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L’investigation collaborative : de la pratique d’enquête à la collaboration à distance

de Alain Baudrit (Éditeur de volume)
©2023 Monographies 154 Pages
Série: Exploration, Volume 203

Résumé

L’investigation collaborative prend forme sur la base d’une association qui unit un mode d‘investigation, l’enquête, telle que considérée par John Dewey au début du 20e siècle, avec une modalité collective beaucoup plus récente : l’apprentissage collaboratif. De la sorte, des personnes en quête de nouveaux savoirs peuvent être amenées à interagir et échanger de manière autonome à des fins de découverte, d’où l’intérêt de telles mises en œuvre dans les domaines scolaire et universitaire. Une nouvelle donne est toutefois identifiée dans l’usage des outils numériques. Ils autorisent des échanges à distance qui, couplés avec ceux réalisés en présentiel, donnent lieu à des interactions à caractère hybride. Le potentiel interactif des participants se trouve ainsi renforcé, tout comme l’est leur autonomie, ce qui leur permet de diversifier leurs approches des situations ou phénomènes étudiés. En conclusion de cet ouvrage, il est donc question de modalités collaboratives augmentées pour désigner les pratiques d’investigation collective significatives de ce genre d’évolutions.

Table des matières

  • Cubierta
  • Título
  • Copyright
  • Sobre el autor
  • Sobre el libro
  • Esta edición en formato eBook puede ser citada
  • Table des matières
  • Introduction
  • Chapitre 1 – La pratique d’enquête : presque un siècle d’histoire
  • La pratique d’enquête d’après Dewey
  • La pratique d’enquête après Dewey
  • La pratique d’enquête : des évolutions et/ou des ruptures au fil du temps ?
  • Chapitre 2 – L’apprentissage collaboratif : des bases historiques et des prolongements différenciés ?
  • Les fondements de l’apprentissage collaboratif
  • L’apprentissage collaboratif aujourd’hui : une théorie et deux grandes orientations à caractère complémentaire ?
  • De la pratique d’enquête à l’apprentissage collaboratif : des constantes et des variations au fil du temps
  • Chapitre 3 – L’hybridation : une plus-value en matière d’investigation collaborative ?
  • Des situations interactives très contrastées ?
  • Des interactions en présentiel et à distance
  • Des interactions à distance de différents types
  • En guise de synthèse : des communautés d’enquête enrichies par l’usage des TIC ?
  • Chapitre 4 – Les caractères intensif et extensif de la collaboration à distance
  • L’association de la diversité interactive et de la critique constructive
  • Un questionnement à caractère constructif et structurant ?
  • Du partage à la décentration : une progression parfois contrariée ?
  • Des pratiques interactives propices à des découvertes fortuites ?
  • La sérendipité sociale : des opportunités à saisir pour d’éventuelles collaborations ?
  • L’incertitude et la rationalité au fondement de la sérendipité sociale ?
  • En guise de synthèse : des pratiques et des communautés d’enquête diversifiées par l’usage des TIC ?
  • Discussion finale
  • Bibliographie
  • Table des acronymes
  • Annexe 1
  • Obras publicadas en la colección

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Introduction

L’investigation scientifique trouve ses fondements dans le courant constructiviste, elle est « basée sur l’enquête et inclut des activités pratiques dans le but de motiver et d’engager les étudiants dans leur démarche d’appropriation des concepts scientifiques » (Minner, Levy & Century, 2010, p. 2751). Pour ces auteurs, Jean Piaget, Lev S. Vygotski et David Ausubel sont considérés comme les principaux initiateurs de ce courant de pensée gouverné par l’idée suivante : « Les approches constructivistes mettent l’accent sur le fait que la connaissance est construite par un individu grâce à une réflexion active, une attention sélective, l’organisation de l’information et l’intégration ou le renouvellement des connaissances » (pp. 275-276). Il convient toutefois de mentionner un autre auteur qui a consacré une grande partie de son œuvre aux processus de reconstruction et à l’enquête : John Dewey. La philosophie pragmatique, à laquelle il adhère, fait la part belle à l’expérience humaine, ce qui est de nature à expliquer l’attention qu’il leur porte. La reconstruction, telle que considérée par Dewey (1939), se traduit dans le domaine de l’éducation par le fait que l’apprenant « agit en fonction de ses représentations actuelles ou postulées, il les confronte au monde et à l’altérité, puis corrige ou renforce les significations impliquées, crée de nouveaux liens, ce qui, finalement, redémarre le processus d’apprentissage » (Nepton, 2020, p. 53). L’orientation évolutive de la connaissance est ainsi décrite, mais l’enquête joue un rôle non moins important dans cette affaire. Selon Dewey (1938), elle a pour caractéristique de mettre la personne face à une situation indéterminée qu’il s’agit d’élucider à partir des données dont elle dispose (observations, faits collectés, etc.). Et tout ce travail d’élucidation peut lui aussi avoir des conséquences non négligeables : « Ce qui termine de manière satisfaisante l’enquête est, par définition, la connaissance ; c’est la connaissance parce que l’enquête se clôt de façon appropriée » (p. 8).

