Crimes internationaux et immunité de l’acte de fonction des anciens dirigeants étatiques
Résumé
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos de l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Remerciements
- Table des matières
- Avant-propos
- Préface
- Introduction
- Partie I : Crimes internationaux et actes de fonction
- Chapitre I : Essai de distinction entre l’acte de fonction et l’acte privé
- I. En droit international des immunités
- § 1 Critères fonctionnels
- A) Les actes de fonction stricto sensu
- B) Les actes commis dans l’exercice des fonctions
- § 2 Critère d’attribution
- II. En droit de la responsabilité internationale de l’Etat
- § 1 Les actes de fonction stricto sensu des organes étatiques
- § 2 Les actes de fonction ultra vires des organes étatiques
- § 3 Les actes privés des organes étatiques
- Chapitre II : Essai de qualification des crimes internationaux entre l’acte de fonction et l’acte privé
- I. Le crime d’agression
- § 1 Un acte des individus-organes de rang élevé agissant ès qualité
- § 2 Poursuite d’un but politique de l’Etat
- II. Le génocide
- § 1 L’élément matériel constitutif du crime de génocide
- § 2 L’élément moral constitutif du crime de génocide
- III. Les crimes de guerre
- IV. Les crimes contre l’humanité
- § 1 Une attaque à grande échelle dirigée contre une population civile
- § 2 Une politique discriminatoire étatique
- Partie II : Compétence juridictionnelle pénale et actes de fonction
- Chapitre I : Les actes de fonction devant les juridictions pénales étrangères
- I. La renonciation à l’immunité juridictionnelle pénale : Une prérogative souveraine de l’Etat
- II. Les effets de la renonciation de l’Etat à l’immunité juridictionnelle pénale de son agent
- § 1 La renonciation expresse de l’Etat à l’immunité juridictionnelle pénale
- § 2 La renonciation implicite de l’Etat à l’immunité juridictionnelle pénale
- § 3 Le silence de l’Etat vaut-il renonciation à l’immunité juridictionnelle pénale ?
- III. L’invocation de l’immunité juridictionnelle pénale
- Chapitre II : Les actes de fonction devant les juridictions pénales internationales
- I. Non pertinence de l’immunité ratione materiae devant les tribunaux pénaux internationaux
- II. Les fondements du rejet de l’immunité ratione materiae devant les tribunaux pénaux internationaux
- § 1 Le fondement hiérarchique
- A) Les Tribunaux militaires internationaux
- B) Les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc
- C) Le Tribunal spécial iraquien (TSI)
- § 2 Le fondement conventionnel
- A) Les Tribunaux pénaux mixtes
- a) Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL)
- b) Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC)
- c) Les Panels spéciaux au Kosovo et au Timor-Oriental
- d) La Section Crimes de guerre de la Cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine
- e) Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL)
- B) La Cour pénale internationale (CPI)
- Remarques conclusives
- Bibliographie
- Titres de la collection
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Les organes nationaux de rang élevé tels que le chef d’Etat, le chef du gouvernement, le ministre des affaires étrangères et les autres ministres dans leurs domaines respectifs exercent souvent des missions représentatives à l’étranger. Ceux-ci bénéficient, en vertu d’une règle profondément ancrée en droit international général, de facilités, privilèges et immunités tout au long de la période où ils se trouvent sur un territoire étranger pour les besoins de leurs fonctions. Sans doute, l’immunité de juridiction pénale constitue l’élément fondamental du statut juridique international des agents étatiques. Elle consiste en l’exemption des représentants de l’Etat de la compétence pénale des juridictions locales1. En ce sens, la Cour internationale de justice affirme à l’occasion de l’affaire du Mandat d’arrêt : « […] Il est clairement établi en droit international que, de même que les agents diplomatiques et consulaires, certaines personnes occupant un rang élevé dans l’Etat telles que le chef d’Etat, le chef du gouvernement ou le ministre des affaires étrangères, jouissent dans les autres Etats d’immunités de juridiction, tant civiles que pénales »2.
En matière de l’étendue de l’immunité juridictionnelle pénale, on distingue généralement entre deux sortes d’immunités ; l’immunité ratione personae ou immunité de la fonction et l’immunité ratione materiae ou immunité de l’acte de fonction3. ← 1 | 2 →
La première s’attache à la qualité de la personne4. Elle se fonde principalement sur l’idée que les représentants des Etats étrangers en fonction doivent bénéficier de l’immunité de juridiction pénale totale ← 2 | 3 → et absolue et ce, afin d’éviter toute intrusion de la part des autorités étrangères dans l’exercice normal des fonctions officielles dont ils ont la charge5. Cela étant, l’immunité ratione personae relève du droit procédural dès lors où elle a uniquement comme objet d’empêcher temporairement le juge étranger d’entreprendre une procédure pénale quelconque à l’encontre d’un représentant de l’Etat tout au long de la période durant laquelle il est en fonction6.
