L’éducation à l’esprit d’entreprendre : questions et défis pour les Sciences de l’éducation et de la formation

Table Of Contents

• Couverture
• Page de titre
• Droit d’auteur
• Table des matières
• Préface (Dominique Broussal)
• Références bibliographiques
• Introduction : émergence et définition d’un champ de recherche (Patricia Champy-Remoussenard, Julien de Miribel et Xavier Sido)
• Émergence et développement de l’étude de L’éducation à l’esprit d’entreprendre du point de vue des sciences de l’éducation et de la formation
• Définir L’éducation à l’esprit d’entreprendre, confronter et discuter
• Perspectives pour l’étude de l’EEE en sciences de l’éducation et de la formation
• Références bibliographiques
• PARTIE 1 : CONSTRUCTION D’UN OBJET SCIENTIFIQUE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION : IMPULSIONS, DÉFIS ET RÉSISTANCES
• CHAPITRE 1 : Construire un point de vue scientifique sur un objet saturé d’idéologie (Patricia Champy-Remoussenard et Julien de Miribel)
• Introduction
• Interpeller le discours scientifique du point de vue des idées et des valeurs
• Entre lecture idéologique et esprit scientifique
• Contexte de développement de L’éducation à l’esprit d’entreprendre et termes du débat social la caractérisant
• Les causes et les effets d’une confrontation à la lecture idéologique de L’éducation à l’esprit d’entreprendre
• En conclusion, perspectives pour un objet analyseur des transformations sociales et éducatives
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 2 : Interroger L’éducation à l’esprit d’entreprendre ? Parcours et point de vue de trois chercheurs (Christophe Niewiadomski)
• Quand les ressorts de l’intérêt scientifique s’articulent avec des motifs conjoncturels
• Quelles représentations de l’entrepreneuriat ? Intérêts et résistances
• Les sciences de l’éducation et de la formation à l’épreuve d’un sujet polémique et sensible
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 3 : Une pluralité de représentations qui interroge (Sylvain Starck)
• Pour une dissémination de l’entrepreneuriat dans l’espace social
• Des mondes professionnels configurés à l’image d’une entreprise
• La construction académique d’une capacité à entreprendre
• L’EEE pour « s’expliquer » avec la forme scolaire des enseignements
• Un concept mobilisateur qui occulte ses objets
• Références bibliographiques
• PARTIE 2 : ENJEUX SOCIAUX, DIDACTIQUES ET PROFESSIONNELS
• CHAPITRE 4 : Eduquer à l’esprit d’entreprendre et faire société. Défis démocratiques pour une alliance à construire (Régis Malet)
• Introduction
• Un concept en phase avec le processus d’individuation des sociétés contemporaines
• Un domaine qui interroge les missions des institutions d’éducation et des relations éducation-formation-emploi
• L’éducation à l’esprit d’entreprendre comme enjeu de cohésion sociale
• Éducation à l’entrepreneuriat et citoyenneté démocratique. À la recherche du bien commun par l’éducation
• Conclusion – Vers une éducation démocratique à entrepreneuriat durable ?
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 5 : Points de vue sur le développement d’une société plus entrepreneuriale (Sylvain Starck et Patricia Champy-Remoussenard)
• Une révolution symbolique privilégiant les valeurs de l’entreprise et ses activités
• L’EEE dans la forme éducative d’une société
• Recomposition du travail de l’État et visions d’un monde professionnel plus entrepreneurial
• Une montée en puissance des politiques éducatives et de formation en faveur de l’EEE et d’un individu entrepreneur de sa carrière
• Être attentif au caractère ouvert des transformations en cours
• Conclusion
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 6 : Perspectives de didactique curriculaire de L’éducation à l’esprit d’entreprendre (Xavier Sido et Abdelkarim Zaid)
• Le curriculum d’EEE : des tensions à l’œuvre
• Dispositifs d’EEE : contenus et interactions avec le curriculum
• Caractérisation des interactions entre dispositifs et curriculum global
• Des conditions de possibilité d’un curriculum d’éducation à l’esprit d’entreprendre
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 7 : Les enseignants, des sujets entreprenants ? Regards critiques sur une question ambivalente (Catherine Souplet, Elisabeth Menouar-Verfaillie et Dalila Moussi)
• Introduction
• Des enseignants qui gèrent leur petite entreprise ?
• Prendre des risques, de quoi parlons-nous ?
• Remarques conclusives
• Références bibliographiques
• Conclusion (Patricia Champy-Remoussenard, Julien de Miribel et Xavier Sido)
• Références bibliographiques