L’investigation scientifique n’est pas obligatoirement le fait de personnes isolées, qui pratiquent l’enquête de manière individuelle. Elle peut impliquer plusieurs interlocuteurs concernés par une même question ou mobilisés autour d’une même situation problématique, c’est là que s’imposent « de nécessaires interactions sociales afin de créer un sens partagé » (Minner, Levy & Century, ←7 | 8→2010, p. 276). La dimension collective de l’entreprise suppose en effet des ajustements et des échanges entre les partenaires de travail, sinon comment avoir une idée commune du problème à résoudre ou de la situation à examiner ? Comment trouver des solutions ou issues ensemble ? Là encore Dewey (1916/1990) fait figure de précurseur lorsqu’il introduit la notion de « communauté d’enquête » (community of inquiry) sachant que, dans son esprit, une communauté de ce type peut autant rassembler des chercheurs que d’autres personnes soucieuses de mener des investigations ensemble (Fabre, 2006 ; Jézégou, 2010). À cette différence près que « la nature des problèmes qui les concernent, l’accent mis sur les facteurs étudiés varient considérablement dans les deux cas » (Dewey, 1938, p. 101). Il convient effectivement de distinguer un groupe composé de chercheurs animés par la production de connaissances et structurés autour d’une discipline scientifique (Cristol, 2017, p. 34), d’un autre constitué d’acteurs que l’on ne peut qualifier ainsi et dont les motivations sont d’un autre ordre. Par exemple, des groupes d’élèves ou d’étudiants peuvent se mobiliser pour investir une question particulière ou appréhender un point problématique en l’absence de toute affiliation scientifique. C’est bien ce que permet la méthode GI (Group Investigation) mise en œuvre dans les établissements scolaires en Israël (Sharan & Hertz-Lazarowitz, 1980 ; Sharan & Sharan, 1992). Les élèves ou les étudiants peuvent être assimilés à des chercheurs au sens où ils interagissent à l’intérieur de groupes constitués par eux-mêmes avec des thèmes d’étude et des stratégies exploratoires qui leur sont propres. Il faut dire que les auteurs à l’origine de cette méthode ont été influencés par Dewey (1916/1990) quant à sa conception de la classe vue comme un lieu de vie, tout comme ils s’inspirent de son idée de pensée réfléchie que le philosophe considère comme « une sorte d’approche scientifique faite de cinq étapes allant de la reconnaissance d’un problème à sa solution en passant par la clarification du problème, la formulation d’hypothèses et le choix d’un plan d’action (Dewey, 1910/1933) » (Baudrit, 2007a, p. 25). Dans ces conditions, les partenaires de travail se comportent bien comme des chercheurs même s’il ne s’agit pas pour eux de faire avancer la connaissance dans un domaine scientifique particulier. Il est surtout question qu’ils développent leurs propres connaissances à la faveur d’investigations collectives. En fin de compte, ils semblent se donner à voir comme des apprenants-chercheurs mis en situation d’interagir quel que soit le mode de communication utilisé : en présentiel/à distance.

