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Enseignements à distance

Des arts savants, le génie d’un métier, l’instruction en valeurs : anthropologies d’une organisation éducative

de Olivier Marty (Auteur)
©2020 Thèses postdoctorales 234 Pages

Résumé

Les enseignements à distance émanent de l’endroit des signes ; ils permettent l’élévation par des messages lointains. D’où viennent ces signes ? Qui les adressent ? Qui sont les enseignants à leur origine ? Comment pensent, travaillent et évaluent ceux qui font l’enseignement à distance ? C’est à ces questions de recherches anthropologiques que répond l’ethnographie que nous livrons ici ; elle a pris place pendant trois années dans une organisation éducative vénérable, grâce à son site dédié à l’enseignement supérieur – dont nous garderons l’anonymat par déontologie.
La professionnalité de la profession de professeur, qui est parole devant audience, laisse alors place à une industrie du signe paradoxale, souvent muette dans les fascicules, parfois loquace sur des enregistrements sonores, voire audiovisuels et numériques. Les arts et les métiers, que nous décrirons par le détail, montrent une pensée gestionnaire à l’œuvre dans cette institution (c’est le lien formation-emploi) ; un génie nouveau, à la fois ingénu, car libre, et ingénieux puisqu’inventif avec des supports modernes, comme la classe virtuelle. Mais nous verrons aussi la permanence des valeurs de l’instruction par l’évaluation qualitative, supérieure à la masse des nombres.
Faisant abstraction des péripéties du quotidien, vous pourrez lire une anthropologie de l’éducation qui est une anthropologie des savoirs, non pas produits, mais de ceux qui les produisent. C’est l’anthropologie d’une organisation éducative, économique par l’agence étudiée dans son labeur, mais aussi épistémique par ses objets, résultats et conditions de possibilités.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • Über das Buch
  • Zitierfähigkeit des eBooks
  • Sommaire
  • Préambule : identité du livre
  • Introduction : en quête d’anthropologie
  • Une anthropologie de l’éducation
  • Le terrain de l’enseignement à distance
  • La méthode d’une présence prolongée en institution éducative
  • Le statut des données : le récit d’expérience
  • Résultats de recherche dans les métiers de la formation
  • Formation : pédagogie et didactique
  • Professionnalisation
  • Organisations
  • Activités
  • Communication
  • Identité
  • Conception
  • Apprentissages
  • Valeurs
  • Une institution industrielle de l’enseignement à distance
  • Le Ced: administration ou industrie éducative?
  • Intérêt général, bien commun, service à l’apprenant
  • L’évolution linguistique
  • La révolution numérique
  • Conclusion
  • L’entrée « management » dans l’enseignement: comptabilité, mercatique, gestion de projet
  • La valeur comptable d’une formation en sciences de la gestion
  • Introduction : instrumenter les sciences de gestion
  • La mercatique ou la valeur machande
  • La comptabilité analytique et la valeur de fabrication
  • Conclusion : perspectives distanciées sur la notion de valeur
  • La carte commerciale : un outil de marketing de la formation
  • Introduction
  • Commentaire du webzine
  • Une carte topographique : deux chemins de formation atypiques
  • Le webzine: une carte commerciale pour l’enseignement à distance?
  • Conclusion
  • Le « projet G. » : le geste et son effet dans la conception de formation
  • Du geste à l’effet
  • Actes et actants : les routines de la gestion de formation
  • Une rupture innovante : transformations de la culture d’action éducative
  • Temps et procédures d’action
  • Formalités et conformité : l’organisation de l’ingénierie de formation
  • Conclusions
  • Le temps dans l’ingénierie de formation
  • Introduction
  • Description analytique du temps de l’ingénierie de la formation
  • Conclusion : le temps en récit
  • Les métiers de l’ingénierie de formation : variations sur les ingénus
  • Le génie coopératif : contribution à l’ethnologie des opérations conjointes
  • Introduction
  • La mémoire collective comme convergence venue du passé
  • Une (ré)union par la force des choses
  • Divergences et désunion: croisements des stratégies futures dans l’espace d’activité
  • Synthèse panoptique : un algèbre du moment
  • Le positionnement épistémique : ouvertures de l’ethnodidactique
  • Les arts et métiers d’une industrie éducative : des compétences aux outils
  • État de l’art: littératures, données empiriques et question de recherche
  • Définitions : autour de savoirs et médias
  • L’art de manier les média : organisation des métiers de la formation à distance
  • Conclusion
  • L’engin des théâtres numériques et leur vocabulaire
  • Les notions fondamentales de « théâtres numériques » et « d’algèbre pédagogique »
  • Une pédagogie numérique comme problématique commune
  • Un objectif de bien général conservé : définitions complémentaires autour de l’éducation
  • Un exemple de conception en organisation éducative : la licence ouverte
  • Faits marquants : les enseignements numériques
  • Proposition : la licence ouverte
  • Ingénierie de la licence ouverte
  • L’apprenant au centre du dispositif
  • Un modèle économique pour les Clots
  • Données financières
  • Conclusions
  • La sortie du terrain : les valeurs de l’apprentissage
  • Le droit chemin: une méthode pour apprendre
  • Apprendre le droit
  • Apprendre à distance
  • De l’évaluation des épreuves aux valeurs éducatives
  • Introduction
  • Perspective critique sur la question de l’égalité dans cette nouvelle légalité
  • Synthèse : conséquences sur la relation éducative apprenant-formateur
  • Conclusion
  • Retours sur la mesure de la valeur : que vaut un apprentissage ?
  • Observations de terrain : fixer la valeur des évaluations
  • Analyse : une docimologie microéconomique
  • L’élitisme et la démesure en évaluation : le temps qualitatif
  • Conclusion : de l’anthropologie économique à l’anthropologie épistémique
  • Revue de littérature : préciser l’anthropologie de l’éducation par celle des savoirs
  • Au-delà de la notion de métier : les anthropologies mobilisées
  • Une épistémologie équilibrée entre constructivisme et positivisme
  • Apports épistémiques d’une formation de philosophe
  • Perspectives épistémiques ouvertes par la pratique
  • Table des illustrations
  • Bibliographie d’anthropologie des organisations éducatives
  • Index des notions

