Anna Akhmatova et la poésie européenne
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Edited By Tatiana Victoroff
Les contributions de chercheurs comparatistes ou slavisants, français et russes, s’organisent selon plusieurs axes – Akhmatova en dialogue avec les poètes européens ; Akhmatova comme poète européen ; les questions de traduction et de transmission – mais l’ouvrage inclut également les témoignages de poètes et d’intellectuels au sujet de leur rencontre avec Akhmatova ou à travers la lecture de ses vers. Il propose également de nouvelles traductions d’Akhmatova en français. Enfin, des poèmes inédits d’auteurs européens contemporains qui ont composé sous l’inspiration akhmatovienne témoignent de l’écho européen d’une voix contre laquelle la censure s’est acharnée sans l’étouffer et qui reste un surgeon toujours fécond dans la lignée de la poésie la plus existentielle.
Rencontres avec Anna Akhmatova ou comment j’ai commencé à traduire de la poésie
Extract
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Jean-Marc BORDIER2
Jean-Marc Bordier (Strasbourg, printemps 1990). © Anne Misslin. ← 193 | 194 →
Quand j’étais étudiant en troisième année à la Sorbonne, je me suis passionné pour le cours de Madame Laffite sur la poésie russe et, plus particulièrement, sur celle d’Anna Akhmatova.
En automne 1963, je me suis trouvé à Moscou, en tant que stagiaire à l’Université d’État de Moscou. Un jour, j’ai appris qu’une étudiante étrangère3 avait rendu visite à Anna Andreevna qui se trouvait alors dans la capitale. C’est grâce à elle que j’ai reçu à mon tour, semble-t-il, une invitation, et que je me suis trouvé un soir, profondément ému, auprès d’Anna Akhmatova. La rencontre eut lieu dans une petite pièce, faiblement éclairée par une lampe de chevet. Anna Andreevna était assise, majestueuse, dans un fauteuil devant une table basse, un châle sombre jeté sur les épaules. Dans la pénombre, je n’ai pas réussi immédiatement à distinguer les traits de son visage ; mais je fus frappé par le timbre très profond de sa voix. C’est comme si elle me parvenait des profondeurs d’une Russie éternelle.
En ce temps-là, je parlais encore assez mal le russe et, il faut l’avouer, j’avais une connaissance superficielle de la poésie de la première moitié du XXe siècle (sauf de celle d’Alexandre Blok qui avait fait l’objet de mon diplôme). Malgré cela, Anna Andreevna me parla avec...
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