La notion d’enquête trouve également quelque prolongement dans la démarche d’investigation scientifique (DIS) qui, selon Perron, Hasni et Boilevin (2020), se traduit par la mobilisation d’habiletés de recherche et d’attitudes. Au nombre de ces dernières, ces auteurs recensent notamment l’observation, ←8 | 9→l’expérimentation et la modélisation utilisées par les élèves « pour trouver des réponses à leurs questions ou des solutions à leurs problèmes » (p. 202). Mais est-ce suffisant en termes d’éducation scientifique ? De développement de la culture scientifique des apprenants ? Il semble bien que non dans la mesure où l’accès aux savoirs conceptuels n’est pas garanti par cette seule démarche. Ces savoirs sont pourtant essentiels en ce qu’ils jouent le rôle d’un « référent théorique composé des concepts, des théories et des modèles construits collectivement par la communauté scientifique. Ils sont une construction de l’esprit produite par l’activité humaine qui permet de se représenter les objets du monde » (p. 201). Tel est l’aboutissement escompté lorsque les élèves ou les étudiants se lancent dans une DIS. Mais ce seul exercice est jugé insuffisant parce qu’il met plus l’accent « sur les procédures [par exemple mettre en œuvre un protocole d’expérience] que sur le processus de production de connaissances [développer l’explication scientifique] » (p. 212). Comment faire le lien entre les premières et le second ? Que manque-t-il pour qu’il en soit ainsi ? Pour ce faire, il y a lieu de « formuler un problème d’ordre scientifique » (p. 202). Sur cette question, il est une nouvelle fois possible de se référer à Dewey (1938) lorsqu’il parle de situation problématique pour désigner le côté ambigu ou confus d’une situation qui, de fait, interroge ou surprend. En conséquence, elle suscite des questions ou des hypothèses à caractère scientifique parce que soumises « aux processus de la preuve et à la validation des savoirs mis en œuvre » (Perron, Hasni & Boilevin, 2020, p. 201). Ces opérations de vérification sont susceptibles d’amener les apprenants à renouveler leurs savoirs et « les nouveaux savoirs scientifiques ainsi reconstruits peuvent servir à leur tour à la formulation de nouveaux problèmes d’ordre scientifique ou technologique. Ce processus circulaire favorise les allers-retours entre les différentes composantes de l’investigation scientifique par la présence des doubles flèches » (p. 202). Dewey (1938) n’avait pas d’autres intentions lorsqu’il préconisait une remise en chantier de l’enquête afin de s’assurer de la validité des résultats obtenus antérieurement.

La démarche d’investigation scientifique, telle qu’examinée par Perron, Hasni et Boilevin (2020), pourrait donc avoir comme principal inconvénient de privilégier les aspects méthodologiques aux dépens de l’acquisition de connaissances. Observer, explorer, travailler sur des données sont bien des activités susceptibles d’être mises en œuvre par les apprenants, mais elles ne leur garantissent pas l’accès à de nouveaux savoirs scientifiques. D’où la recommandation formulée par les auteurs sur « la nécessité de considérer, dans leur interrelation, la compréhension conceptuelle et le processus scientifique à l’origine de son élaboration » (p. 201). Une enquête aboutie paraît prendre une telle forme, elle suppose un lien étroit entre l’élaboration conceptuelle et l’activité empirique. ←9 | 10→Ce qui n’est pas sans rappeler le pragmatisme préconisé par Dewey (1920/2014) quant à la question du rapport entre la théorie et la pratique qu’il juge indissociables lorsque les acteurs se trouvent confrontés à des situations problématiques. Elles ont bien pour caractéristique de leur poser des problèmes, mais il s’agit surtout « de faire de leur construction et non seulement de leur résolution, l’enjeu essentiel de l’activité intellectuelle (Chalak, 2012, p. 38) » (Perron, Hasni & Boilevin, 2020, p. 202).

Résumé des informations

Pages
154
Année
2023
ISBN (PDF)
9782875747259
ISBN (ePUB)
9782875747266
ISBN (Broché)
9782875747242
DOI
10.3726/b20258
Langue
français
Date de parution
2023 (Février)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2023. 154 p.

Notes biographiques

Alain Baudrit (Éditeur de volume)

Alain BAUDRIT est Professeur Émérite à l’Université de Bordeaux et chercheur au Laboratoire LACES (Laboratoire Cultures - Éducation - Sociétés). Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur le tutorat à l’école et à l’université, ainsi que sur les apprentissages coopératif et collaboratif. Ses travaux portent actuellement sur l’utilisation des outils numériques en ce qu’ils sont de nature à infléchir ou modifier les processus d’apprentissage des élèves à l’école et les activités de recherche des étudiants à l’université.

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