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Préambule : identité du livre

Ce livre fait état d’un terrain de trois années dans une institution d’enseignement à distance (2011–2014). Certains résultats ont été confirmés par une de mes étudiantes qui est revenue sur le même terrain (2015) pour effectuer un terrain et confronter les résultats aux réalités, toujours mouvantes. L’équipe des enseignants étudiés s’est montrée compréhensive et nous les en remercions.

Les chapitres centraux, ouverts par une description générale de l’organisation éducative1 étudiée, montrent le rapport au terrain et la construction du point de vue du chercheur, déterminé par des préparations et un parcours antérieur : le regard n’est pas vierge et j’utilise mes préconceptions. Cet ouvrage s’intéresse donc aux liens entre formation et emploi. Le document décrit la situation d’emploi et comment sont mobilisées les formations dans l’action – et comment elles s’y déforment et s’y affinent dans le temps long. C’est l’usage des connaissances ou encore l’opérationnalisation des savoirs qui est à l’examen.

Après un diplôme d’études approfondies au département de sciences sociales de l’École normale supérieure, avec un mémoire d’ethnographie du travail innovant au Collège de France, je me suis inscrit dans une grande école de commerce dont j’ai décrit les exercices d’apprentissages dans un projet de recherche2. J’acquérais alors une éthique de l’action rénovée par une vague venue d’outre-Atlantique : mercatique, finance, comptabilité, ressources humaines, gestion de projet, etc. – et ses anglicismes. Le terrain d’observation présenté dans cet ouvrage est un site ←13 | 14→historique de l’enseignement à distance français dédié à l’enseignement post-bac. La recherche est l’occasion de montrer la logique gestionnaire à la manœuvre pendant trois années, dans ce qu’il est convenu d’appeler la nouvelle gestion publique3 des cadres intermédiaires d’une industrie éducative (les « responsables de formation »). L’objet du travail scientifique est de porter un regard, formé par une école professionnelle, sur une institution se transformant elle-même vers ces formes. Ce ne sont pas les conceptualisations ordinaires des acteurs qui sont étudiées, mais les concepts savants, appris académiquement lors d’une formation, que j’observe à l’œuvre et opérationnalisés dans l’action. Ainsi le premier chapitre central montre comment les sciences de gestion sont utilisées par les acteurs de terrain dans leurs opérations concrètes. En tant que chercheur j’utilise pleinement les cadres de pensées issus d’une formation préalable pour regarder une réalité qui s’y plie, à la fois dans ses pratiques et ses discours idéologiques (mercatique et finance de la formation, gestion de projet). Ce sont ainsi des arts savants qui sont décrit : l’habileté ou la compétence des professionnels est façonnée par la formation.

L’entrée gestionnaire, qui instrumentalise les sciences de gestion pour la description d’une institution d’éducation, débouche ensuite sur l’observation-apprenante des activités d’ingénierie de formation à distance – auxquelles je n’avais pas été auparavant formé et pour lesquelles je portais donc un regard plus neutre. Mes idéations d’ethnographe autour de l’ingénierie sont plus originales car moins instituées: c’est la déclinaison de l’ethnie des ingénus et de leur génie propre. Il s’agit du génie d’un métier ou des arts de manier un outil. Les ingénieurs ont de de l’expérience dans l’utilisation de leur instrument de travail, encore défini comme leur engin-propre. Ce deuxième chapitre central montre des points de vue sur l’ingénierie de formation à partir d’une logique philosophique candide – n’ayant pas été formé à l’ingénierie de formation et l’observant en m’acculturant à ces réalités étrangères, et par là-même étranges, avec des étonnements généraux (génie, engins, exemple de projet). Les conditions sociales de l’enquête habituellement retenues (je suis fils d’ingénieur) ne sont pas développées car jugées peu influentes sur ←14 | 15→ce travail de recherche (quoiqu’elles ont suscité une passion à l’égard de l’objet).