Patricia Champy-Remoussenard, Julien de Miribel et
Xavier Sido (Eds.)

L’éducation à l’esprit d’entreprendre

Questions et défis pour les Sciences de
l’éducation et de la formation

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ISSN 0721-3700

ISBN 978-2-8076-1999-9

ISBN 978-2-87574-390-9 ePUB

ISBN 978-2-87574-389-3 eBook

D/2025/5678/18

DOI 10.3726/b22871

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Table des matières

Préface

Dominique Broussal

Introduction : émergence et définition d’un champ de recherche

Patricia Champy-Remoussenard, Julien de Miribel et Xavier Sido

PARTIE 1 : CONSTRUCTION D’UN OBJET SCIENTIFIQUE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION : IMPULSIONS, DÉFIS ET RÉSISTANCES

CHAPITRE 1 : Construire un point de vue scientifique sur un objet saturé d’idéologie

Patricia Champy-Remoussenard et Julien de Miribel

CHAPITRE 2 : Interroger l’éducation à l’esprit d’entreprendre ? Parcours et point de vue de trois chercheurs

Christophe Niewiadomski

CHAPITRE 3 : Une pluralité de représentations qui interroge

Sylvain Starck

PARTIE 2 : ENJEUX SOCIAUX, DIDACTIQUES ET PROFESSIONNELS

CHAPITRE 4 : Eduquer à l’esprit d’entreprendre et faire société. Défis démocratiques pour une alliance à construire

Régis Malet

CHAPITRE 5 : Points de vue sur le développement d’une société plus entrepreneuriale

Sylvain Starck et Patricia Champy-Remoussenard

CHAPITRE 6 : Perspectives de didactique curriculaire de l’éducation à l’esprit d’entreprendre

Xavier Sido et Abdelkarim Zaid

CHAPITRE 7 : Les enseignants, des sujets entreprenants ?

Catherine Souplet, Elisabeth Menouar-Verfaillie et Dalila Moussi

Conclusion

Patricia Champy-Remoussenard, Julien de Miribel et Xavier Sido

Préface Dominique Broussal Professeur des Universités, Université Toulouse Jean Jaurès, UMR EFTS