La seconde, c’est-à-dire l’immunité ratione materiae se justifie par l’idée qu’un agent de l’Etat ne doit pas répondre devant une juridiction étrangère d’un acte de fonction. La raison d’être de cette immunité est simple : un acte accompli par un organe étatique dans les limites de ses attributions officielles est réputé être l’acte de l’Etat lui-même7. ← 3 | 4 → Par conséquent, conformément à la doctrine de l’acte de l’Etat, un Etat n’est pas en mesure de porter une appréciation sur l’activité souveraine d’un autre Etat, sous peine de violation du principe fondamental de l’égalité souveraine des Etats8. Ainsi, l’immunité fonctionnelle revêt ← 4 | 5 → un caractère purement substantiel car, c’est la nature publique de l’acte qui justifie son exemption de la compétence juridictionnelle étrangère. Dans le même ordre d’idées, l’immunité de l’acte de fonction doit logiquement continuer à produire ses effets vis-à-vis des tribunaux étrangers même après la cessation des fonctions9. Il en est ainsi parce que l’immunité en question non seulement appartient à l’Etat, mais est également fondée sur le caractère souverain ou officiel des activités, dans la mesure où il s’agit d’une immunité ratione materiae10. C’est précisément dans ce cadre que deux régimes d’immunités, pourtant distincts, (l’immunité juridictionnelle de l’Etat et l’immunité de ses organes) se rencontrent et interférent. Cela dit, l’immunité rationae materiae des organes étatiques n’est qu’une extension de l’immunité de l’Etat pour ses actes jure imperii11. ← 5 | 6 →
On remarquera ainsi que l’intérêt de la distinction entre l’immunité rationae personae et l’immunité rationae materiae apparaît surtout lorsque les fonctions des hauts fonctionnaires étatiques prennent fin. C’est alors que se présente justement le problème de la distinction entre les actes de fonction et les actes privés. Un problème qui doit être préalablement surmonté par le juge étranger afin de statuer sur la responsabilité pénale d’un ancien dirigeant étatique. Dans ce sens, le Rapporteur spécial de la CDI estime que : « La question de la détermination du caractère – officiel ou privé – du comportement d’un représentant d’un Etat et, corrélativement, de l’attribution ou non de ce comportement à l’Etat doit logiquement être examinée avant celle de l’application de l’immunité à ce représentant pour le comportement considéré »12.
On le sait, cette conception classique du régime de l’immunité juridictionnelle pénale qui repose sur la juxtaposition des souverainetés interétatiques, demeure très contestée, notamment quand les agents étatiques normalement couverts par l’immunité sont accusés de commettre des crimes internationaux.
Dans ce contexte, le régime des immunités apparaît plus que jamais déchiré entre deux conceptions du droit international13. La première est l’expression de la fonction traditionnelle du droit international qui est celle du maintien de la coexistence interétatique. La seconde, par contre, tend vers le bouleversement des principes habituellement reçus dans l’ordre juridique international par la répression des violations graves du droit international, quelle qu’en soit la qualité des auteurs14. ← 6 | 7 → Ainsi, on a souvent fait valoir trois types d’arguments afin d’appuyer la thèse suivant laquelle les dirigeants étatiques admis normalement à bénéficier de l’immunité de juridiction pénale devant les tribunaux étrangers seraient privés de cette protection en cas de poursuites pour crimes internationaux extrêmement graves.
D’abord, le caractère jus cogens de la règle portant prohibition des crimes internationaux devrait légitimement l’emporter sur la règle immunitaire. En d’autres mots, l’immunité de juridiction pénale ne devrait pas jouer lorsque les personnes qui en disposent sont accusés de crimes graves portant atteinte aux valeurs fondamentales de la communauté internationale15. Partant, la hiérarchie des normes en droit international constitue le fondement juridique de l’irrecevabilité de l’immunité de juridiction pénale devant les juridictions internationales et nationales16. Ainsi, pour reprendre les propos des juges dissidents dans l’affaire ← 7 | 8 → Al-Adsani : « C’est la valeur de norme impérative de la règle et son interaction avec une règle de rang inférieur qui déterminent les effets d’une règle de jus cogens sur une autre règle du droit international »17.