Le dernier des trois chapitres centraux prolonge l’entrée gestionnaire sur les métiers de l’ingénierie de formation par une sortie sur les valeurs de l’apprentissage à distance. Ayant été en partie formé par l’enseignement à distance (obtention de licences universitaires), je fonde l’évaluation de l’activité professionnelle sur les valeurs issues de mes expériences d’apprenant. C’est un regard de l’apprenant sur le professionnel, mais aussi de la génération du papier sur celle du numérique en matière d’enseignement à distance. Ce troisième chapitre central montre les valeurs de l’apprendre dans l’enseignement à distance et, là, j’ai recours à ma propre formation d’étudiant à distance pour comparer les pratiques professionnelles que j’observe avec les expériences que j’ai vécues en tant que destinataire des productions (théorie de l’activité, types d’évaluation). C’est ainsi l’instruction, élévation intérieure conséquente à toute éducation, qui est évaluée et donc mise en valeur par ses qualités et quantités.

L’introduction et la conclusion de l’ouvrage sont issues d’une habilitation à diriger les recherches en sciences de l’éducation, intitulée « Anthropologies des organisations éducatives ». Ces deux parties présentent les résultats d’une collaboration avec le Centre de Recherche sur la Formation (devenu Formation et Apprentissages Professionnels en 2019) du Conservatoire national des arts et métiers, pour fonder le récit des expériences de terrain. La partie introductive apporte des éléments d’insertion dans le champ des sciences de l’éducation française, ce sont les apports sur différents objets : communication, conception, organisation, identité… La conclusion est un prolongement épistémologique de ma thèse de doctorat en philosophie : équilibre entre constructivisme et positivisme, ouverture vers une anthropologie épistémique pour comprendre l’institution de diffusion en masse des savoirs.

Nous avons hésité à intituler ce livre « Les ingénus ». Ceci s’explique par une double référence au chapitre le plus central sur l’ingénierie de formation – et cela peut paraître paradoxal lorsque l’on évoque l’enseignement. D’abord parce qu’il me différencie, en tant qu’enquêteur, doublement asservi par l’institution étudiée me salariant et par le laboratoire de recherche ou je suis affilié, par rapport à des ingénieurs ingénus que j’étudie ouvertement et qui sont plus libres car ne dépendant que de l’organisation les rémunérant. Ce titre fait aussi référence au même chapitre où la production du regard ethnographique est ingénu ←15 | 16→car moins formé ou préparé à observer des réalités selon des cadres préconçus. Ce chapitre se distingue en cela de ceux, instrumentant les sciences de gestion ou une expérience d’étudiant dans l’enseignement à distance, qui font l’identité du livre : présenter les préconceptions pour expliquer des observations, jamais neutres. Par ce titre où je voulais mettre à distance « les ingénus », je voulais me détacher donc à la fois des observés sur le terrain et des observateurs traditionnels : je me présentais, non comme un ingénu, mais comme un chercheur assumant ce qui génère ses observations scientifiques – un sceptique.

Le titre choisi « Enseignements à distance » éclaire à la fois l’organisation étudiée (qui effectue l’opération d’enseigner à distance) mais aussi ceux qui y travaillent (les enseignants) et ce qu’ils font (des enseignements à distance). C’est aussi la signature même du livre qui constitue un ensemble d’enseignements à distance sur son objet, ainsi mis en relief.


1 Nous préférons le terme d’« organisation » (du grec ergein, le travail) à celui, plus commun, d’institution (instituante car instituée) ou même d’agence, qui porte l’idée d’une action intentionnelle. Le terme, en vogue outre-Atlantique avec l’organizational analysis portée par le département d’éducation de l’université de Stanford, est perçu en France par le prisme des métiers. Ainsi il est possible de lire cette anthropologie d’une organisation éducative comme une anthropologie des métiers de l’enseignement (à distance).

2 Document de travail publié en ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01233788.

3 Quoique ce terme de New Public Management, avec ses controverses éclairant l’actualité du terrain, soit en perte de légitimité, l’évolution des savoirs laissant place à d’autres termes économiques appliqués à l’action.

Résumé des informations

Pages
234
Année de publication
2020
ISBN (PDF)
9782807613751
ISBN (ePUB)
9782807613768
ISBN (MOBI)
9782807613775
ISBN (Broché)
9782807613744
DOI
10.3726/b16390
Langue
français
Date de parution
2019 (Décembre)

Notes biographiques

Olivier Marty (Auteur)

Olivier Marty est passé par les grandes écoles françaises avant de soutenir un doctorat en philosophie (éthique). Ce livre, issu d’une habilitation à diriger les recherches intitulée « Anthropologies des organisations éducatives », donne la vue d’ensemble sur un terrain ethnographique de trois années dans une agence nationale pour l’enseignement à distance.

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Titre: Enseignements à distance