spécialiste de linguistique allemande et des langues germaniques anciennes, elle forme professeurs des écoles, collèges et lycées et enseigne de la licence à l’agrégation.

Précédent

Titre: Etude historique des constructions verbales de l’allemand du 9ème au 16ème siècle
book preview page numper 1
book preview page numper 2
book preview page numper 3
book preview page numper 4
book preview page numper 5
book preview page numper 6
book preview page numper 7
book preview page numper 8
book preview page numper 9
book preview page numper 10
book preview page numper 11
book preview page numper 12
book preview page numper 13
book preview page numper 14
book preview page numper 15
book preview page numper 16
book preview page numper 17
book preview page numper 18
book preview page numper 19
book preview page numper 20
book preview page numper 21
book preview page numper 22
book preview page numper 23
book preview page numper 24
book preview page numper 25
book preview page numper 26
book preview page numper 27
book preview page numper 28
book preview page numper 29
book preview page numper 30
book preview page numper 31
book preview page numper 32
book preview page numper 33
book preview page numper 34
book preview page numper 35
book preview page numper 36
book preview page numper 37
book preview page numper 38
book preview page numper 39
book preview page numper 40
340 pages