À vingt-cinq ans d’intervalle, deux monuments de la littérature française mettent en scène, chacun de leur côté, un personnage d’entrepreneur. Honoré de Balzac publie César Birotteau en 1837 (Balzac Honoré de, 1838). Victor Hugo dresse de son côté le portrait de l’énigmatique Monsieur Madeleine dans Les Misérables, ouvrage paru en 1862 (Hugo, 1862). Les deux héros ont ceci de commun de n’être pas des héritiers, tant s’en faut. César Birotteau arrive à Paris à l’âge de quatorze ans, avec un louis dans sa poche. Il ne possède pour tout bien qu’une paire de souliers ferrés, une culotte, une veste de paysan et trois chemises de toile. Embauché comme garçon de magasin par un couple de parfumeurs, il gagne six francs par mois et dort sur un grabat sous les toits. Balzac insiste sur le fait que ses patrons lui parlent « comme à un chien ». Le jeune homme s’endort en pleurant tous les soirs. Il songe à sa Touraine natale, il a les pieds meurtris et les épaules endolories. Mais Birotteau a « les reins solides » et le désir de faire fortune l’anime. Ses efforts finissent par être récompensés. Il devient à son tour parfumeur, quelques années plus tard. César mène une existence paisible. Il est heureux en ménage et pourrait se contenter de son sort de commerçant. Mais l’appât du gain l’anime toujours et encore. Celui-ci le rend inventif. Il décide alors de se lancer dans la fabrication des parfums et non plus seulement dans leur négoce. Le voilà qui loue une baraque et des terrains. Il monte son entreprise et recrute un ouvrier de Grasse. Après quelques expériences infructueuses, il découvre un livre mystérieux qui décrit une pâte capable de répondre aux propriétés de l’épiderme humain. Bel exemple de sérendipité ! Birotteau sent le vent tourner. Il a la conscience du kaïros : là ou d’autres laisseraient passer leur chance, par procrastination ou frilosité, il saisit le taureau par les cornes. Il prend cependant la précaution de faire appel à un chimiste. Celui-ci le seconde dans la réalisation d’un produit cosmétique que le parfumeur-entrepreneur nomme la Double Pâte des Sultanes, et cela à une époque où l’Orient fait rêver et où, nous dit Balzac, tout homme veut devenir sultan et toute femme sultane. Coup de génie marketing donc, qui parachève la fortune de Birotteau et le récompense des risques pris.

On le sait, l’histoire ne s’arrête pas là, puisque le roman débute au moment où un nouveau projet occupe l’ambitieux parfumeur à qui l’esprit d’entreprendre ne laisse aucun répit, au grand dam de son épouse. Celle-ci sait d’ailleurs fort à propos lui rappeler leur origine commune :

Ni toi, ni moi, nous n’avons reçu d’éducation ; nous ne savons point parler, ni faire un serviteur à la manière des gens du monde, comment veut-on que nous réussissions dans les places du gouvernement ? […] Pourquoi vouloir écraser les autres ? Notre fortune actuelle ne nous suffit-elle pas ? Quand tu seras millionnaire, dîneras-tu deux fois ? as-tu besoin d’une autre femme que moi ? Vois mon oncle Pillerault ? il s’est sagement contenté de son petit avoir, et sa vie s’emploie à de bonnes œuvres (Balzac, 1838, p. 36).

Si nous évoquons ici le récit balzacien, c’est qu’il nous paraît rassembler divers ingrédients que nous associons à l’idée que nous nous faisons d’une trajectoire d’entrepreneur : la détermination, le courage de prendre des risques, le sens des opportunités, le recours à des expertises externes, l’attention à l’air du temps. Ce dernier point est une façon euphémisée de dire qu’il n’existe pas de réussite entrepreneuriale sans une prise en compte des contextes sociaux, historiques et politiques et des besoins qui y émergent ou s’y expriment¹. Mais par-dessus tout, agissant comme un moteur puissant, on trouve chez Birotteau l’appât du gain et la perspective de revanche que l’argent et la réussite sociale permettent. Les arguments que Constance Birotteau oppose à l’ambition dévorante de son mari pèsent peu face à celle-ci. Ceux-ci sont pourtant frappés au coin du bon sens, puisant à deux registres différents. Le premier argument, de nature sociologique (si l’on excuse l’anachronisme), renvoie à l’idée selon laquelle la condition des « gens du peuple » ne les préparerait pas à exercer le pouvoir, un certain nombre de dispositions nécessaires à cet exercice leur faisant défaut. Le deuxième argument est de nature philosophique : il pointe la façon dont la dépendance aux biens matériels se mue en aliénation, relevant d’une forme de vanité et contribuant à corrompre notre rapport aux autres. Si les deux arguments visent dans la bouche de Constance Birotteau à réfréner le désir d’entreprendre de son mari, ils soulèvent des questions intéressantes. Nous pourrions ainsi, en tant que chercheur en Sciences de l’éducation et de la formation, discuter de la pertinence du premier point. Est-il acceptable que certaines carrières soient réservées à celles et ceux que leur naissance aurait favorablement pourvus ?