Le raisonnement centré sur le caractère grave des crimes internationaux entraînerait deux conséquences essentielles. D’un coté, les tribunaux pénaux étrangers seraient habilités à poursuive toute personne soupçonnées de crimes internationaux qu’elle soit encore en exercice ou ayant déjà quitté ses fonctions officielles. Car, dès lors où le rejet de l’immunité résulte du caractère jus cogens de la prohibition des crimes internationaux, il n y’a aucune raison pour distinguer entre les anciens organes et ceux qui sont encore en exercice18. De l’autre coté, la distinction traditionnelle entre les actes de fonction et les actes privés perd sa raison d’être quand les représentants de l’Etat sont appelés à rendre compte de crimes internationaux devant les juridictions étrangères19. ← 8 | 9 →
Ensuite, on a estimé que l’exception des crimes internationaux de l’immunité juridictionnelle pénale des gouvernants aurait acquis une valeur coutumière en droit international public. Il existe de ce point de vue une immunité de juridiction pénale en droit international général et une dérogation consacrée par une norme émergente de la même nature en cas de crimes internationaux.
Les éléments constitutifs de cette nouvelle règle sont identifiables aussi bien dans les différents textes internationaux pertinents qui écartent expressément la possibilité de soulever la qualité officielle comme motif d’exentération de la responsabilité pénale internationale que dans la pratique jurisprudentielle nationale et internationale en la matière20. Dans ce sens, la jurisprudence du TPIY a également affirmé que le principe ← 9 | 10 → de défaut de pertinence de la qualité officielle était déclaratoire du droit international coutumier21.
Il n’est pas question ici de procéder à la vérification de l’existence d’une éventuelle dérogation à l’immunité juridictionnelle des gouvernants en cas de crimes internationaux. A supposer le bien fondé de cette exception, on peut néanmoins continuer à se demander légitimement avec H. Ascensio si la pratique des juridictions internationales peut servir de précédent pour la levée de l’immunité devant des juridictions nationales ?22 D’autant plus que, comme le souligne à jute titre J. Verhoeven, l’immunité de droit international n’a aucun sens devant une juridiction internationale23.
Enfin, une partie de la doctrine propose de contourner l’obstacle de l’immunité en analysant de près la notion même de l’acte de fonction. Cet argument repose sur l’idée que les crimes internationaux ne peuvent aucunement être considérés comme des actes de fonction accomplis dans l’exercice normale des charges inhérentes aux organes de l’Etat. De tels actes sont, par définition, des actes privés et, de surcroît, leurs auteurs ne peuvent pas bénéficier de l’ immunité de juridiction pénale rationae materiae après la cessation de leurs fonctions24. Bien ← 10 | 11 → mieux, les responsables des graves violations de droit international sont supposés avoir agi en outrepassant leurs prérogatives officielles définies par l’Etat25, ou encore, pour reprendre la Commission du droit international, ceux-ci seront réputés avoir abusé de l’autorité et du pouvoir qui leur ont été confiés26. De même, bien qu’isolée, la jurisprudence a parfois consacré ce point de vue27. ← 11 | 12 →
Notre étude se propose d’examiner le bien fondé d’une hypothèse contraire selon laquelle les crimes internationaux peuvent constituer des actes de fonction des agents étatiques et, partant, des actes de la collectivité étatique relevant des prérogatives de puissance publique28. Par conséquent, il est assez généralement accepté que, de par leur nature, de tels actes échappent en principe à la compétence juridictionnelle des tribunaux appartenant à un autre Etat, sauf à vouloir juger l’Etat étranger lui-même et violer ainsi le principe de l’égalité souveraine des Etats. De la sorte, le débat serait réorienté de la recherche d’une « exception crimes internationaux » à l’immunité des agents étatiques vers celle du « forum conveniens » habilité à statuer sur de tels actes et à consacrer en définitive l’exception envisagée.
Résumé des informations
- Pages
- XVIII, 232
- Année de publication
- 2015
- ISBN (MOBI)
- 9783035193060
- ISBN (ePUB)
- 9783035193077
- ISBN (PDF)
- 9783035203226
- ISBN (Broché)
- 9783034316903
- DOI
- 10.3726/978-3-0352-0322-6
- Langue
- français
- Date de parution
- 2015 (Juin)
- Mots clés
- Rettungswesen Geschichte Krankentransport Notfallmedizin Deutsches Rotes Kreuz Deutschland Medizingeschichte droit international pénal responsabilité de l'Etat immunité juridictionnelle jurisprudence nationale et internationale droit international des immunités juridictions pénales internationales
- Publié
- Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. XVIII, 232 p.
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